«Les seuls qui puissent ressentir leur douleur» A Gaza, les frappes israéliennes sur le Liban suscitent empathie et peurs

blue News et AFP

25.9.2024

«On ressent leur douleur»: face aux frappes israéliennes visant le Hezbollah au Liban, les Palestiniens de Gaza vivant depuis près d'un an sous les bombardements d'Israël sont partagés entre empathie et inquiétude quant à l'impact d'une escalade régionale sur leur propre sort.

Une femme réagit sur les lieux d'une frappe aérienne israélienne dans la ville de Maisara, au nord de Beyrouth, mercredi 25 septembre 2024.
Une femme réagit sur les lieux d'une frappe aérienne israélienne dans la ville de Maisara, au nord de Beyrouth, mercredi 25 septembre 2024.
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Depuis plusieurs jours, Israël multiplie les bombardements aériens sur le Liban, disant viser des caches d'armes et installations du mouvement islamiste Hezbollah soutenu par l'Iran.

Ces opérations ont fait jusque là plus de 600 morts, dont au moins 558 lundi, journée la plus meurtrière pour le pays depuis la guerre civile (1975-1990). Elles ont aussi provoqué l'exode de 90.000 personnes fuyant le sud et l'est du Liban, où se concentrent les frappes, selon l'ONU.

«Les scènes sanglantes au Liban que nous voyons sur nos écrans sont des images très dures», lâche Chadi Nawfal, Palestinien de 24 ans originaire de la ville de Gaza.

«Nous dans la bande de Gaza sommes le seul peuple qui puisse ressentir la douleur que vit le peuple libanais», ajoute celui qui dit avoir perdu sa maison dans un raid israélien.

La bande de Gaza est depuis un an la cible de bombardements israéliens dévastateurs et meurtriers, une guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas, qui y est au pouvoir depuis 2007, dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023.

Dès le lendemain, le Hezbollah a commencé à tirer depuis le Liban des roquettes sur le territoire israélien, affirmant agir ainsi en soutien à son allié du Hamas et aux Palestiniens de Gaza.

«Centre de gravité»

La poussée de fièvre entre l'armée israélienne et le Hezbollah libanais fait craindre une guerre régionale à grande échelle. Elle intervient après plusieurs coups durs pour le Hezbollah la semaine dernière.

Des explosions meurtrières ont touché des centaines d'appareils de transmission du mouvement, imputées à Israël par le Hezbollah pro-iranien et Téhéran. Puis une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth a fait 55 morts, décapitant la force d'élite du mouvement chiite, al-Radwan, dont le chef Ibrahim Aqil a été tué.

De quoi faire dire la semaine dernière au ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, que le «centre de gravité» de la guerre se déplaçait «vers le nord» d'Israël.

Ayman al-Amreiti, un autre déplacé dans la bande de Gaza, craint lui que les violences au Liban n'éclipsent la guerre à Gaza.

«Le puissance militaire se déplace désormais vers le Liban, alors l'attention médiatique pour la bande de Gaza est devenue secondaire» affirme à l'AFP l'homme de 42 ans.

«Cela encourage l'occupation (Israël, ndlr) à commettre plus de crimes», déplore-t-il.

Le Hezbollah assure que le front libanais est un «front de soutien» au Hamas et qu'il cessera avec la fin de la guerre à Gaza.

Avec deux conflits aux implications régionales et internationales enchevêtrées, M. Amreiti espère que tout «règlement» avec le Hezbollah concerne également le sort de Gaza.

«C'est ça l'espoir vers lequel se tournent les enfants du peuple palestinien», lâche-t-il.

«Une guerre comme à Gaza»

La guerre à Gaza a été déclenchée par l'attaque du Hamas contre Israël qui a entraîné la mort de 1.205 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles israéliennes qui inclut les otages morts ou tués en captivité à Gaza.

Sur les 251 personnes enlevées, 97 sont toujours retenues à Gaza dont 33 déclarées mortes par l'armée.

L'offensive militaire israélienne sur Gaza a fait au moins 41.495 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

Malgré d'énormes différences dans l'ampleur et la durée des conflits au Liban et à Gaza, Oum Munzir, 52 ans, ne peut s'empêcher d'établir un parallèle.

«La guerre contre le Hezbollah au Liban c'est une guerre comme à Gaza, les victimes ce sont les gens. Les petits, les grands (...), tout est pris pour cible, les humains, les arbres, la pierre», martèle la quinquagénaire palestinienne.

«Ils disent que c'est contre le Hamas et le Hezbollah. Mais sur le terrain, ce sont les gens qui meurent», lâche-t-elle.

© Agence France-Presse