Archives Patrick Poivre d'Arvor: «Comme tous les survivants, j’ai eu tendance à vivre intensément»

De Caroline Libbrecht/AllTheContent

19.8.2020

Patrick Poivre d'Arvor anime désormais une émission littéraire sur CNews.
Patrick Poivre d'Arvor anime désormais une émission littéraire sur CNews.
Patrick Poivre d'Arvor

C'était en décembre 2014: Patrick Poivre d'Arvor répondait aux questions de «Bluewin».

ARCHIVES. Né en 1947, Patrick Poivre d'Arvor est devenu le célèbre PPDA, grâce à sa présence quotidienne sur nos écrans, à une époque où le journal télévisé était la grand-messe de la télévision. Aujourd'hui, il revient en librairie, avec deux nouveaux livres.

Vous n’êtes plus à l’antenne, mais vous êtes dans l’actualité littéraire, grâce à deux livres. Pouvez-vous nous en parler?

Le premier livre, «Explorateurs et chasseurs d’épices», fait référence à Pierre Poivre que nous connaissons bien dans notre famille et qui était un grand explorateur. C’est un beau livre illustré que j’ai le plaisir de signer avec mon frère. C’est le cinquième et dernier tome d’une série consacrée aux gens de mer, aux explorateurs, aux voyageurs, aux pirates et aux corsaires.

Le deuxième livre est-il davantage autobiographique?

Oui, il s’appelle «Nostalgie des choses perdues» et évoque des décennies, des années 1960 aux années 1980, quand tout était possible. Il y avait une vraie explosion de bonheur… de bonheur simple. C’est une période que j’ai beaucoup aimée et je ne suis pas le seul!

Etes-vous nostalgique de cette époque?

Assez nostalgique, oui! Quand je vois ce que nous vivons aujourd’hui, c’est-à-dire une époque où on court à toute vitesse, mais on ne s’occupe pas beaucoup de son voisin, où on n’approfondit pas beaucoup les choses, on est souvent dans la dérision et le sarcasme, je suis nostalgique de cette époque. Pour moi, c’était un âge d’or et j’ai voulu le retranscrire à travers des mots, des situations qui me manquent.

Aujourd’hui, votre parcours s’éloigne du journalisme. Vous consacrez-vous de plus en plus à l’écriture?

Je suis en train d’écrire un roman et ce sera le 70e! J’ai toujours adoré les livres. J’ai commencé à l’âge de 17 ans, quand j’ai écrit mon premier livre «Les enfants de l’aube», tiré d’une expérience que j’avais moi-même vécue. Ce livre m’a porté chance, puis j’ai eu envie de continuer.

«Tout cela est né d’une situation que j’ai vécue, la maladie…»

Toute votre vie est marquée par une très grande précocité. Bachelier à 15 ans, premier enfant à 16 ans, premier livre à 17 ans, diplômé du Centre de formation des journalistes et marié à 23 ans… Peut-on parler d’urgence à vivre?

Tout cela est né d’une situation que j’ai vécue, la maladie… J’ai eu un début de leucémie, lorsque j’avais 13 ans. Cette maladie avait emporté beaucoup de gens autour de moi. Ensuite, comme tous les survivants, j’ai eu tendance à vivre intensément. J’ai fait beaucoup de choses précocement, en effet. Je suis tombé malade en Alsace. Mais j’ai situé les contours de mon roman «Les enfants de l’aube» dans un sanatorium, à Weiterhausen, en Suisse.

Connaissez-vous bien la Suisse?

J’aime beaucoup la Suisse. Je suis allé récemment au Salon du livre de Morges et j’ai eu plaisir à retrouver ce que j’aime chez les Suisses, c’est-à-dire une bienveillance et une façon de s’arrêter sur les choses. Depuis un an, j’ai la chance d’avoir une émission de radio, une heure chaque soir (sur Radio Classique, et qui a pris fin en 2018, NDLR) où je prends le temps d’interviewer des gens, comme John Malkovich, Roman Polanski… C’est bien de s’attarder un peu sur les choses, pour ne pas être superficiel.

Est-ce la raison pour laquelle la télévision ne vous correspond plus?

Pour l’instant, oui. Depuis quatre ans, l’été, j’ai une série que j’aime beaucoup: «Une maison, un artiste», sur France 5, où on raconte l’histoire d’une maison à travers les artistes qui l’ont habitée. C’est un autre rythme, comparé aux journaux télévisés que j’ai présentés pendant 8 ans sur Antenne 2 et 21 ans sur TF1. En tout, j’ai fait de l’antenne pendant presque 30 ans… et ça m’a passionné!

Aujourd’hui, vous n’êtes plus à l’antenne. La page est-elle définitivement tournée?

Il y a toujours des projets qui peuvent être intéressants. Il n’est pas impossible qu’un jour, j’accepte une proposition. Mais je veux prendre le temps de vivre mes passions. En ce moment, je fais beaucoup d’opéras! J’ai mis en scène «Don Giovanni»… J’aime ce genre de projets.

Votre fille aînée, Dorothée, a réalisé un portrait de vous, diffusé sur France 5: “Portrait d’un homme pressé”. Ce titre vous résume-t-il bien?

C’est elle qui avait choisi ce titre tiré d’un livre de Paul Morand. Il me va bien: aujourd’hui, je cours! Mais, quand j’étais jeune, j’étais plutôt contemplatif, dans la lune…

«Ce sont des choses qui vous dévastent à vie»

Vous parrainez une association, «Tournesol Artistes à l’hôpital», qui programme des artistes dans les hôpitaux. Pourquoi soutenez-vous cette initiative visant à rendre accessible la culture à des personnes hospitalisées et isolées?

Pour moi, c’est essentiel. A chaque fois qu’il s’est agi d’aider les gens, j’ai toujours dit oui. Depuis longtemps, je soutiens aussi la Maison de Solenn qui fêtera bientôt ses dix ans, pour traiter les troubles du comportement alimentaire. Je suis heureux d’avoir créé, avec Mme Chirac, cet hôpital à Paris. Il porte le nom de ma fille Solenn qui souffrait elle-même d’anorexie.

Faire des lectures de vos textes dans des hôpitaux, c’est une chose que vous pourriez faire?

Oui! Tout cela tient beaucoup au fait que j’ai perdu moi-même deux enfants (Tiphaine est décédée de la mort subite du nourrisson en 1975 et Solenn s’est suicidée à 20 ans, en 1995, NDLR) et une troisième est mort-née (Garance, en 1980, NDLR). Ce sont des choses qui vous dévastent à vie et c’est la moindre des choses que de rendre un peu aux enfants le bonheur qu’ils vous ont donné.

Vous êtes une bonne illustration de la résilience. Comment faites-vous pour transcender vos épreuves personnelles?

C’est le principe de l’écriture: coucher les choses sur le papier et les tenir à distance. Au départ, on écrit d’abord pour soi, c’est très égoïste comme démarche. Ensuite, on réalise qu’un grand nombre de lecteurs ont vécu des drames similaires. A chaque fois, ça me serre le cœur! Finalement, je me dis que c’était utile d’avoir écrit tout cela.

Revenir à la télévision de façon régulière, est-ce envisageable?

Il n’y a aucune proposition actuellement qui me fasse saliver, mais ce n’est pas impossible. Je ne dis pas «Fontaine, je ne boirai plus de ton eau!»

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