Médecin légiste superstar Philippe Boxho: «Mon premier cas, c'était un décapité sur l'autoroute et après... ça va»

Valérie Passello

17.10.2024

Pas moins de 530 personnes ont fait la file depuis l'après-midi déjà pour assister à la conférence de Philippe Boxho à Lausanne le 16 octobre, un événement organisé par Fnac Suisse. Le médecin légiste belge est devenu célèbre en racontant son métier, sans fard et avec désinvolture. Superstar des réseaux sociaux, il n'a pas déçu son public. Mais il l'a prévenu d'emblée: «Attention, vous allez voir des cadavres»!

Valérie Passello

Qu'est-ce qui fascine tant le commun des mortels dans les histoires de Philippe Boxho? «La mort, bien sûr, répond le médecin légiste du tac au tac. Et puis ce sont des histoires vraies, on est dans des 'true crimes'. Enfin, je crois que j'ai une façon de parler qui amuse les gens».

Ce Belge, qui exerce la profession de médecin légiste depuis 33 ans maintenant, en a vu défiler, des cadavres. Et il y a environ deux ans, il a découvert que son quotidien passionnait les foules, que ce soit en le racontant dans des livres ou sur les réseaux sociaux. 

C'est avec tout son naturel, son détachement déjà légendaire et son petit accent belge qu'il a répondu aux questions de blue News juste avant sa conférence à Lausanne. 

«J'ai un point de vue très 'chirurgical': il y a un problème, on le règle et il n'y a plus de problème», explique-t-il en parlant de son métier. Là-dedans, pas de place pour les états d'âme: «Je n'ai jamais été hanté par les scènes que j'ai pu voir. Je ne les garde pas en tête, la plupart du temps. Je pense que c'est une faculté qu'on a ou qu'on n'a pas, je ne vois pas comment on pourrait apprendre à être détaché», estime Philippe Boxho. 

«Pour moi, la mort n'est pas sinistre»

Il reconnaît tout de même: «Ce qui marque le plus, ce sont les meurtres d'enfants. Mais ça, je n'aime pas le raconter, car c'est triste et mon but est de montrer le côté amusant de ce que je fais». Plus tard lors de sa conférence, il livrera une règle d'or: surtout, ne jamais prendre en charge le corps de quelqu'un que l'on connaît. «Cela pourrait biaiser les résultats de l'autopsie».

Philippe Boxho ajoute qu'en suivant des études de médecine, avant de se spécialiser dans la médecine légale, la dissection de corps fait déjà partie du cursus. «Un médecin doit être habitué à la mort, parce qu'elle est là, elle existe. Pour moi, la mort n'est pas sinistre. Mon premier cas, c'était un décapité sur l'autoroute et après... ça va», sourit-il.

Âmes sensibles s'abstenir

«Attention, vous allez voir des cadavres», prévient Philippe Boxho au début de sa conférence. Ajoutant avec humour: «vous ne vous attendiez quand même pas à voir des Bisounours?» Mais il rassure: «on va y aller mollo au début». 

Il enchaîne avec des explications sur les scènes de crime, les méthodologies, les terminologies. Cette présentation, c'est celle qu'il propose aux jeunes médecins lors de leur prestation de serment. S'ensuivent des descriptions de nombreux cas, assorties d'anecdotes savoureuses et de photos qui le sont nettement moins.

«Vous penserez à moi la prochaine fois que vous mangerez grec»

On retiendra le têtu des Ardennes, un homme qui tenait tellement à mourir qu'il s'est tiré dessus... 14 fois! On enchaîne avec une femme, a priori morte dans l'incendie de son canapé, mais dont on découvrira finalement qu'elle a été assassinée par une héritière un peu trop pressée. Enfin, Philippe Boxho présente l'une de ses «pièces maîtresses»: un homme découvert dans une maison close...momifié!

Et la promesse est tenue: le public a bien vu des cadavres. On sait désormais à quoi ressemble un corps putréfié ou un phénomène de saponification après une immersion prolongée: «si vous mettez le doigt au coin de la bouche, ça casse comme de la feta. Vous penserez à moi la prochaine fois que vous mangerez grec», plaisante le médecin légiste.

Faire connaître un métier de l'ombre

Le médecin superstar assure raconter toute la vérité, pour ce qui est du fond médico-légal de ses histoires. Par contre, il ne cache pas qu'il invente et romance certaines parties, afin que les cas décrits ne soient pas identifiables. «Souvent, plutôt que de raconter la vie des victimes, je raconte celle de mes copains: ils la découvrent dans mes livres, ça les fait marrer.»

«Chaque année, on passe à côté de 70 à 80 meurtres»

«Bien sûr, je choisis des histoires où la médecine légale a une utilité pour l'enquête», ajoute Philippe Boxho. Aussi, c'est ce qui explique qu'il soit toujours au centre du récit: «Les policiers, il ne faut pas leur faire confiance pour les cadavres, il ne savent pas faire. Nous ne faisons pas le même métier», tranche-t-il. 

C'est d'ailleurs davantage pour faire connaître sa profession que pour être connu lui-même que Philippe Boxho a commencé à écrire. Car «les médecins légistes exercent un métier de l'ombre et n'aiment pas se montrer dans les médias. Et dans les séries américaines, on voit beaucoup de conneries». Il publie désormais son troisième ouvrage: «La mort en face».

Mais c'est aussi pour attirer l'attention sur une triste réalité concernant la médecine légale en Belgique: alors que dans les autres pays européens, 10% à 12% d'autopsies sont réalisées, ce chiffre n'est que de 1% à 2% dans le plat pays. «Chaque année, on passe à côté de 70 à 80 meurtres», dénonce le médecin. L'Europe a d'ailleurs interpellé la Belgique sur cet état de fait.

Mais Philippe Boxho ne pense pas que ses écrits révolutionneront le système: «Celui qui s'engage politiquement est un pousse-bouton, je n'y crois pas. Pour que les choses changent, il faut que cela serve son intérêt», estime-t-il.

Un médecin légiste belge star des librairies et des réseaux sociaux

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17.10.2024