«C’est une catastrophe» Ce village français vit sous perfusion

AFP

23.8.2024

«C'est une catastrophe»: dans le village de Durban-Corbières, dans l'Aude, les habitants ne bénéficient de l'eau courante que quelques heures par jours et sont approvisionnés quotidiennement en eau potable par des camions-citerne, depuis mi-juillet.

Les habitants d’un village dans l’Aude ne bénéficient de l'eau courante que quelques heures par jours (image d’illustration).
Les habitants d’un village dans l’Aude ne bénéficient de l'eau courante que quelques heures par jours (image d’illustration).
IMAGO/Content Curation

AFP

Isabelle Dessez, 60 ans, sans emploi, remplit quelques bouteilles avant que le robinet de sa cuisine ne soit à sec. Il est aux alentours de 14h00 et «la pression est moins forte, ce qui veut dire que l'eau sera bientôt coupée», explique-t-elle.

Depuis le 16 juillet, du fait du faible niveau des nappes phréatiques, les 660 habitants du village subissent des coupures d'eau de 14h00 à 06h00 chaque jour. Et certains jours, seulement «de 09h00 à 11h00», indique Isabelle Dessez, installée dans le village depuis trois ans.

Pour elle, la situation vécue depuis plus d'un mois «est une catastrophe!». «Il faut anticiper. Je prépare mes repas à l'avance, je remplis des bouteilles et je prends parfois mes douches qu'avec un filet d'eau le matin», témoigne la sexagénaire.

Exception en France

Alors que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) annonçait dans son bulletin mensuel le 14 août, des nappes d'eau sous-terraines à des niveaux élevés dans la plupart de la France, la situation reste critique dans les Pyrénées-Orientales et une partie de l'Aude.

Le peu d'eau disponible à Durban-Corbières provient d'un camion qui réalise trois trajets par jour depuis Narbonne, à 32 km de là, pour remplir le réservoir d'eau de la commune.

Derrière la citerne de son camion, Hervé Pagès coupe les vannes du tuyau raccordé à la cuve d'eau située dans le centre d'épuration. «30.000 litres par citerne, trois citernes, donc ça représente 90 000 litres. Tous les jours, tous les jours, tous les jours», dit sur un ton alarmé le livreur d'eau.

Sous le soleil tapant des Corbières, la cuve de 1.000 litres du camping du village se remplit petit à petit. Deux fois par semaine, Loli Contreras, la gérante, veille au grain, afin que les vacanciers puissent utiliser les sanitaires la nuit.

Malgré les restrictions qui touchent la commune, elle n'a pas vu les 30 emplacements de l'établissement se vider: «les gens comprennent, certains viennent avec des douches solaires», dit-elle.

Cette période de restriction est une occasion de sensibiliser les campeurs. «Les enfants ont pris conscience ce que c'était de ne pas avoir d'eau au robinet quand on l'ouvre, estime Loli Contreras. Il y a un côté pédagogique: les parents ont enseigné à leurs enfants pourquoi on leur dit de ne pas prendre des douches trop longues» ou «de fermer robinet quand on se brosse les dents».

Sources à sec

En contrebas du village, la rivière, la Berre, est à sec. Sur les hauteurs, la piscine municipale a été fermée début août, faute d'alimentation en eau, malgré les températures caniculaires de l'été.

«On enregistre une année 2023 la plus faible en pluviométrie des 20 dernières années avec 332 mm tombés dans l'année et on n'a pas eu de pluie à l'automne 2023», explique Alain Laborde, maire du village. Habitant de longue date sur la commune, il s'inquiète du manque d'eau chronique: «Il y a bien longtemps qu'on n'avait pas vu certaines sources à sec.»

Les villages voisins ont eux aussi commencé à être touché par l'assèchement des nappes phréatiques. En 2021, si deux villages des environs avaient pu approvisionner Durban-Corbières en eau, cette année, précise M. Laborde, «ils arrivent juste à satisfaire leur population».

Obligé de faire venir l'eau depuis Narbonne, chaque camion venant approvisionner le réservoir «coûte 480 euros à la commune», un coût qui se répercutera sur le prix de l'eau.

Pour l'élu, «s'il ne pleut pas cette année, on a du souci à se faire» et ce qui arrive au village audois «risque de n'être qu'un aperçu de ce qu'on vivra ailleurs en France dans quelques années».