«À la fois beaucoup et trop peu» Peine maximale de 20 ans requise pour les viols de Mazan 

ATS

25.11.2024 - 11:07

Le ministère public a requis lundi la peine maximale, soit 20 ans de réclusion criminelle, contre Dominique Pelicot pour ses «agissements abjects». Il a, pendant une décennie, drogué, violé et fait violer sa femme par des dizaines d'hommes recrutés sur internet. Après onze semaines d'audiences, ce procès au retentissement international entre dans sa dernière ligne droite, le parquet estimant que l'enjeu était de «changer fondamentalement les rapports entre hommes et femmes».

Gisele Pélicot, escortée de ses avocats, a tenu dès le début à rendre publiques les audiences et par là son affaire.
Gisele Pélicot, escortée de ses avocats, a tenu dès le début à rendre publiques les audiences et par là son affaire.
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Keystone-SDA

«20 ans, c'est à la fois beaucoup car c'est 20 ans d'une vie, quel que soit son âge, ce n'est pas rien. Mais c'est à la fois beaucoup et trop peu. Trop peu au regard de la gravité des faits qui ont été commis et répétés», a insisté Laure Chabaud, seconde représentante du ministère public à s'exprimer lundi matin devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon.

«Sa responsabilité dans les actes commis est donc pleine et entière», a-t-elle estimé.

Cette peine était attendue dans la mesure où Dominique Pelicot, 71 ans, n'a jamais caché sa responsabilité. Mi-septembre, il s'était lui-même qualifié de «violeur» et avait affirmé: «je suis coupable de ce que j'ai fait (...) J'ai tout gâché, j'ai tout perdu. Je dois payer».

Symbole d'une journée particulière

Le coeur de ce procès est celui «de la domination masculine sur les femmes», a lancé l'un des représentants de l'accusation, Jean-François Mayet, à l'ouverture du réquisitoire devant la cour criminelle de Vaucluse.

Il a souligné ainsi que l'enjeu de ce procès «aux faits d'un gravité inimaginable» n'était «pas une condamnation ou un acquittement». «Ce procès hors normes entraîne des réquisitions hors normes», a-t-il encore dit.

M. Mayet a salué le «courage» et la «dignité» de Gisèle Pelicot, victime de quelque 200 viols, dont la moitié attribués à son ex-mari. «C'est beaucoup d'émotion», avait lâché Mme Pelicot en entrant dans la salle d'audience.

Hasard du calendrier, ce réquisitoire qui pourrait durer trois jours débute à l'occasion de la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes. «C'est un symbole de plus», a estimé Me Antoine Camus, l'un des deux avocats des parties civiles.

Une certitude: les réquisitions seront scrutées de près, tant ce procès a eu un impact mondial et tant la victime principale, Gisèle Pelicot, 71 ans, a accédé au statut d'icône féministe après avoir refusé que le procès se déroule à huis clos, «pour que la honte change de camp».

«Chef d'orchestre»

Devant les magistrats professionnels composant la cour, le ministère public a débuté son réquisitoire par le «chef d'orchestre» de cette décennie de viols.

Dominique Pelicot, dénominateur commun des 50 coaccusés recrutés sur internet à qui il avait livré sa désormais ex-épouse, préalablement sédatée aux anxiolytiques, à leur domicile conjugal de Mazan entre juillet 2011 et octobre 2020.

Difficile d'imaginer que ne soit pas réclamée à son encontre la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle. Dominique Pelicot n'a jamais caché sa responsabilité, se qualifiant lui-même de «violeur». «Je suis coupable de ce que j'ai fait (...) J'ai tout gâché, j'ai tout perdu. Je dois payer», affirmait-il peu après le début du procès.

Même si la plupart des accusés sont poursuivis pour les mêmes faits, à savoir viols aggravés sur Gisèle Pelicot, et risquent donc également 20 ans de prison, l'individualisation des peines est obligatoire. Par exemple pour distinguer les récidivistes -dix hommes sont venus plusieurs fois- de ceux venus une seule fois à Mazan.

Ces hommes âgés de 26 à 74 ans pouvaient-ils légitimement croire qu'ils participaient au scénario d'un couple libertin, où l'épouse ferait semblant de dormir? Ont-ils été «manipulés» par Dominique Pelicot? Ou leur discernement était-il altéré au moment des faits, comme l'ont encore suggéré les avocats de 33 d'entre eux mercredi?

«Nuance»

Enfin, le parquet aura-t-il la main plus lourde envers les 35 accusés qui, à l'ouverture du procès, ont encore fermement nié avoir participé à un «viol», en dépit des vidéos accablantes filmées par Dominique Pelicot?

La demande des collectifs féministes, qui ont apposé une banderole dimanche soir en face du tribunal, est très claire: «20 ans pour chacun».

«Il faut de la nuance dans les peines. Ca, on ne peut le comprendre qu'en suivant le procès», a estimé de son côté auprès de l'AFP lundi Brigitte Jossien, une retraitée de 74 ans arrivée dès 05H45 pour assister au réquisitoire, après avoir suivi la quasi-totalité des audiences avecson amie Bernadette Teyssonnière, 69 ans.

Les deux femmes ne croient pas que ce procès apportera des changements dans la société: «C'est l'éducation sexuelle dans les écoles qui changera les choses» et aussi «des modules en fac de médecine pour que les futurs médecins soient plus attentifs à la soumission chimique», juge Bernadette.

Couvert en quasi-mondovision, avec 138 médias accrédités dont 57 étrangers, ce procès a un écho bien au-delà des frontières françaises. Comme en a encore témoigné jeudi la présidente de la chambre des députés chilienne, Karol Cariola, saluant «le courage et la dignité» de Gisèle Pelicot, «une citoyenne ordinaire qui a donné une leçon au monde entier».

Et ce weekend, des dizaines de milliers de personnes -beaucoup de femmes mais aussi des hommes- ont défilé dans toute la France pour réclamer un «sursaut» contre les violences faites aux femmes, beaucoup faisant référence à ce procès hors norme.

Dans la foulée, lundi matin, le gouvernement français a annoncé l'extension du dispositif permettant aux femmes victimes de violences sexuelles de déposer plainte dans un hôpital doté d'un service d'urgences ou gynécologique.

A Avignon, le réquisitoire est prévu sur trois jours, selon le planning officiel. Mais selon les informations recueillies auprès des différentes parties par l'AFP, il pourrait s'achever mercredi en fin de matinée.

Après le cas Pelicot, l'accusation devrait avancer crescendo avec d'abord les dossiers moins lourds, ceux de Joseph C., 69 ans, et Hugues M., 39 ans, respectivement accusés d'agression sexuelle et de tentative de viol, avant de s'atteler aux 48 autres (dont un en fuite).

Après le réquisitoire, la parole sera aux avocats de la défense jusqu'au 13 décembre. Restera alors une semaine à la cour pour délibérer, pour un verdict attendu le 20 décembre au plus tard.

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