Interview Michel Faure: «Si Meghan pense jouer le rôle de Diana, elle se trompe!»

de Caroline Libbrecht/ AllTheContent

31.3.2021

Le journaliste Michel Faure dédie son livre «Charles, roi d’Angleterre» (Ed. L'Archipel) à la personnalité fascinante du prétendant au trône, le prince Charles, 72 ans. ll nous confie son sentiment sur l'interview explosive de Meghan et Harry, sur CBS.

Le 7 mars 2021, l'interview de Meghan et Harry, accordée à Oprah Winfrey, est diffusée sur CBC. 
Le 7 mars 2021, l'interview de Meghan et Harry, accordée à Oprah Winfrey, est diffusée sur CBC. 
Keystone

de Caroline Libbrecht/ AllTheContent

31.3.2021

Votre livre s’intitule «Charles, roi d’Angleterre», or peut-on être certain qu’un jour le prince Charles accédera au trône?

Il sera roi s’il est toujours vivant lorsque sa mère Elizabeth II décédera. Il est difficile d’imaginer qu’elle abdique. Tant qu’elle n’a pas de maladie qui l’empêche de régner, elle restera sur le trône jusqu’à son dernier souffle.

Le prince Charles a-t-il envie de devenir roi?

Cela va au-delà de l’envie: toute son éducation a été tournée vers cet objectif. C’est son destin, il l’a parfaitement intégré depuis sa plus tendre enfance. Il attend sans impatience car c’est sans doute plus amusant d’être Prince de Galles plutôt que Roi d’Angleterre. Mais il espère le devenir. Ce sera sans doute un vieux roi…

Le destin d’un prince, c’est d’attendre son tour. Comment le prince Charles a-t-il occupé cette longue période d’attente?

Il a été l’un des premiers à occuper réellement cette attente, de façon constructive. Ses prédécesseurs ont perdu leur temps, contrairement à Charles qui a été très actif. Il est un bon mécène, il a inventé un certain nombre d’activités qui l’occupent encore aujourd’hui.

A propos de l'auteur
Michel Faure
Michel Faure

Michel Faure, journaliste, a travaillé comme correspondant de l’AFP à Paris puis à New York avant de rejoindre  «Libération» où il a été chef du service étranger et correspondant à Washington et à Bonn. Ancien grand reporter à «L’Express», il a suivi l’actualité de l’Amérique latine pendant plus de dix ans.

Quels sont ses centres d’intérêt?

Son amour de la nature lui a fait découvrir une espèce d’harmonie quasi mystique. Cela a induit un grand nombre d’idées de Charles qui s’intéresse à l’écologie, à l’architecture, à l’urbanisme. Il a une préférence pour les médecines douces. Il se retrouve dans toutes les religions, à travers une forme d’œcuménisme. C’est un personnage singulier intellectuellement.

«C’est un personnage psychorigide qui ne change jamais d’avis.»

Quel genre de roi sera-t-il?

Il sera assez interventionniste. Je ne vois pas comment, une fois sur le trône, il pourra s’empêcher de donner son opinion, comme il l’a toujours fait. Il ne reconnaît jamais quand il se trompe. C’est un personnage psychorigide qui ne change jamais d’avis.

Comment décririez-vous l’enfance de Charles, prétendant au trône?

Il a eu une enfance malheureuse. Il la qualifie de «misérable». Ce n’était pas facile d’être un enfant différent. Un fossé s’est creusé entre ses camarades de classe et lui. Elizabeth II était très peu présente et assez rétive au contact physique avec ses enfants. Distante, elle était peu chaleureuse. Elle a cessé d’embrasser Charles quand il avait l’âge de huit ans, même si on la voit l’embrasser sur la joue, lors de son couronnement de Prince de Galles, alors qu’il avait 20 ans. C’est une femme qui a ensuite regretté d’avoir été absente avec ses deux premiers enfants, Anne et Charles. Elle a eu un regain d’affection avec Andrew et Edward, ses deux derniers enfants.

Le prince Charles commence ensuite sa vie adulte. Quel jeune homme est-il lorsqu’il tombe sous le charme de Camilla en 1971?

 Il était beau garçon, mais rétrograde et coupé de la société. Un futur roi devait épouser une femme qui réponde à un certain nombre de critères: il fallait qu’elle soit aristocrate - ce qui n’était pas tout à fait le cas de Camilla - vierge et anglicane. Finalement, Camilla ne collait pas à l’idéal de la princesse royale qui devait assurer la continuité de la dynastie. Deux ans après leur rencontre, Camilla se marie avec un autre, mais Charles et Camilla continuent à se fréquenter.

«Trois des quatre enfants de la Reine ont fini par divorcer.»

Et le mariage avec Diana, en 1981, n’y changera rien?

La présence de Camilla dans la vie de Charles n’était pas négociable: ils ont toujours gardé une relation amicale. Au fil du temps, leurs mariages respectifs battant de l’aile, Charles et Camilla ont renoué de façon charnelle. Diana y a vu la fin de son couple. La Reine a refusé l’idée d’un divorce, avant de s’y résigner. Finalement, le divorce a été prononcé en 1996, mettant un terme à 15 années de mariage tumultueux. La princesse Diana a révélé qu’il fallait être plus proche du peuple, plus en phase avec la société britannique, poussant la monarchie à adapter ses mœurs et à changer sa vision du divorce. D’ailleurs, trois des quatre enfants de la Reine ont fini par divorcer (seul Edward est toujours en couple avec Sophie Rhys-Jones, NDLR).

Quel genre de père le prince Charles a-t-il été avec ses deux fils, William et Harry?

 Il a accordé une très grande place à ses enfants, après la mort accidentelle de Diana, en 1997. Les enfants étaient encore très jeunes. Harry n’avait que 13 ans lorsqu’il a suivi le cercueil de sa mère, en regardant par terre. C’était une image poignante. Il a été traité avec beaucoup d’attention, car il était le plus jeune. Charles s’est bien occupé d’eux, le temps qu’ils deviennent adultes.

«Je ne pense pas qu’Harry soit fâché avec son père.»

N’étant pas l’héritier du trône, Harry a-t-il du mal à trouver sa place au sein de la famille royale?

 Harry n’est pas destiné à être dans le premier cercle de la royauté. Le destin de la famille royale est de produire un roi qui sera William, à la suite de Charles. C’est la règle de la dynastie. Harry a alors décidé de mener sa vie comme il l’entendait. Il a trouvé son équilibre ailleurs, notamment dans la vie militaire qu’il a beaucoup aimée. Mais je ne pense pas qu’Harry soit fâché avec son père.

Que pensez-vous de l’interview de Harry et de son épouse Meghan, diffusée sur la chaîne américaine CBS, début mars?

 Je l’ai trouvée dérisoire et déplaisante. Finalement, c’est triste d’étaler en public des rancœurs privées qui ne sont pas d’une extrême importance. La société britannique est multiculturelle, je ne crois pas aux accusations de racisme.

«Diana a été efficace pour infléchir la monarchie. Ce n’est pas Meghan qui fera ça!»

Pourquoi Harry dit-il que Charles et William sont «prisonniers du système»?

 Harry pense à sa mère quand il dit ça. Lady Di s’est sentie en cage dans la famille royale. C’était une jeune fille rebelle qui ne supportait pas les contraintes, le protocole… Elle se sentait à l’étroit. D’ailleurs, Diana a été efficace pour infléchir la monarchie. Ce n’est pas Meghan qui fera ça (rires)! Personnellement, je ne pense pas que Charles se sente prisonnier: il a une grande autonomie même s’il sait que son destin est intimement lié à la famille royale. Il a élargi son domaine de liberté autant que possible, tout en respectant les temps forts de la couronne. Finalement, c’est Harry qui s’est senti prisonnier, comme sa mère l’a été!

Pourquoi Meghan a-t-elle tant de mal à se soumettre au protocole royal?

 Je ne la comprends pas bien. Métisse, américaine et divorcée, elle apportait une touche de modernité à la cour, c’était intéressant. Et aujourd’hui, elle reproche à la famille royale des choses qui me semblent dérisoires! Elle s’inquiète pour sa sécurité mais, si elle a besoin de gardes du corps, elle peut en embaucher, elle n’a pas de problèmes d’argent. Diana savait ce qui l’attendait: elle connaissait les codes de la monarchie, même si elle ne les a pas supportés. Il semble que Meghan ne savait pas ce qui l’attendait. Le couple est parti vivre au Canada, puis aux États-Unis, pour fuir la pression des tabloïds. C’est leur droit.

«Diana était adulée par les Britanniques, alors que Meghan ne l’est pas du tout.»

Le retour du couple sur le devant de la scène avec cette interview sur CBS, était-ce une bonne idée?

Non, c’est indécent, au regard de l’actualité mondiale, avec la pandémie de covid, etc. On a du mal à s’apitoyer sur leur sort. Le message d’apaisement de la Reine a été très habile. Si Meghan pense jouer le rôle de Diana, elle se trompe! Diana était adulée par les Britanniques, alors que Meghan ne l’est pas du tout. Au mieux, ils sont indifférents à son égard. Elle n’a pas redoré son image en Angleterre, avec cette interview. Et cela ne va pas ébranler la monarchie.

Avec le temps, Charles et Camilla ont conquis le cœur des Britanniques. Comment ce revirement s’est-il opéré?

Charles a beaucoup œuvré pour ses sujets, il a créé le «Prince’s Trust», pour s’occuper de gens en marge de la société. Il honore des engagements tous les jours, il voyage pour représenter la Reine, il fait des discours… Mais ce n’est pas ce qui fait sa popularité. Ce qui le rend populaire, c’est sa bonne humeur, son bonheur enfin accompli, sa constance. Il incarne la sérénité d’un homme heureux auprès de la femme qu’il a toujours aimée, Camilla.

Paradoxalement, Charles incarne aujourd’hui la fidélité… Finalement, c’était lui le fidèle! Il est toujours amoureux de son amour de jeunesse, cette femme qui s’est révélée tout à fait sympathique. Depuis la disparition de Diana, le temps a passé et Camilla a su conquérir sa place. Elle a une personnalité joviale et il y a une grande tendresse entre Charles et elle. Les gens sont heureux pour eux. La défiance a disparu. Le prince Charles a remonté la pente des sondages d’opinion, au fil des années. C’est un couple légitime, tout à fait digne de représenter la couronne à l’avenir.

Michel Faure: «Charles, roi d’Angleterre» (Ed. L’Archipel)
Michel Faure: «Charles, roi d’Angleterre» (Ed. L’Archipel)
Ed. L'Archipel