«Une part manquante» Sortie ciné: coup de projecteur sur les enlèvements d'enfants au Japon 

Valérie Passello

3.12.2024

Au pays du soleil levant, la garde partagée n'existe quasiment pas. Dans «Une part manquante», qui sort ce mercredi 4 décembre au cinéma, Romain Duris incarne un Français privé de voir sa fille, qui erre à Tokyo depuis 9 ans dans l'espoir de la retrouver. Un film poignant signé Guillaume Senez. Rencontre avec le réalisateur. 

Guillaume Senez:

Guillaume Senez: "Il fallait avoir le regard au bon endroit et être juste"

Au pays du soleil levant, la garde partagée n'existe pas. Dans «Une part manquante», Romain Duris incarne un Français privé de voir sa fille, qui erre à Tokyo depuis 9 ans dans l'espoir de la retrouver. Un film poignant signé Guillaume Senez. Rencontre avec le réalisateur.

29.11.2024

Valérie Passello

Après «Keeper» et «Nos batailles», Guillaume Senez revient avec un troisième long-métrage autour du thème de la parentalité. Dans «Une part manquante», comme dans son précédent film, c'est Romain Duris qui porte l'histoire, mais cela n'est pas dû au hasard. C'est en effet lorsqu'ils étaient en tournée au Japon que l'acteur a lancé une boutade au réalisateur, raconte Guillaume Senez:« C'est vrai, on était à Tokyo et Romain, grand fan du Japon depuis toujours, m'a dit: 'regarde où on est, c'est magnifique, il faut absolument faire un film ici'».

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Comment réagir si l'on se retrouve privé de son enfant du jour au lendemain, dans un pays dont les codes diffèrent du nôtre, et que l'on a la loi contre soi? Entre résignation, colère, espoir, acharnement, Romain Duris joue avec subtilité sur la gamme de tout ce que l'on peut éprouver en pareille situation. Puis, quand sa fille Lily entre dans son taxi, c'est certes un rêve qui se réalise pour ce père, mais le lien avec sa fille n'existe pas, n'existe plus... il va falloir le créer petit à petit. «Une part manquante» est un film qui prend son temps jusqu'à nous prendre aux tripes, presque par surprise. Il soulève une problématique sans la juger et laisse le spectateur en tirer ses conclusions. Intelligemment mené, tendre et touchant. Notre note: 10/10

Si l'idée a été lancée en toute légèreté, elle s'est concrétisée petit à petit: «Par le fruit du hasard, des expats nous ont parlé de cette problématique d'enlèvements d'enfants, de cette garde alternée non-respectée. Ça nous a touchés, bouleversés, et l'on s'est dit qu'il y avait un beau film à faire», poursuit-il.

Au Japon, après une séparation, très souvent, le premier parent qui s'en va avec ses enfants en a la garde exclusive, relève Guillaume Senez.

«Entre 150'000 et 200'000 enfants y sont enlevés chaque année, c'est un véritable phénomène de société, là-bas. Dans la majeure partie des cas, ce sont des couples japonais qui sont concernés et cela crée des douleurs terribles. Mais si c'est très ancré chez eux, pour nous, les expats, c'est encore plus compliqué, car ça n'est pas du tout dans notre culture. Ne plus revoir ses enfants du jour au lendemain, c'est un vrai couperet qui tombe», explique le Franco-Belge.

Pour autant, le film ne tire pas à boulets rouges sur le pays du soleil levant.

Au contraire, même: on sent dans la manière de filmer que le réalisateur aime profondément le Japon et Tokyo, où l'action se déroule. «Mais bien sûr que j'aime le Japon, confime Guillaume Senez. Moi, c'était un pays que je ne connaissais pas. J'ai appris cette culture, j'ai appris à travailler avec des techniciens et techniciennes de là-bas. On a été très bien accueillis, très bien encadrés». 

Il ajoute: «Il fallait avoir le regard au bon endroit et être juste. Et en ça, on a été accompagné. À tous les niveaux, on s'est renseigné, on a eu énormément de consultations de Japonais sur le plateau, en scénario, en post-production, etc... pour essayer de vérifier qu'on n'était pas à charge: ces consultants juridiques, ces consultants policiers, étaient là pour nous ramener sur les faits, sur ce qui se passe, montrer les choses comme elles existent».

Il assure que son but n'était pas de réaliser un film engagé, mais d'attirer l'attention sur une problématique qui l'a personnellement bouleversé.

Pour préparer le scénario, l'équipe d'«Une part manquante» a passé beaucoup de temps avec plusieurs pères français privés de voir leurs enfants. Dans un deuxième temps, tout un panel de personnes victimes de cette problématique a été approché. 

«On a été puiser plein de petites choses, parce qu'on voulait rester dans une fiction, on ne voulait pas suivre une histoire réelle. On voulait nourrir nous-mêmes notre dramaturgie, amener nous-mêmes notre empathie, l'évolution du personnage, son parcours», relève encore Guillaume Senez.

N'étant jamais parvenu à rencontrer l'«autre partie», à savoir des parents partis avec leurs enfants, le réalisateur n'a pas souhaité raconter une histoire vraie avec un seul point de vue. D'où l'idée d'une fiction, inspirée de faits réels. «On s'est dit: 'on va amener ce que nous on sait faire de mieux à savoir essayer de transmettre une émotion'», dit-il. 

Pari gagné.

Retrouvez l'interview complète de Guillaume Senez aussi sur blue Zoom!