Lara Gut-Behrami
"Il faut avoir du respect pour le travail fait par l'équipe"

Chris Geiger, à Crans-Montana.

20.2.2020

En marge des épreuves de Coupe du monde de Crans-Montana, Lara Gut-Behrami (28 ans) s'est longuement confiée sur son niveau actuel, sur la gestion du succès et de la critique ainsi que sur ses ambitions. Interview.

Lara Gut-Behrami: "J'étais mal et fatiguée en 2017, je n'en pouvais plus."
Lara Gut-Behrami: "J'étais mal et fatiguée en 2017, je n'en pouvais plus."
Keystone

Lara Gut-Behrami, vous êtes de retour à Crans-Montana une année après les problèmes de chronométrage. Quels souvenirs gardez-vous de ce fâcheux épisode?

"Je vais essayer d'oublier ça et ne pas y penser. On avait eu des problèmes de météo puis des problèmes avec le chrono. J'espère que tout ira bien cette année, sinon je pense qu'on va éviter de revenir... (rires) J'espère simplement qu'on aura de la chance avec le temps et qu'on aura des belles courses."

La saison dernière, vous aviez pris la 3e place dans un premier temps avant d'être repoussée au 6e rang. Cette année, votre objectif est-il de terminer pour de bon sur le podium?

"Mon ambition est de bien skier et c'est la chose la plus importante. Je veux réussir à tirer les virages comme j'aimerais. Je travaille d'ailleurs sur cet aspect depuis quelques temps maintenant. Je verrai ensuite le résultat à l'arrivée." 

Ce travail de l'ombre a finalement payé lors du Super-G de Bansko (3e). Avez-vous l'impression de monter en puissance?

"Il y a effectivement des choses qui sont en train de se mettre en place. Parfois, ça prend vraiment du temps pour retrouver tous les réglages et la confiance. Cette dernière permet de bien tailler les virages. Je trouve que ça fait quelque temps que je commence à retrouver ce que je cherche. Je veux désormais réussir à assembler les pièces du puzzle. Lors des dernières courses, j'étais vraiment plus à l'aise et moins à la recherche par rapport au début de saison."

Etes-vous donc proche de retrouver votre niveau exceptionnel de 2017 lorsque vous vous êtes gravement blessée à Saint-Moritz?

"Franchement, je n'espère pas revenir à ce niveau. J'étais mal et fatiguée à cette époque, je n'en pouvais plus. J'espère plutôt réussir à skier vite, mais d'une autre manière. Je veux skier en étant à l'aise et en prenant du plaisir. Je ne vais certainement pas comparer mon ski actuel avec mon ski d'avant ma blessure. Je suis physiquement différente et, surtout, j'espère évoluer et non pas revenir en arrière."

A cette époque, vous enchaîniez les succès. Selon vous, est-il possible de s'y préparer?

"Tu peux sûrement te faire conseiller, mais chaque athlète accueille le succès de manière différente. Tant que tu ne le vis pas, tu ne sais pas ce que ça veut dire. Il faut donc passer par là et apprendre. Le fait d'avoir un entourage fort et des personnes de confiance peut aider à gérer ça. Je ne pense toutefois pas qu'il soit possible d'être prêt pour gérer ça. En 2016, lorsque je me battais pour le globe du général, Anna Veith et Tina Maze m'avaient prévenu que ça n'allait pas être simple de récupérer après une telle saison. Je n'étais quand même pas prête à ce coup de fatigue qui avait suivi. Je comprends désormais ce qu'elles me disaient."

Du succès, Swiss-Ski en rencontre cette saison puisque l'équipe pointe en tête du classement des nations. Ce dernier vous motive-t-il en tant qu'athlète?

"Ça reste avant tout un sport individuel. C'est forcément bien quand l'équipe gagne, mais le résultat individuel prime. C'est clair que ça fait du bien d'avoir une équipe forte, surtout que beaucoup de filles méritent ce succès. Il ne faut pas oublier que mes coéquipières et moi-même avons sacrifié une vie entière pour ce sport. C'est très simple de critiquer quand on arrive 15 ou 20e, mais ça reste un Top 20 mondial. Ça fait donc du bien qu'on fasse des podiums et qu'on gagne des courses car on travaille dur depuis le début de nos carrières."

Vous évoquez justement la critique. Après tout ce que vous avez apporté au ski suisse, ressentez-vous une forme d'injustice dans le traitement médiatique qui vous est réservé?

"Je pense que c'est simple et plus marrant de critiquer. Ça fait les gros titres. A l'inverse, lorsque tout va bien, il n'y a plus rien à écrire. Ce n'est pas simplement par rapport à moi. Je pense que c'est dommage que les gens oublient ce qu'on a fait dans le passé et ce qu'on est en train de faire actuellement avec l'équipe. Le mérite revient à Wendy (ndlr: Holdener), à Michelle (Gisin) et aux autres filles. On a construit ça depuis des années. J'ai aussi apporté mes victoires et mes globes. Ces succès ont motivé les autres filles, à l'image de Corinne (Suter). Et, maintenant, c'est elle qui va porter les autres filles. Je suis dans cette équipe depuis plus de dix ans et je pense que mes coéquipières ont pu profiter de moi. De mon côté, ça m'a fait du bien de les côtoyer et de leur parler lorsque ça n'allait pas bien. Il faut donc avoir du respect pour le travail fait par l'équipe. Il ne faut pas croire que c'est si simple de descendre d'une montagne comme on pourrait le croire devant la télévision. C'est très simple de critiquer les athlètes et le coach depuis le canapé. Avant, il faudrait aussi le faire afin de savoir de quoi on parle. Et ensuite on peut parler."

Vous avez déjà remporté le globe du Super-G (2014 et 2016) ainsi que celui du général (2016). A moyen terme, ambitionnez-vous de vous battre à nouveau pour des globes?

"Pour viser des globes, il faut skier vite sur toute une saison. Ce n'est pas simplement une course. C'est d'ailleurs ce que je suis en train de construire depuis quelques années. Je veux retrouver la capacité d'être rapide sur toutes les courses. Pour le général, tout va très vite. Il suffit parfois de faire deux bonnes courses pour être à nouveau dans le coup. Je ne vise toutefois pas les globes, mais de skier. C'est ça qui peut me permettre de regagner des globes."

Du coup, qu'est-ce qui vous manque encore pour jouer les tout premiers rôles?

"La confiance de tendre mes lignes. Tout est à l'instinct et, quand tu réfléchis, c'est déjà trop tard. Actuellement, je sens qu'il y a des sections où je suis vite car je suis en confiance. J'ose m'appuyer sur mon ski, être un peu plus courte sur mes appuis et resserrer les lignes. Mais il faut surtout réussir à tailler les virages du départ jusqu'à l'arrivée afin de porter de la vitesse. Cela pourrait me permettre de regagner des courses."

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