Incendies zombies et sécheresse Le Canada se prépare à un été apocalyptique

AFP

23.2.2024

Sous la neige, des dizaines de brasiers. Dans l'Ouest canadien, ces incendies zombies combinés au manque de neige font craindre le pire à quelques semaines du début de la saison des feux, après un été 2023 apocalyptique.

L’été 2023 avait été apocalyptique au Canada.
L’été 2023 avait été apocalyptique au Canada.
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C'est une lutte sans fin. Même en plein hiver, les pompiers canadiens sont à pied d'œuvre alors que près de 150 feux continuent de brûler dans l'Ouest. «Nous avons un hiver exceptionnel après un été exceptionnel», se désole auprès de l'AFP Josée St-Onge, porte-parole des pompiers de la province de l'Alberta.

En cause: la multiplication des incendies zombies, ceux qui couvent sous la neige dans l'épaisse profondeur des tourbières de la forêt boréale. Ils sont dix à douze fois plus nombreux cette année dans les provinces de l'ouest du Canada.

Les éradiquer est un travail de fourmi car ils sont difficilement détectables et nécessitent de gratter la terre pour éviter que se consume à petit feu, sous la neige, l'humus - cette épaisse matière végétale qui compose une couche qui peut atteindre jusqu'à 80 cm.

«Situation plus dramatique»

Rien qu'en Colombie-Britannique, plus de 90 incendies sont actifs actuellement, un record. «Normalement, nous en avons plutôt sept ou huit l'hiver en moyenne», raconte Forrest Tower, porte-parole des pompiers de cette province souvent la plus touchée par les incendies.

Et si les pompiers redoutent ces feux qui couvent, c'est parce que, dès l'arrivée du printemps et la hausse des températures, ils peuvent rapidement se transformer en immenses brasiers.

«Nous sommes dans une situation plus dramatique que l'an dernier car la sécheresse est toujours là mais en plus, nous avons toujours une partie des feux de l'an passé», explique Marc-André Parisien, chercheur au Service canadien des forêts.

Victime des conséquences dévastatrices du réchauffement climatique, le Canada a connu en 2023 la pire saison des feux de son histoire. Près de 18 millions d'hectares de terres sont partis en fumée -- soit une superficie plus grande que la Grèce. Quelque 200.000 personnes ont par ailleurs dû être évacuées et la fumée des incendies s'est répandue jusqu'aux États-Unis et même en Europe.

Enneigement très faible

A peine trois mois après la fin officielle de la saison 2023, les experts sont «très inquiets» d'un bis repetita, notamment en raison du manque de neige, qui a aggravé la sécheresse déjà existante.

«Nous avons un enneigement bien en-deçà de la normale sur une assez large partie du Canada. C'est assez spectaculaire à certains endroits», explique à l'AFP Forrest Tower, qui parle de -50% dans sa province. Or plus la neige est abondante, plus le risque d'incendie diminue car au printemps, la fonte permet d'humidifier les sols.

Selon Ressources naturelles Canada, la couverture neigeuse a diminué de 5% à 10% par décennie depuis 1981. Et cet hiver a été marqué par des températures hivernales plus douces, qui se situaient en moyenne 4 degrés Celsius au-dessus des normales de saison, selon le ministère de l'Environnement.

Vu les conditions actuelles, «il suffira d'un peu de vent ou d'un orage pour que des feuilles et les aiguilles de résineux s'enflamment. C'est un combustible extrêmement inflammable», ajoute Marc-André Parisien.

Préparatifs

«Tout est en place pour une saison des feux très active, au moins dans l'ouest du pays», renchérit Mike Flannigan, professeur à l'université Thompson Rivers de Kamloops en Colombie-Britannique.

Le seul espoir pourrait venir d'un printemps particulièrement pluvieux. Mais «les prévisions saisonnières d'Environnement Canada indiquent que des températures plus chaudes sont probables au moins jusqu'en juin», ajoute-t-il, évoquant le phénomène El Nino.

L'heure est donc déjà aux préparatifs: l'Alberta a annoncé mardi avoir recruté 100 pompiers supplémentaires, a devancé la mobilisation au mois d'avril et déjà interdit les feux à proximité des forêts.