Interview Tina Kieffer: «J'ai ressenti une déflagration d'amour»

Caroline Libbrecht/AllTheContent

8.1.2020

Tina Kieffer travaillait aux côtés de Christine Bravo dans «Frou-Frou».
Tina Kieffer travaillait aux côtés de Christine Bravo dans «Frou-Frou».
Tina Kieffer

Révélée au grand public dans «Frou-Frou», aux côtés de Christine Bravo, en 1992, Tina Kieffer a aussi fait carrière dans la presse féminine. En 2006, sa rencontre avec une petite cambodgienne change sa vie. Elle entame alors un virage vers l'humanitaire.

On vous a connu auprès de Christine Bravo, dans l’émission de France2, «Frou-Frou». On vous retrouve aujourd’hui à la tête d’une ONG, «Toutes à l’école». Que s’est-il passé?

Tout a changé en 2006. J’étais en vacances au Cambodge, en famille. En distribuant des vêtements dans un orphelinat, j’ai rencontré une petite fille qui allait très mal. Elle avait 3 ans, comme ma propre fille. A partir de ce jour, je n’ai eu qu’une envie: la sortir de là. Pourtant, je n’étais pas en manque d’enfants puisque j’en avais déjà quatre! Quelques mois plus tard, j’y suis retournée et j’ai pu l’emmener grâce à un visa médical. Là, j’ai décidé d’ouvrir une école à Phnom Penh, une école pour les petites filles qui sont particulièrement vulnérables.

Qu’avez-vous ressenti en rencontrant cette petite fille, nommée Chandara?

J’ai ressenti une déflagration d’amour, d’où le titre de mon livre. Ce n’était pas du tout prévu dans ma ligne de vie, mais j’ai ressenti pour elle quelque chose que je n’imaginais pas ressentir un jour, le même sentiment que pour mes quatre autres enfants… Après seulement quelques moments passés ensemble. Elle m’a donné une énergie folle, d’abord pour la sortir de l’orphelinat, puis pour créer l’école que j’ai appelé «Happy Chandara».

En quoi cette rencontre a-t-elle changé votre vie?

Si je n’avais pas rencontré Chandara - ensuite rebaptisée Théa - je n’aurais jamais créé cette école. Je ne sais pas dans quoi je travaillerais aujourd’hui. Cette rencontre a changé sa vie autant que la mienne. Au départ, c’est une histoire très personnelle qui débouche sur quelque chose au service des autres. Aujourd’hui, je me consacre entièrement à mon association «Toutes à l’école» et aux 1500 petites filles scolarisées, de l’école primaire au baccalauréat. Elles viennent de milieux défavorisés et elles ont une énorme volonté de s’en sortir. Le site emploie aujourd’hui 300 personnes (professeurs, assistantes sociales, etc).

Comment Théa s’est-elle habituée à sa nouvelle vie en France?

A la vitesse de la lumière! C’est une enfant qui avait besoin de beaucoup d’amour. A 3 ans et demi, elle ne parlait pas bien le cambodgien, elle s’était créé son propre langage. Il lui a fallu apprendre le français. Elle s’est retrouvée au milieu d’une tribu, avec mes 4 enfants, ce qui est rassurant pour une enfant qui sort d’un orphelinat. Mes deux plus jeunes enfants étaient à mes côtés à l’orphelinat, lors de la première rencontre avec celle qui allait devenir leur petite soeur. Ils ont vite compris ce qui se passait. Mes deux aînés étaient en âge de comprendre aussi. Mon conjoint de l’époque me soutenait aussi dans ce projet.

D’ailleurs, il vous a suivie au Cambodge lorsque vous êtes allée vous y installer…

Oui, même si on était séparés, il m’a suivie. On y a vécu deux ans, car l’école grandissait et j’avais besoin d’être sur place. Ainsi, on a pu poursuivre la garde alternée. Dans mon livre, je raconte cette famille recomposée dans tous les sens qui est partie s’intaller au Cambodge. Mon nouveau conjoint, chirurgien cardiaque impliqué lui aussi dans la cause des enfants, était là aussi (rires). Théa connaît très bien son pays d’origine!

«J’ai décidé d’ouvrir une école à Phnom Penh, une école pour les petites filles qui sont particulièrement vulnérables.»
«J’ai décidé d’ouvrir une école à Phnom Penh, une école pour les petites filles qui sont particulièrement vulnérables.»
Tina Kieffer

On comprend mieux maintenant pourquoi vous avez disparu des médias en France!

Oui, l’humanitaire, c’est très chronophage! C’est plus lourd que diriger un magazine féminin, pour vous donner un exemple… Je renoue avec les médias, lorsque je dois lever des fonds dans des émissions télévisées. La marraine de «Toutes à l’école» est Anne-Claire Coudray, présentatrice du journal télévisé de TF1, et je passe souvent dans l’émission de Michel Drucker. C’est très important que l’association soit connue pour qu’elle soit aidée! Nous faisons souvent des appels aux dons et nous sommes toujours à la recherche de parrains et marrains pour nos jeunes élèves.

Quel souvenir gardez-vous de l’époque «Frou-Frou»?

Un sourire… Oh, lapsus (rires)… Un souvenir amusé! On était une bande de copines, on avait bossé ensemble chez «Cosmopolitan». On a enregistré une émission pilote «Frou-Frou» et, aussitôt, ça a été diffusé et ça a fonctionné! Que demander de plus?

La télévision vous manque-t-elle de temps en temps?

Oh non! J’avais déjà quitté la télévision pour travailler dans la presse écrite, pour le magazine «Marie-Claire». Maintenant que je suis dans l’humanitaire, je ne ferais pas le chemin dans l’autre sens. La cause des enfants m’a toujours beaucoup touchée. J’ai travaillé dessus au niveau journalistique, et maintenant, grâce à «Toutes à l’école», je suis dans l’action. C’est ma façon de combattre l’angoisse: ça m’apaise, ça me fait avancer, ça me donne un équilibre. Mais cette école prend beaucoup de place dans ma vie, c’est mon 6e enfant! (rires). J’espère un jour pouvoir me reposer sur une Fondation qui financerait nos projets, car la levée de fonds est épuisante.

Retrouvez Tina Kieffer:
- «Toutes à l’école»: www.toutes-a-l-ecole.org/fr
- «Une déflagration d’amour», Editions Robert Laffont

Mélanie Maudran en images

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