Grands prédateursLe Conseil de l'Europe déclasse la protection du loup
ro, ats
3.12.2024 - 10:52
Sous pression des éleveurs, les pays du Conseil de l'Europe se sont mis d'accord mardi pour abaisser la protection du loup. Les organisations environnementales suisses ont dénoncé une décision «techniquement indéfendable» et «un mauvais signal» pour la protection des espèces.
03.12.2024, 10:52
03.12.2024, 13:53
ATS
Réunis à Strasbourg, les 49 Etats membres de la Convention de Berne ont approuvé un déclassement du statut de protection du loup, qui va passer d'espèce «strictement protégée» à «protégée». Ils ont accepté une proposition de l'Union européenne, qui cherche à mieux protéger le bétail dans un contexte d'augmentation de la population des loups.
La modification entrera en vigueur dans trois mois, sauf si au moins un tiers des Etats parties à la Convention (17) s'y oppose, précise dans un communiqué le Conseil de l'Europe, qui héberge la convention. «Si moins d'un tiers des parties s'y oppose, la décision entrera en vigueur uniquement pour les parties qui n'ont pas formulé d'objections», a-t-il ajouté.
Cinq oppositions
Selon l'association écologiste Green Impact, seuls cinq Etats ont voté contre: le Royaume-Uni, Monaco, le Monténégro, l'Albanie et la Bosnie-Herzégovine. Parlant de «honte» pour l'Union européenne, l'association a annoncé dans un communiqué son intention de porter la décision devant la justice européenne.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a de son côté salué «une nouvelle importante pour nos communautés rurales et nos éleveurs» car «il nous faut une approche équilibrée entre la préservation de la faune et la protection de nos modes de vie». Dans l'UE, la décision devra encore être transposée dans la directive habitat.
Plus de 20'000 individus
Des loups peuvent déjà être tués dans des conditions très précises pour protéger des troupeaux, comme c'est actuellement le cas en Suisse.
Dans sa proposition, l'UE, qui assure se fonder sur «une analyse approfondie du statut» du carnivore sur son territoire, fait état d'une population grandissante, atteignant les 20'300 individus en 2023, pour la plupart dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne.
Une expansion qui serait à l'origine de difficultés de «coexistence avec les activités humaines, notamment en raison des dommages causés au bétail, qui ont atteint des niveaux importants», selon Bruxelles.
La proposition de l'UE n'est pas la première concernant la protection du loup en Europe. En 2022, la Suisse avait présenté une proposition similaire, qui a été rejetée.
«Un mauvais signal»
Dans un communiqué, le WWF, Pro Natura, le Groupe Loup Suisse et Birdlife ont dénoncé une décision «techniquement indéfendable» et qui envoie «un mauvais signal» en ce qui concerne la protection des espèces. A leurs yeux, cette rétrogradation n'est par ailleurs pas une recette miracle pour réduire les attaques contre les animaux de rente. En effet, celles-ci se produisent aussi lorsque les populations de loups sont régulées de manière intensive par des tirs.
«Ces mesures de régulation favorisent même les attaques, lorsque les tirs détruisent la structure sociale de la meute», ajoutent les organisations dans un communiqué commun. Une protection des troupeaux à large échelle et de qualité reste incontournable.
Satisfaction sous la Coupole
Aux Chambres fédérales, plusieurs sénateurs des régions de montagne ont en revanche accueilli avec un plaisir non dissimulé la décision du Conseil de l'Europe, annoncée alors même qu'ils débattaient du loup. La Chambre des cantons a approuvé deux motions visant à affaiblir la protection du canidé.
L'un des deux textes demandait précisément au Conseil fédéral de s'activer pour rétrograder le loup d'"espèce de faune strictement protégée" à «espèce de faune protégée» dans la Convention de Berne. Les sénateurs ont en revanche enterré une motion qui voulait autoriser les cantons à créer des zones «zéro loup».
Les organisations environnementales soulignent toutefois que, malgré sa rétrogradation, le loup reste une espèce protégée en Suisse et en Europe - au même titre que le lynx ou le castor, également classées comme «espèces de faune protégées». La décision de mardi n'a donc «aucune influence» sur son statut.
Et les organisations de rappeler que le bureau de la Convention de Berne avait critiqué la politique suisse de régulation des loups, y voyant une mauvaise interprétation des règles du Conseil de l'Europe.
Désormais, «sa régulation en Suisse sera plus à même de respecter la convention - à la condition que les interventions soient mises en œuvre avec discernement et dans le respect de la loi», souligne le communiqué. L'objectif est de parvenir à un statut de conservation favorable de sa population en Suisse et dans les Alpes.