Résilience du Cerrado Du vert parmi les cendres: la savane brésilienne, résistante face aux incendies

Relax

4.11.2024 - 07:55

(AFP) – Des plantes qui repoussent sur un terrain carbonisé: ce spectacle illustre la résilience du Cerrado, la savane brésilienne, toutefois de plus en plus mise à l'épreuve par les incendies.

Moins célèbre que l'Amazonie ou le Pantanal, les biomes voisins, le Cerrado est surnommé le "berceau des eaux" car ses sources alimentent d'importants fleuves et aquifères sud-américains.
Moins célèbre que l'Amazonie ou le Pantanal, les biomes voisins, le Cerrado est surnommé le "berceau des eaux" car ses sources alimentent d'importants fleuves et aquifères sud-américains.
Nelson ALMEIDA / AFP

Au Parc national de Brasilia, le sol et les troncs calcinés témoignent du passage d'un incendie qui a atteint 1.470 hectares en septembre dans ce sanctuaire de biodiversité.

La capitale du Brésil vivait alors une sécheresse historique, passant 169 jours sans recevoir la moindre goutte de pluie, un record.

C'est loin d'être un cas isolé. L'année 2024 est déjà la pire en plus d'une décennie pour ce qui est des feux de végétation, avec plus de 240.000 foyers recensés dans le pays.

Causés pour la plupart par l'action humaine, ces incendies se propagent plus facilement cette année en raison de la sécheresse extrême liée, selon les experts, au changement climatique.

Mais le Cerrado, savane la plus riche en biodiversité au monde, située au sud-est de l'Amazonie, est doté de mécanismes naturels qui lui permettent de résister aux flammes et aux hautes températures.

- «Tête en bas» -

«Le Cerrado est une forêt qui a la tête en bas, on voit très peu de cette forêt car elle se trouve sous nos pieds», explique à l'AFP Keiko Pellizzaro, responsable des parcs nationaux brésiliens à l'Institut Chico Mendes de conservation de la biodiversité (ICMBio), un organisme public.

Le sol est «comme une éponge», et sous la terre un système de racines très profondes permet de «pomper» l'eau souterraine, «y compris lors d'une sécheresse extrême».

A la surface, l'épaisse écorce des arbres et les coques de noix font office d'"isolant thermique», selon Isabel Schmidt, professeure d'écologie à l'Université de Brasilia.

La végétation peut ainsi survivre même si la température atteint 800ºC à cause des flammes.

- Régénération -

Un mois à peine après les incendies, après les premières pluies, des herbes et de petites plantes commencent à repousser entre les souches et des arbres calcinés retrouvent des feuilles au Parc national de Brasilia, réserve de plus de 40.000 hectares.

«Même s'il n'avait pas plu, nous aurions vu une certaine résilience», assure Keiko Pellizzaro.

«Je suis émerveillée par cette capacité de régénération», confie Priscila Erthal Risi, bénévole de 48 ans qui participe à une opération de l'ICMBio pour faire reverdir le parc.

Elle sème des graines de plantes autochtones comme la queue d'âne, ou d'arbres comme le tingui (Magonia pubescens).

L'incendie au Parc national de Brasilia fait l'objet d'une enquête policière. Comme pour la plupart des incendies de végétation au Brésil, les soupçons portent sur un départ de feu d'origine criminelle, pour faire place à des champs ou à des pâturages.

La végétation du Cerrado est habituée à se régénérer après des incendies sporadiques causés par la foudre, explique Isabel Schmidt.

Mais, alerte-t-elle, si la sécheresse extrême devient plus fréquente, cela pourrait défier les limites de la résilience de ce biome (vaste zone géographique partageant un climat, une faune et une flore similaires).

«La résistance des plantes et des animaux face aux flammes a été acquise tout au long de millions d'années, mais le changement climatique s'observe au long de décennies. Aucun organisme vivant ne peut s'adapter aussi rapidement», déplore-t-elle.

- En péril -

Moins célèbre que l'Amazonie ou le Pantanal, les biomes voisins, le Cerrado est surnommé le «berceau des eaux» car ses sources alimentent d'importants fleuves et aquifères sud-américains.

Mais il est en péril: selon les scientifiques, la saison des pluies y commence de plus en plus tard et les précipitations ont chuté de 8% en moyenne lors des trois dernières décennies, faisant baisser de 15% le débit des fleuves.

Isabel Schmidt préconise des incendies contrôlés pour nettoyer la végétation et limiter ainsi la propagation des foyers indésirables.

Si la situation continue à empirer, «un grand nombre d'écosystèmes plus sensibles risquent de ne plus se régénérer», prévient-elle.

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