Capitaine de l'équipe de Suisse de Coupe Davis, Severin Lüthi s'est confié avant la rencontre du groupe mondial II prévue vendredi et samedi à Bienne face à l'Estonie. «Je dois être honnête, il n'y a pas 100 joueurs que j'aimerais entraîner demain», lâche le Bernois, également coach de Roger Federer.
Severin Lüthi, votre équipe est largement favorite pour son premier match de Coupe Davis depuis un an et demi. Est-ce dangereux ?
«Avec des adversaires dans cette fourchette de classement, vous n'avez bien sûr pas beaucoup d'informations. Mais je suis vraiment heureux que nous soyons à nouveau favoris. C'est plutôt un désavantage lorsque vous avez l'impression de devoir faire quelque chose d'incroyable pour battre vos adversaires.»
Il n'y a pas eu de Coupe Davis pendant un an et demi, Roger Federer n'a pas joué beaucoup de tournois non plus. Vous êtes-vous ennuyé?
«(rires) Non. J'étais à Wimbledon, puis j'ai préparé les Jeux olympiques. J'étais le responsable de l'équipe, même si je ne suis pas allé à Tokyo.»
Etes-vous satisfait d'avoir désormais une équipe de Coupe Davis très jeune sous vos ordres ?
«J'en suis très heureux. Mais pour moi, il est toujours important de ne pas récompenser uniquement le fait d'être jeune et d'avoir du potentiel. Ils doivent également mériter leur nomination. Je suis toujours en contact étroit avec les entraîneurs des joueurs. Il y a toujours deux questions que nous nous posons: peut-il déjà aider l'équipe, et le fait d'être présent l'aide-t-il dans son développement. C'est là qu'il est important de parler aux entraîneurs, qui connaissent les joueurs encore mieux que moi.»
Dans ce cas, le fait qu'ils aient été retenus pour ce match montre que vous êtes satisfait de leur développement...
«Il y a toujours des revers, bien sûr, mais l'important est de savoir comment on les gère. Je vois définitivement qu'il y a eu une évolution, c'est positif.»
Dans quelle mesure les succès de Dominic Stricker chez les pros (victoires contre trois joueurs du top 50, progression de la 1168e à la 287e place mondiale) sont-ils une motivation pour les autres ?
«Il y a toujours deux aspects. Cela peut te motiver en te montrant que tu peux aussi le faire. Mais cela peut aussi engendrer un peu de pression. Vous espérez que les autres comprendront sa façon de faire (celle de Stricker). Dominic a goûté au succès, et ça l'a motivé encore plus. Cependant, chacun doit trouver sa propre voie.»
Un Carlos Alcaraz ou un Jannik Sinner sont un cran au-dessus, au même âge. Y a-t-il quelque chose à apprendre d'eux ?
«Oui, mais encore une fois, chacun progresse à sa manière. Nous nous sommes entraînés avec Alcaraz à Wimbledon, nous avons parlé à (son entraîneur) Juan Carlos Ferrero. Ce que je soulignerais, c'est sa concentration, l'intensité dont il fait preuve chaque jour. C'est incroyable pour cet âge. Mais si tu entraînes un joueur pour qui l'intensité n'est pas un problème, il faut trouver autre chose.»
A un Roger Federer de 18 ans, vous recommanderiez peut-être plutôt de prendre exemple sur un pêcheur qui garde son calme...
«Exactement. Il faut juste toujours faire attention à ne pas copier quelqu'un. Prenons l'exemple de Roger: s'il sort son téléphone portable pendant l'entraînement, il sait bien mieux ce qu'il fait qu'un jeune. L'important est d'apprendre les bonnes choses. Vous pouvez apprendre de chaque bon joueur, mais vous pouvez aussi chercher à ne pas reproduire ce que font les plus mauvais joueurs.»
Toni, l'oncle de Rafael Nadal, ne s'est pas longtemps contenté de gérer son Académie à Majorque, il s'occupe désormais d'un autre joueur (Felix Auger-Aliassime, demi-finaliste de l'US Open). Avez-vous pensé à l'après Federer ces derniers mois ?
«Oui, et cela a toujours été le cas. Avec n'importe quel joueur, ça peut être fini d'un jour à l'autre. J'ai toujours fait d'autres choses au fil des ans. Il y a la Coupe Davis, je fais partie du Conseil d'administration du Swiss Open de Gstaad. Mais si vous me demandez ce que je ferai dans deux ans, je ne peux pas répondre maintenant. Une des options est certainement de rester dans le tennis et de continuer à être coach. Mais je dois être honnête, il n'y a pas 100 joueurs que j'aimerais entraîner demain.»
La barre est haute après Roger Federer...
«Bien sûr. C'est un super gars, un super joueur. Il n'est pas toujours nécessaire qu'il gagne un Grand Chelem, même si c'est évidemment plus amusant quand on a du succès. Et il est suisse, ce qui signifie que nous pouvons souvent faire des blocs d'entraînement en Suisse. Pour le moment, j'ai toujours l'ambition de réaliser quelque chose avec lui.»
Alors qu'est-ce qui vous attire dans un match du groupe mondial II de Coupe Davis ?
«J'ai toujours aimé les compétitions par équipe. L'équipe nationale a toujours un statut très élevé. Et maintenant, la situation est à nouveau bonne avec de plus jeunes joueurs. L'équipe redevient plus compétitive.»
Est-il envisageable que Federer ou Stan Wawrinka rejouent la Coupe Davis ?
«Je ne peux pas le dire. Avec Roger, ce n'est évidemment pas un sujet de discussion pour le moment. Si je devais donner mon avis, je dirais probablement pas. Ils doivent tout d'abord revenir à la compétition. Mais bien sûr, ils savent que la porte leur sera toujours ouverte. Aucune équipe ne se passerait de tels joueurs.»