Assassinat de Samuel Paty Abdelhakim Sefrioui, un accusé aux deux visages

AFP

27.11.2024

Qui est Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, le prédicateur islamiste jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris pour son rôle dans l'assassinat de Samuel Paty ? Deux témoins cités mercredi ont esquissé des portraits dissemblables de l'accusé.

L'interrogatoire d'Abdelhakim Sefrioui est prévu le 3 décembre. Il encourt 30 ans de réclusion criminelle (archives).
L'interrogatoire d'Abdelhakim Sefrioui est prévu le 3 décembre. Il encourt 30 ans de réclusion criminelle (archives).
AFP

AFP

«Sefrioui est un homme de foi, de conviction mais pas du tout radical», a dit d'un côté sa compagne, Ikram H., 34 ans, venue à la barre coiffée d'un voile blanc.

«Sefrioui se proclame imam. Pour moi, c'est un islamiste fanatique», a corrigé plus tard l'imam de Drancy Hassen Chalghoumi pris personnellement à partie par l'accusé au début des années 2010.

Ikram H. et Abdelhakim Sefrioui, de 31 ans son aîné, se sont connus en 2009 à l'occasion de rassemblements du collectif Cheikh-Yassine, un mouvement pro-Hamas, créé par Sefrioui en 2004 et connu notamment pour ses manifestations appelant à la destruction d'Israël. Mais pour autant, assure la compagne de M. Sefrioui, «le collectif Cheikh-Yassine c'était d'abord une bande d'amis».

«Choisir le nom Cheikh Yassine, le fondateur du mouvement terroriste Hamas pour baptiser son mouvement est significatif, c'est le gourou de l'islamisme», assure l'imam de Drancy.

Tandis qu'Ikram H. soutient que son compagnon «n'a rien contre les juifs», Hassen Chalghoumi rappelle que l'accusé l'a surnommé «l'imam des juifs» et qu'il a dit de sa mosquée que c'était «la synagogue de Drancy».

«Pour eux, c'est une insulte. Moi, je le prends pour un honneur», dit-il.

L'imam, souvent débordé par l'émotion, voit en Sefrioui l'homme à l'origine des campagnes de haine contre lui. «Il m'a diabolisé. Il a ouvert la boîte de Pandore, mis ma tête à prix».

Vivant sous protection policière, obligé de changer de domicile tous les trois jours, sa famille contrainte à l'exil et de changer d'identité, Hassen Chalghoumi, 52 ans, raconte sa première rencontre avec Abdelhakim Sefrioui.

C'était en 2010 devant sa mosquée à Drancy. L'imam s'était prononcé en faveur de l'interdiction du voile intégral dans l'espace public. Cette position dont il n'a pas varié lui avait valu les foudres des islamistes les plus radicaux et notamment d'Abdelhakim Sefrioui qui a organisé plusieurs manifestations aux abords et dans la mosquée de Drancy.

«Abdelhakim Sefrioui dit que les lois de la République sont contre les musulmans. Un vrai musulman respecte les lois de la République», fait valoir l'imam de Drancy.

Un enquêteur de l'antiterrorisme avait eu l'occasion de diffuser à la cour en début de semaine des vidéos de ces manifestations rassemblant des centaines de personnes.

L'imam de Drancy avait alors été qualifié de «voyou» par les partisans de M. Sefrioui.

Le «voyou»

En octobre 2020, dans la vidéo de l'accusé à l'encontre de Samuel Paty, le professeur était également qualifié de «voyou».

Cette qualification équivaut à «une fatwa», affirme l'imam. «Un voyou est un homme qui n'a aucune valeur; Ce n'est pas la peine d'utiliser le mot tuer», explique-t-il en soulignant que «l'instigateur d'une fatwa n'a pas à passer à l'acte. Le gourou prépare le terrain pour un exécutant».

Le terme «voyou» n'était «pas glorieux», concède Ikram H. qui estime que le discours de son compagnon dans cette vidéo «n'est pas violent mais juste virulent».

«Pourquoi avoir supprimé la vidéo après l'attentat ?», lui demande la cour. «Par respect pour le défunt», répond-elle.

Les avocats d'Abdelhakim Sefrioui soutiennent qu'Abdoullakh Anzorov, l'assassin de Samuel Paty, n'a pas vu la vidéo de leur client.

«Qu'importe», leur répond l'imam de Drancy en rappelant que cette vidéo «a circulé partout» notamment auprès d'une jeunesse «malheureusement naïve et fragile».

Anzorov était âgé de 18 ans au moment des faits.

Quand la cour demande à la compagne de l'accusé si sa vidéo «a contribué à mettre de l'huile sur le feu», elle répond par un sobre «non». «Si Abdelhakim n'avait pas existé, le crime aurait quand même eu lieu», affirme-t-elle.

«Sans Abdelhakim Sefrioui, Samuel Paty serait toujours dans sa classe», souligne au contraire Hassen Chalghoumi.

L'interrogatoire d'Abdelhakim Sefrioui est prévu le 3 décembre. Il encourt 30 ans de réclusion criminelle.