Novak Djokovic semblait avoir enfin conquis le public, dans la défaite, à l'US Open, mais le N.1 mondial risque de tomber de haut en atterrissant à Melbourne, où la dérogation médicale qui lui a été accordée pour participer à l'Open d'Australie fait grincer des dents.
L'image du joueur, souvent vu comme un chasseur de records insensible, mais dont le coeur de pierre s'était fendu en septembre en finale du dernier US Open, laissant paraître des larmes en plein match en raison du soutien inattendu et si recherché du public, risque de reprendre un coup.
D'autant que pendant ce temps, l'un des chouchous du public, Rafael Nadal, masqué jusqu'aux oreilles, se confondait en excuses à Melbourne, mains jointes en prière, devant des fans qui lui demandaient un autographe que le service d'ordre lui interdisait de signer... par mesure de sécurité sanitaire.
Tout sourire avec son gros sac de raquettes, Djokovic a, lui, annoncé mardi son départ pour Melbourne grâce à l'obtention d'une dérogation. Ce qu'a rapidement confirmé la Fédération australienne (TA). Mais ni le joueur de 34 ans, ni l'instance n'ont précisé les raisons justifiant ce laissez-passer, se retranchant derrière le secret médical et l'anonymat des dossiers. Et c'est cette opacité qui provoque la polémique.
Ouvertement opposé à la vaccination contre le Covid-19, le Serbe entretenait un mystérieux silence quant à sa situation vis-à-vis de l'obligation faite aux voyageurs arrivant en Australie d'être complètement vaccinés. Un silence empreint cependant d'une forme de sérénité, comme s'il savait qu'il serait en janvier à Melbourne pour défendre son titre.
«Hué»
«Ce serait très simple pour lui de montrer sur les réseaux sociaux qu'il a eu le Covid», déclare dans le quotidien sportif français L'Equipe l'Américain Noah Rubin, 391e mondial et grand défenseur des mal classés. «Tout le monde passerait à autre chose! Son équipe et lui sont conscients de l'image que ça renvoie. Il risque de ne pas être ménagé par le public après ça. Ça ne me surprendrait pas qu'il soit hué à son entrée sur le court vu tous les efforts que les Australiens ont fait depuis le début de la pandémie».
Seules cinq raisons, édictées par le ministère australien de la Santé, sont valables pour entrer non vacciné sur le territoire australien, parmi lesquelles des troubles cardiaques graves, de violentes allergies au vaccin ou encore le fait d'avoir contracté le virus au cours des six mois passés. Cette raison semble la plus probable dans le cas de Djokovic.
Mais, comme nombre de joueurs dont Nadal ou Daniil Medvedev, il rechigne voire refuse d'évoquer son état de santé, notamment pour ne pas donner d'indices à ses adversaires.
Pourtant, le Serbe avait dévoilé l'an dernier après sa laborieuse victoire au 3e tour à Melbourne qu'il s'était déchiré les muscles abdominaux. Ce qui ne l'avait pas empêché de remporter son 9e Open d'Australie.
Repartir «par le premier avion»
Alors, face au tollé qui l'attend dans un pays où les confinements liés au Covid ont été particulièrement longs et pénibles pour la population, Djokovic a été enjoint par le président de la TA Craig Tiley de révéler pourquoi il a été autorisé à venir à Melbourne.
«Ce serait certainement utile que Novak explique les conditions dans lesquelles il a demandé et obtenu une exemption», a déclaré Tiley mercredi. «Nous avons traversé une période très difficile au cours des deux dernières années et j'apprécierais certaines réponses».
Le Premier ministre Scott Morrison a même laissé entendre que le joueur pourrait être «renvoyé par le premier avion» s'il ne présentait pas à son arrivée «une explication suffisante» à sa dérogation. Cette dernière a été délivrée par deux groupes indépendants de médecins, dont un au nom du gouvernement.
Malgré la polémique, d'un côté purement sportif, les amateurs de tennis ne pourront que se réjouir de voir le N.1 mondial défendre son titre à Melbourne, tenter de décrocher un 10e sacre record, le 4e consécutif (nouveau record dans l'ère Open, depuis 1969), et décrocher un astronomique 21e Majeur pour devenir le GOAT (Plus grand de tous les temps). Même mal-aimé.