«Une femme extraordinaire» Qui est Gisèle Pelicot ? La figure de proue des victimes de viol et de soumission chimique

AFP

18.9.2024

Cheveux roux coupés au carré, Gisèle Pelicot est devenue l'incarnation des victimes de violences sexuelles, la figure de proue de la lutte contre la soumission chimique depuis ses apparitions déterminées et dignes au procès des hommes accusés de l'avoir violée.

Fille d'un militaire de carrière, née dans le sud-ouest de l'Allemagne, à Villingen, le 7 décembre 1952 et arrivée en France à l'âge de cinq ans, elle a neuf ans quand sa mère décède d'un cancer.
Fille d'un militaire de carrière, née dans le sud-ouest de l'Allemagne, à Villingen, le 7 décembre 1952 et arrivée en France à l'âge de cinq ans, elle a neuf ans quand sa mère décède d'un cancer.
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Droguée aux anxiolytiques par son mari, puis violée dans son sommeil durant dix ans, par celui-ci et des dizaines d'hommes invités par ce dernier, la septuagénaire est la victime principale d'un procès hors norme ouvert le 2 septembre devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon.

Gisèle Pelicot: «Je me sens humiliée»

  • Gisèle Pelicot a fustigé mercredi les soupçons à son égard distillés, selon elle par des avocats de certains accusés, sur une éventuelle complicité dans les viols qu'elle a subis entre 2011 et 2020.
  • «Depuis que je suis arrivée dans cette salle d’audience, je me sens humiliée. On me traite d’alcoolique, que je me mette dans un état d’ébriété tel que je suis complice de monsieur Pelicot», a-t-elle affirmé devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon (sud de la France) ajoutant: «C’est tellement humiliant et dégradant d'entendre cela.»

Une jeune femme qui aurait rêvé d'être coiffeuse

Mais elle a décidé de ne pas se cacher, refusant fermement le huis clos pourtant demandé par le parquet et auquel ont droit les victimes de viol. Pour que «la honte change de camp», avait expliqué l'un de ses deux avocats, Me Stéphane Babonneau.

Officiellement divorcée de son mari et bourreau, qui a reconnu les faits, Gisèle a désormais repris son nom de jeune fille et a déménagé, loin de Mazan, cette commune de 6.000 habitants au pied du mont Ventoux où pendant dix ans elle avait été traitée comme «un bout de viande», «une poupée de chiffons», comme elle l'a dit aux enquêteurs puis à l'audience.

Mais la jeune fille timide, la jeune femme qui aurait rêvé d'être coiffeuse mais a finalement fait des études de sténo-dactylo, la mère de famille dévouée, qui mettait toujours son mari en avant, la retraitée qui aimait aller marcher et chanter à la chorale, est désormais une septuagénaire prête à livrer le combat, explique son autre avocat, Me Antoine Camus.

«Je sens bien qu'on essaie de me piéger»

«Il va falloir se battre jusqu'au bout, car ce procès va durer quatre mois», affirme-t-elle le 5 septembre, lors de sa seule prise de parole publique, devant les micros et les caméras du monde entier, après son audition devant la cour et les premières questions de certains avocats de la défense pensant pouvoir la déstabiliser.

«Evidemment, c'est un exercice de style qui n'est pas facile, et je sens bien qu'on essaie de me piéger au niveau des questions...», ajoute-t-elle, calmement.

«Dans la famille, on cache ses larmes et on partage ses rires»

Fille d'un militaire de carrière, née dans le sud-ouest de l'Allemagne, à Villingen, le 7 décembre 1952 et arrivée en France à l'âge de cinq ans, elle a neuf ans quand sa mère décède d'un cancer, à 35 ans.

«Mais dans ma tête j'avais déjà 15 ans, j'étais déjà un petit bout de femme», se souvient-elle, racontant une vie avec «peu d'amour». Quand son frère Michel décède, en 1971, d'un infarctus, à 43 ans, elle n'a pas 20 ans.

Mais Gisèle n'a jamais été du style à exhiber ses états d'âme: «Dans la famille, on cache ses larmes et on partage ses rires», explique-t-elle à ses avocats.

En 1971, c'est aussi la rencontre avec Dominique Pelicot, un jeune homme conduisant une 2CV rouge. Son futur mari et violeur.

«Une femme extraordinaire»

Après plusieurs années d'intérim, elle intègre EDF. Une entreprise où elle fait toute sa carrière, en région parisienne, terminant cadre dans un service de logistique pour les centrales nucléaires. A côté, c'est une vie simple, la famille, ses trois enfants, ses sept petits enfants, et un peu de gymnastique.

Mais le 2 novembre 2020, quand elle apprend les faits, après l'arrestation de son mari qui filmait sous les jupes des femmes dans un supermarché, «son monde s'effondre».

Celle qui a décidé d'accepter les débats publics à son procès «n'a jamais cherché à être un modèle», insiste Me Camus.

«Elle veut juste que tout ça ne serve pas à rien», «elle veut que ces débats permettent de voir ce que c'est la crudité et l'horreur d'un viol», souligne-t-il. Puis il ajoute: Gisèle est «une personnalité qu'on n'oublie pas, une femme extraordinaire».

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