«On ne naît pas pervers»L’avocate de Dominique Pelicot a tenté de rendre humain le «diable»
AFP
27.11.2024
L'avocate de Dominique Pelicot, un septuagénaire ayant drogué, violé et fait violer sa femme par des dizaines d'hommes dans le sud-est de la France, a tenté mercredi d'expliquer les raisons l'ayant conduit à devenir le «chef d'orchestre» de cette décennie de viols, tout en rappelant la part d'humanité de «l'autre Dominique», le «bon père et grand-père».
AFP
27.11.2024, 18:32
27.11.2024, 19:57
Marc Schaller
«Bien malgré moi, je suis devenue l'avocat du diable (...) Comme je vous l'ai souvent dit, c'est vous et moi contre le monde entier», a dit en guise d'introduction Me Zavarro, se tournant d'abord vers son client, dans le box des accusés, puis vers Gisèle Pelicot, sur le banc des parties civiles, pour lui exprimer son «profond respect».
«Est-ce que le pire ennemi de Dominique Pelicot n'est pas Dominique Pelicot ?», s'est-elle interrogée, proposant à la cour criminelle du Vaucluse, sans insister, de s'éloigner «quelque peu de ce que l'accusation a réclamé de plus fort», à savoir la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle.
Pendant un peu plus d'une heure, d'une voix calme et posée, l'avocate a rappelé les traumas traversés dans son enfance par Dominique Pelicot, avant qu'il ne plonge dans la «perversité», «cet engrenage» qui l'a mené à droguer, violer et faire violer sa femme à leur domicile de Mazan par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet.
Répétant une phrase utilisée par son client lors de son premier interrogatoire devant la cour - «on ne naît pas pervers, on le devient» - elle a estimé que «cette formule fait l'autre Dominique, celui pour qui je plaide aujourd'hui. Celui qui est clivant».
«Cet autre Dominique est doté d'une certaine perversité, mais avant cela il y a un homme», a déclaré Mme Zavarro, face à son client, le jour même de son 72e anniversaire.
«Trois faits qui le marqueront à jamais»
Elle a ainsi rappelé les «trois faits qui le marqueront à jamais»: «le climat familial délétère» dans lequel il a grandi, avec un père «autoritaire, tyrannique», puis ces deux agressions sexuelles qu'il dit avoir subies dans sa jeunesse, un viol par un infirmier lors d'une hospitalisation quand il était enfant et sa participation forcée au viol d'une jeune femme sur un chantier quand il était apprenti.
Mme Zavarro a rappelé que Dominique «aimait plus que tout» Gisèle Pelicot mais que le déménagement du couple dans le sud de la France et le fait qu'elle ne «pouvait assouvir tous ses fantasmes» avaient pu être des éléments déclenchant «son schéma criminel».
Elle a enfin conclu sa plaidoirie en lisant le passage d'une lettre de son client à sa femme, ses trois enfants et ses petits-enfants: «sans vous, je ne suis rien». «Je sais qu'ailleurs on se reverra. On pourra, je souhaite, reparler de tout ça», a-t-elle ensuite poursuivi, lisant un extrait d'un poème de Dominique Pelicot à son épouse.
Le menton de Gisèle Pelicot tremble, ses yeux rougissent. Mais elle ne pleure pas.
Depuis le début en septembre du procès qu'elle a voulu public, Gisèle Pélicot est devenue l'un des visages de la lutte contre les violences faites aux femmes en France, et bien au-delà.
Le verdict est attendu le 20 décembre au plus tard.