Cyprien Sarrazin n'est plus le même homme depuis qu'il s'est transformé en spécialiste de la vitesse en 2022, alors qu'il avait déjà 28 ans. Le Français a su exorciser ses démons pour s'affirmer comme le principal rival de Marco Odermatt en descente et en super-G.
Ancien géantiste dont les résultats n'avaient engendré que frustration et déceptions après un prometteur 2e rang à Alta Badia en décembre 2019, Cyprien Sarrazin n'a pourtant pas réalisé des débuts convaincants en vitesse. Trop impétueux, il s'est même blessé au dos en chutant lourdement le 21 janvier 2023 à Kitzbühel.
Première conséquence de cette chute, Sarrazin a été contraint de suivre devant son écran à Courchevel des championnats du monde organisés à domicile. Un crève-coeur qui l'avait finalement poussé à consulter un psychologue, une décision pourtant pas facile à prendre pour lui.
«J'ai eu du mal à me dévoiler», dit le Français, qui se confie désormais aussi à une coach énergétique. Sa décision fut la bonne, son ascension fulgurante le prouve. Il se sent enfin à l'aise dans sa vie – et bien sûr aussi dans son métier de skieur de compétition: «Je skie comme je suis».
Le blocage intérieur fait partie du passé. Il a maîtrisé les émotions qui ont surgi avec une intensité particulière la dernière fois après sa rupture avec sa petite amie de l'époque, sous forme de chagrin d'amour.
Sa terrible chute et sa blessure sur la Streif avaient aussi agi comme un déclencheur. La Streif l'avait brutalement éjecté à l'entrée de la traversée menant au schuss final. Il avait une fois de plus atterri dans les filets de sécurité. En ayant repoussé les limites sans être libre dans sa tête, comme il le raconte.
Le droit de gagner
Cyprien Sarrazin a trouvé dans le monde de la psychologie, qu'il dédaignait auparavant, la pièce manquante pour réussir en tant que sportif de haut niveau. Le scepticisme a rapidement fait place à la conviction d'avoir choisi la bonne voie. Il en a récemment donné deux exemples.
Le premier concerne un entraînement de descente sur la Streif en janvier dernier: «J'ai commis une erreur précisément dans le passage où j'avais chuté l'année précédente. J'en ai parlé à mon psychologue, et le lendemain, tout s'est bien passé à cet endroit également», explique celui qui allait signer le doublé dans la foulée en descente à Kitzbühel.
Le deuxième exemple concerne la période précédant la descente de Bormio, il y a tout juste douze mois: «Ma coach d'énergie m'a dit que j'avais le droit de gagner». Sarrazin a d'abord été étonné, mais quatre jours plus tard, il a réalisé l'exploit sur la fameuse piste Stelvio pour remporter la course devant Marco Odermatt. C'était sa première victoire, pour sa dixième participation à une descente de Coupe du monde.
«Avoir le droit de gagner». Etonnante, cette phase renvoie au soi-disant syndrome de l'imposteur dont Sarrazin a souffert, avaient constaté ses conseillers. Ce trouble de la personnalité est attribué aux personnes qui doutent de leurs propres performances professionnelles, qui n'attribuent pas leurs succès objectifs à leurs propres capacités et compétences.
Sarrazin ne présente plus de tels symptômes. Il dit avoir beaucoup appris sur lui-même: «J'ai pris conscience de la manière dont je fonctionne après les échecs et les moments difficiles». Pour lui, dit-il aussi, le plus important est le chemin parcouru. «Les moments de réussite resteront à jamais. Mais tout ce que nous avons accompli pour en arriver là me servira toute ma vie.»
«Je ne me mets plus la pression»
Sarrazin s'en sort bien, voire même très bien – même en prenant des risques mesurés – avec son nouvel état d'esprit, qui l'aide dans un monde du travail qui n'est désormais plus le même pour lui. Les attentes ont en effet décuplé après ses succès retentissants de l'hiver dernier.
Sarrazin pense pouvoir gérer cette situation: «Je ne me mets plus la pression. Je suis plutôt content d'avoir réussi à profiter de tous ces moments sans devoir aller trop loin, sans devoir m'exposer au plus grand danger», explique le Français, prêt à en découdre après une fin de saison 2023/24 frustrante marquée par une blessure à Kvitfjell et l'annulation de la descente des finales de Saalbach qui l'avait privé de duel pour le petit globe avec Marco Odermatt.