«Renationalisation» Au Royaume-Uni, marche arrière toute sur la privatisation du rail

ATS

20.11.2024 - 07:14

Le nouveau gouvernement travailliste au Royaume-Uni a annoncé en juillet une loi pour renationaliser progressivement le rail, 30 ans après une privatisation retentissante qui n'a pas apporté les résultats espérés.

Le nouveau gouvernement travailliste au Royaume-Uni a annoncé en juillet une loi pour renationaliser progressivement le rail, 30 ans après une privatisation retentissante qui n'a pas apporté les résultats espérés.
Le nouveau gouvernement travailliste au Royaume-Uni a annoncé en juillet une loi pour renationaliser progressivement le rail, 30 ans après une privatisation retentissante qui n'a pas apporté les résultats espérés.
KEYSTONE

- Pourquoi avoir privatisé? -

La privatisation s'inscrit dans la continuité de la politique libérale de Margaret Thatcher dans les années 1980. Elle est lancée par son successeur conservateur, John Major, à son arrivée au pouvoir en 1992 avec le «Railways Bill», pièce maîtresse de son programme.

La promesse: un meilleur service, plus d'investissements, moins de dépenses pour l'Etat.

Très impopulaire, le projet est dénoncé par les syndicats, l'opposition, certains conservateurs et la population: sept Britanniques sur dix y sont hostiles.

Mais les infrastructures et le matériel sont vieillissants et l'opérateur public British Rail déficitaire depuis des années.

«Sous contrôle public, il est très difficile d'apporter des changements», estime Taku Fujiyama, professeur associé spécialiste des transports à l'University College de Londres.

Pour lui, les décideurs ont pu être influencés par des réussites comme au Japon en 1987, qui «a créé un bon précédent».

La loi est adoptée, non sans peine, en 1993. Première ligne concédée en décembre 1995, premiers trains privés en 1996, privatisation totale en 1997.

- Comment le Royaume-Uni s'y est-il pris? -

L'ancien monopole British Rail est démembré en une multitude de sociétés de fret, de maintenance ou encore de location de matériel roulant.

L'infrastructure – voies, signalisation et la plupart des gares – est confiée à Railtrack, une société privée.

Reste le coeur du projet: la concession au privé de 25 mini-réseaux de transport de passagers, le plus souvent divisés selon des critères géographiques.

Cette privatisation passe par l'octroi de licences d'exploitation, d'abord les plus rentables, contre une redevance – parfois pour une livre symbolique.

Les repreneurs, qui louent le matériel roulant à des entreprises privées, s'engagent à investir pour moderniser le réseau, en échange de quoi le gouvernement offre des subventions.

- Quel a été le résultat? -

Le nombre de passagers s'accroît dans un premier temps, tout comme les investissements. Mais les annulations et les retards sont monnaie courante et les passagers se plaignent des prix.

Certains billets sont aujourd'hui réglementés, mais pas tous, ce qui peut faire exploser les tarifs.

Un déraillement causé par des micro-fissures dans les rails, qui fait quatre morts en 2000, constitue un premier gros couac.

Railtrack, en difficulté, demande alors des subventions publiques pour améliorer la sécurité, mais fait scandale en en distribuant une partie à ses actionnaires.

Le gouvernement travailliste de Tony Blair réattribue le réseau à Network Rail, société privée sans actionnaire et sans dividende, financée par l'Etat et les concessionnaires. Une quasi-renationalisation. L'entreprise est aujourd'hui considéré officiellement comme publique.

Au fil des ans, le gouvernement procède à des nationalisations de certaines compagnies mal gérées. Et l'Etat continue d'injecter de l'argent: 11,9 milliards de livres entre avril 2022 et mars 2023, soit la moitié des revenus du rail britannique.

Le secteur a aussi connu des grèves ces dernières années, sous la pression de la crise du pouvoir d'achat.

- Comment va se dérouler la renationalisation? -

Dénonçant «des années de performances mauvaises et inacceptables», les travaillistes entendent regrouper progressivement les opérateurs à l'expiration de leurs contrats, au fil des ans, dans un organisme nommé «Great British Railways».

«D'une certaine manière, le secteur s'est orienté vers un 'modèle intégré'» ces dernières années, avec une marge «de plus en plus faible» des sociétés privées, selon Taku Fujiyama.

«La renationalisation n'est donc pas un changement complet», ajoute-t-il. Et «le Covid a été le dernier coup de pied dans la fourmilière, la demande des passagers diminuant, ce qui a accru les difficultés».

Les deux tiers des Britanniques soutiennent le projet. Selon un sondage Yougov début septembre, 77% jugent les billets trop chers et 51% se plaignent des retards.

Mais 50% apprécient la qualité des trains et 64% sont satisfaits de la gamme de destinations.

ATS