L’odyssée canadienne des Stutz En Nouvelle-Écosse, une famille suisse cultive son rêve viticole depuis 20 ans

Vanessa Büchel

16.11.2024

Il y a plus de 20 ans, la famille Stutz, originaire de Saint-Gall, a décidé de commencer une nouvelle vie au Canada. Le père a acheté un domaine viticole et ses enfants l'ont rejoint dans cette aventure. Séparer les affaires de la famille n'a pas toujours été une tâche facile.

Beatrice Stutz est originaire de Grabs (SG) et vit depuis plus de 20 ans en Nouvelle-Écosse, au Canada.
Beatrice Stutz est originaire de Grabs (SG) et vit depuis plus de 20 ans en Nouvelle-Écosse, au Canada.
Edelweiss_Loren Bedeli

Beatrice Stutz, native de Grabs (SG), vit depuis plus de 20 ans en Nouvelle-Écosse, au Canada. «Pour moi, il était clair dès le début que je partirais - le Canada m'avait toujours plu», raconte Beatrice lorsqu’elle nous reçoit dans le domaine viticole familial de Grand Pré.

Au tournant des années 2000, la famille a quitté Grabs pour s’installer en Nouvelle-Écosse. Hanspeter Stutz, âgé de 77 ans aujourd’hui, a quitté la Suisse avec sa fille Beatrice et son fils Jürg. Leurs partenaires ont également fait le voyage. Avant d’acheter le domaine viticole abandonné de Grand Pré en 1993, le Saint-Gallois a demandé à Jürg, alors en formation commerciale à Grabs, ce qu’il pensait de l’idée de se lancer dans la viticulture. «Jürg a dit oui», et l'entreprise familiale était lancée.

Hanspeter Stutz, âgé de 77 ans aujourd’hui, a quitté la Suisse avec sa famille au tournant des années 2000.
Hanspeter Stutz, âgé de 77 ans aujourd’hui, a quitté la Suisse avec sa famille au tournant des années 2000.
Edelweiss_Loren Bedeli

Il a fallu plusieurs années pour que le projet se concrétise. En 2000, le domaine viticole de Grand Pré ouvrait enfin ses portes, accompagné du restaurant Le Caveau, que Beatrice dirige. Depuis, l’hôtel The Inn a également vu le jour. «Au début, aucun de nous ne savait exactement ce que nous faisions. Parfois, je regarde en arrière et je me dis que c’est fou que tout ait marché», se souvient Beatrice, ancienne droguiste, qui rêvait depuis toujours de tenir un restaurant.

En 2000, le domaine viticole de Grand Pré ouvrait enfin ses portes, accompagné du restaurant Le Caveau, que Beatrice dirige.
En 2000, le domaine viticole de Grand Pré ouvrait enfin ses portes, accompagné du restaurant Le Caveau, que Beatrice dirige.
Edelweiss_Loren Bedeli

«On se fait de nouvelles amitiés»

La femme de Jürg, Cäcilia, gère aujourd'hui le magasin de vin, s'occupe du marketing, des médias sociaux et de bien d'autres choses encore. Elle a accompagné son mari dans sa nouvelle aventure canadienne, mais n'aurait jamais imaginé un jour émigrer. «Pour moi, il a toujours été clair que je resterais en Suisse», dit Cäcilia en riant.

La femme de Jürg, Cäcilia.
La femme de Jürg, Cäcilia.
Edelweiss_Loren Bedeli

Beatrice Stutz ajoute: «Au début, mes amis et mes collègues m’ont bien sûr manqué, mais on se fait de nouvelles amitiés».

Un nouveau départ au Canada

C’est en 2000 que Beatrice a fait ses valises et quitté la Suisse avec son mari de l’époque, un cuisinier suisse. Toutefois, ce mariage a pris fin: «Ce n’était pas facile pour lui, à la fin nous n’avions plus les mêmes objectifs et son chemin l’a ramené en Suisse». En 2014, elle a épousé son nouveau mari, un Canadien qu’elle a rencontré dans son nouveau pays. «Oui, il est canadien, et oui, il est cuisinier», ajoute Beatrice, âgée de 53 ans, en souriant.

Le départ pour le Canada n’a pas été facile. La mère de Beatrice et Jürg est décédée juste avant leur départ en 1992, à l’âge de 45 ans. Beatrice, les yeux un peu plus sombres, se souvient : «Je pense que mon père était ensuite prêt à prendre un nouveau départ».

Les débuts au Canada n’ont pas toujours été simples, surtout à cause de la barrière linguistique. Beatrice avait appris l'anglais dès son plus jeune âge grâce à un séjour linguistique à San Diego. «J'avais simplement besoin d'un rafraîchissement et j’ai dû apprendre tous les termes techniques», se rappelle-t-elle.

Si elle devait tout recommencer, Beatrice aurait aimé avoir à ses côtés quelqu’un du pays pour lui donner des conseils pratiques. «Nous avons simplement fait les choses comme nous le pensions. Et en fin de compte, ça a bien marché. Nous avons fait des erreurs, nous avons appris, et à un moment donné, nous avons trouvé les personnes qui nous ont aidés», se souvient-elle.

Pour Beatrice, le plus grand défi dans un pays inconnu reste de comprendre comment les choses fonctionnent. «Ce n’est pas parce qu’une chose est faite de cette manière en Suisse qu’elle fonctionnera de la même manière ailleurs», explique-t-elle. Selon elle, ceux qui souhaitent émigrer doivent être courageux et ouverts, sans se laisser abattre et en ayant bien conscience de ce à quoi ils s'engagent. «Celui qui ne fait pas ses devoirs doit l'apprendre à la dure».

L'hôtel The Inn.
L'hôtel The Inn.
Edelweiss_Loren Bedeli

«On se dispute plus vite avec son frère qu’avec un inconnu»

La Nouvelle-Écosse est devenue sa patrie, un endroit qu’elle chérit profondément. «C’est tellement beau», dit-elle avec enthousiasme. Bien sûr, il y a eu des moments où elle a voulu abandonner le business, mais l’idée de rentrer chez elle ? «Jamais !»

Créer une entreprise en famille a été un véritable défi. «Les réunions sont souvent émotionnelles, on se dispute plus vite avec son frère qu’avec un inconnu», confie Beatrice. Parfois, elle regrette d’avoir monté une entreprise familiale, car les décisions commerciales passaient souvent au second plan, éclipsées par la famille. «C’est incroyablement difficile de séparer la vie privée et la vie professionnelle».

«Encore plus de Suisses dans la région»

La région viticole de la Nouvelle-Écosse est encore jeune, mais le domaine de Grand Pré fêtera en juin prochain ses 25 ans d’existence. Beatrice est impatiente : «Et comme si nous nous étions concertés, Edelweiss volera précisément à partir de l’été 2025 vers Halifax et amènera encore plus de Suisses dans la région».

Pourquoi visiter la Nouvelle-Écosse? Un sourire éclaire le visage de Beatrice. «Il y a tellement de raisons. La nature magnifique, bien sûr, et la région viticole est encore relativement jeune comparée à d'autres régions viticoles historiques. Cela offre tellement de possibilités».

Ce qu’elle apprécie surtout, c’est le rythme de vie un peu plus lent, plus authentique que celui de la Suisse. «Ici, tout est encore un peu plus lent, et nous sommes entourés par la mer, les paysages sont tout simplement uniques», explique-t-elle. Que ce soit pour les randonnées, les fruits de mer ou l’observation des pygargues à tête blanche, la Nouvelle-Écosse est un véritable trésor naturel.

Malgré les difficultés rencontrées, la famille Stutz a su trouver sa place dans l’entreprise familiale. «Chacun de nous a une certaine responsabilité», conclut Beatrice. L’avenir dira si l’un de ses trois fils ou les deux garçons de Cäcilia suivront un jour les traces de leurs parents.