France Au procès du RN, l'assistant qui ne connaissait pas sa députée

AFP

22.10.2024

En février 2015, Julien Odoul demande à Marine Le Pen s'il peut venir au Parlement européen et «faire connaissance» avec Mylène Troszczynski. Une eurodéputée dont il est assistant parlementaire depuis déjà quatre mois mais pour qui il jure, à la barre du tribunal mardi, avoir bien travaillé.

Passé par le PS et le centre, Julien Odoul rejoint le Front national en 2014 et signe, le 1er octobre, un contrat d'assistant avec Mylène Troszczynski qui courra jusqu'au 31 juillet 2015 et sera rémunéré au total 56.000 euros.
Passé par le PS et le centre, Julien Odoul rejoint le Front national en 2014 et signe, le 1er octobre, un contrat d'assistant avec Mylène Troszczynski qui courra jusqu'au 31 juillet 2015 et sera rémunéré au total 56.000 euros.
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Celui qui est depuis devenu député de l'Yonne et porte-parole du Rassemblement national comparaît pour recel de détournement de fonds publics: selon l'accusation, ce contrat n'a servi qu'à faire financer par l'Europe son véritable travail, «conseiller spécial» au cabinet de Marine Le Pen.

Passé par le PS et le centre, Julien Odoul rejoint le Front national en 2014 et signe, le 1er octobre, un contrat d'assistant avec Mylène Troszczynski qui courra jusqu'au 31 juillet 2015 et sera rémunéré au total 56.000 euros.

Si c'était bien son «souhait le plus cher de travailler pour Marine Le Pen», car il était à l'époque «jeune et ambitieux», le prévenu, barbe, petites lunettes et costume bleu, assure s'être résolu à soumettre son CV à d'autres élus.

Uniquement «sur son temps libre»

En septembre 2014, il affirme avoir eu un «entretien téléphonique» avec Mylène Troszczynski, au cours duquel elle lui aurait donné le feu vert pour se «rendre utile» au parti - une conversation dont cette dernière n'a aucun souvenir.

«J'en ai évidemment profité pour me faire voir auprès de Marine Le Pen» en proposant des «conseils, notes, propositions de déplacement». Mais uniquement «sur son temps libre», jure le prévenu de 39 ans, «à titre bénévole». La mission de «conseiller spécial» sur l'organigramme du parti en 2015 ? Un «titre honorifique», promet-il.

«Ouf, c'est OK montage financier dans une semaine»

Pourtant, en septembre 2014, le chef de cabinet de Marine Le Pen lui écrit: «Ouf, c'est OK montage financier ds (dans) une semaine». Puis: «tu seras peut-être pris en charge par le Parlement européen, ce qui est parfaitement neutre».

Et juste après avoir signé avec l'eurodéputée, il demande au même interlocuteur d'informer Marine Le Pen au sujet de photos pour le magazine Têtu «dans sa jeunesse» et rappelle sa «motivation» pour travailler «au cab», «peu importe le portage».

Julien Odoul n'en démord pas: c'était «pour se positionner pour la suite», dans un contexte où des «jaloux» faisaient «fuiter» les photos pour lui nuire.

«Manipulée» ?

Le tribunal, de plus en plus sceptique, revient sur le message de février 2015 où il demande à «faire connaissance» avec sa députée... quatre mois après son embauche.

Il est «banal» de vouloir «découvrir le Parlement» à ce moment-là, car il était assistant «local» et non «accrédité», estime le prévenu avec aplomb. Et il voulait en réalité «faire plus ample connaissance» avec l'eurodéputée qu'il assure avoir rencontrée lors du congrès du FN à Lyon, en novembre 2014.

Mylène Troszczynski elle, hésite à la barre. Carré blond, tailleur pantalon noir à rayures blanches, elle laisse passer les secondes avant de tenter prudemment des réponses.

A 52 ans, celle qui travaille aujourd'hui pour la délégation française des «Patriotes» au Parlement européen reconnait avoir embauché Julien Odoul sans jamais l'avoir rencontré.

C'est Charles Van Houtte, chargé au FN des contrats d'assistants, qui «me présente le CV de Julien en me disant: +c'est quelqu'un de bien, ce serait bien que tu l'embauches, si tu veux».

L'élue alors novice admet ne pas avoir décidé ni du lieu de travail (chez lui en télétravail et au «carré», le siège du parti), ni du salaire, ni des tâches listées dans le contrat.

Aucune trace de son travail pour elle n'a été retrouvée. Sur la période, seuls 75 SMS et 18 communications ont été relevés entre eux, dont 16 au début et à la fin du contrat.

«Je lui demandais des notes, de rédiger des articles pour mon journal parlementaire...», tente l'ancienne élue. Ses assistants travaillaient «en équipe» et elle pouvait donc donner des consignes à l'un qui les répercutait à l'autre, ajoute-t-elle.

«Aujourd'hui, avez-vous le sentiment d'avoir été manipulée ?» lui demande la présidente.

«J'ai bien compris que l'ambition première de Julien était de travailler pour Marine Le Pen et je peux tout à fait comprendre...» «J'ai fait confiance», dit-elle aussi, avant d'expliquer confusément qu'il s'agissait surtout, en région comme au Parlement, de «faire grandir les idées» du FN.