L'éclairage d'un expert Jeunes actifs et pilier 3a: faut-il s'en préoccuper?

Marc Schaller

6.11.2024

Alors que la retraite peut sembler bien lointaine pour les jeunes actifs, de plus en plus d'entre eux optent pour le pilier 3a. Avec l'inquiétude grandissante autour des retraites, pourquoi envisager cette option dès les premiers revenus? Diego Taboada, chercheur chez Avenir Suisse et responsable Avenir Jeunesse, laboratoire d’idées d’inspiration libérale, nous éclaire.

Diego Taboada est chercheur chez Avenir Suisse, «un think tank indépendant qui développe des idées pour le futur de la Suisse, en se fondant sur des études scientifiques et des principes libéraux, inspirés par l’économie de marché.»
Diego Taboada est chercheur chez Avenir Suisse, «un think tank indépendant qui développe des idées pour le futur de la Suisse, en se fondant sur des études scientifiques et des principes libéraux, inspirés par l’économie de marché.»
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Marc Schaller

Selon vous, les jeunes actifs en début de carrière se sentent-ils concernés par le pilier 3a?

On pourrait imaginer que les jeunes ne se sentent pas concernés. À cet âge, on a d’autres priorités en tête que de penser à sa retraite comme chercher un emploi ou trouver l’âme sœur. Mais selon le baromètre de la Raiffeisen, toujours plus de jeunes de 18 à 30 ans ont un pilier 3a: 61% en 2024 contre 53% en 2022. Je pense que les nombreuses votations populaires sur la prévoyance vieillesse ces dernières années ont contribué à mettre la thématique en lumière, aussi chez les jeunes. On voit également apparaitre de nouveaux produits de pilier 3a (par exemple via une application mobile seulement), proposés par de nouveaux acteurs sur le marché, comme les néobanques. Ces prestataires investissent également les réseaux sociaux pour communiquer sur leurs produits. Les prestataires plus «traditionnels» ont suivi la tendance.

Le pilier 3a, c'est quoi?

Le système de prévoyance suisse repose sur trois piliers: la prévoyance publique (AVS), la prévoyance professionnelle (LPP) et la prévoyance individuelle, qui se divise en deux types: le pilier 3a et le pilier 3b. Le pilier 3a, facultatif, permet de constituer un capital supplémentaire pour la retraite tout en offrant des avantages fiscaux (ce qui n'est pas le cas du 3b). Les sommes investies dans le pilier 3a sont déductibles des impôts et restent bloquées jusqu’à la retraite, sauf dans certains cas spécifiques, comme l’achat d’un bien immobilier ou un départ définitif de Suisse.

Les avantages fiscaux sont-ils bien compris par les jeunes?

Ce n’est pas forcément qu’ils sont mal compris, mais ils ne sentent peut-être pas encore concernés. Ce n'est pas surprenant, car les jeunes n'ont souvent pas encore de revenus très élevés. L’avantage fiscal absolu (en francs) n’est pas encore très important.

Quelles sont les raisons principales pour lesquelles un jeune en début de carrière aurait intérêt à ouvrir un compte pilier 3a?

Au-delà de l’avantage fiscal à court terme (qui permet de réduire la facture fiscale entre 10 à 20%), les possibilités offertes par un pilier 3a peuvent présenter un attrait pour les jeunes. Nombreux sont celles et ceux qui rêvent d'acquérir leur propre logement ou de créer leur propre entreprise. Le pilier 3a, on l’oublie parfois, peut aussi être utilisé pour cela. Si l'argent n'est pas utilisé à cette fin, il sera disponible plus tard pour financer des loisirs, des voyages ou d’autres projets au moment de la retraite. En outre, le pilier 3a contribue à forger de la «discipline d'épargne», car l'argent reste bloqué et n'est donc plus disponible pour des dépenses spontanées.

Y a-t-il un âge conseillé pour commencer à épargner?

Le plus tôt possible. Dès qu’on commence une activité lucrative. De cette manière, on peut investir sur une plus longue période et avoir un patrimoine plus élevé à long terme.

«Un pilier 3a en titres permet d’investir l’épargne sur les marchés financiers»

En particulier si on choisit un 3a avec titres, c’est-à-dire que l’épargne est investie sur les marchés financiers. On profite ainsi des rendements plus élevés à long terme grâce aux effets des intérêts composés.

Le pilier 3a est souvent perçu comme réservé aux hauts revenus. Cette perception se traduit-elle dans les faits?

C’est un mythe que le pilier 3a est l’apanage des hauts revenus. Plus d’un nouveau retraité sur deux (53 %) recevait une prestation du pilier 3a en 2022. Certes, les contribuables plus aisés cotisent plus que les autres, mais près d’un tiers des contribuables ayant moins de 40 000 CHF de revenu annuel cotisaient également.

«C’est un mythe que le pilier 3a est l’apanage des hauts revenus»

De manière générale, rares sont les personnes qui atteignent le capital maximum possible. Il faut pouvoir être économiquement en mesure de verser chaque année le montant maximal autorisé. Les jeunes, qui ont des revenus relativement faibles en début de carrière, ont moins de possibilité de verser ce montant maximum. Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières.

Quelles modifications au pilier 3a pourraient, selon vous, rendre ce système plus accessible et pertinent pour les jeunes?

Actuellement, il n’est pas possible de rattraper les cotisations non versées une année donnée, ce qui pénalise les jeunes. De nombreux jeunes commencent leur carrière avec un salaire modeste mais leurs revenus augmentent avec le temps.

«Permettre des versements rétroactifs dans le 3a compenserait ces années perdues»

Certains peuvent également traverser des périodes avec des revenus plus faibles (voyage, formation continue). Permettre des versements rétroactifs dans le pilier 3a compenserait ces années «perdues». 

Hormis le pilier 3a, quelles autres options de prévoyance ou d'épargne recommanderiez-vous aux jeunes pour optimiser leur retraite?

Le troisième pilier consiste en tout type d’épargne personnelle, pas seulement le pilier 3a. Les jeunes qui le souhaitent ont la possibilité de construire eux-mêmes un patrimoine en économisant ou en investissant sur les marchés financiers. Investir régulièrement peut être un moyen de compléter sa prévoyance personnelle.

Aujourd'hui, beaucoup de jeunes pensent que le système des retraites va s'effondrer et qu'ils n'y auront donc pas droit comme leurs aînés: est-ce une crainte légitime?

Je comprends les inquiétudes: le système de prévoyance nécessite en effet des réformes structurelles pour que son fonctionnement soit assuré à l’avenir. Jusqu’à maintenant, il s’est toutefois montré très performant. Malgré les crises de ces dernières années (pandémie, guerre en Europe, retour de l’inflation), le système a tenu et les rentes ont été payées. Cette résilience s’explique entre autres grâce à un financement dual par répartition (le premier pilier) et capitalisation (deuxième et troisième pilier) qui permet de diversifier les risques. Cette complémentarité donne au système la capacité à s’adapter aux nouvelles réalités démographiques et sociales.