Le nouveau Champion du monde du 200 m n'a jamais caché sa lutte contre les idées sombres et l'importance de la santé mentale pour la performance.
L'Américain de 25 ans, qui s'est rapproché à 12 centièmes d'Usain Bolt sur 200 m à Eugene avec un chrono de 19''31, compte quelques traits communs avec la légende jamaïcaine.
Un maillot déchiré, une course à dos de mascotte, un «kamehameha» sur la foule (attaque du héros du très populaire manga Dragon Ball), Noah Lyles a assuré le show à Eugene, comme d'habitude.
A ses heures perdues, l'Américain se mue aussi en artiste: il dessine, il peint, il chante, allant jusqu'à entonner un rap dans le stade de Zürich après les finales de la Ligue de diamant en 2019.
« C'est bien d'être rapide, mais qu'est-ce qui mène réellement au sommet?», se demandait-il dans une interview au Washington Post. «Usain Bolt, son nom est entré dans les coeurs, au-delà du sport. Michael Phelps, nageur, au-delà du sport. Qu'est ce qui fait que l'on passe de populaire sur la piste à populaire dans le monde entier? Tu ne peux pas arriver là si tu joues à être quelqu'un d'autre.»
Compétiteur féroce, il remet à la mode le bon vieux «trashtalk» des sprinteurs US, effacé sous la domination d'Usain Bolt.
En 2019, il avait taquiné Christian Coleman (champion du monde du 100 m) sur les réseaux sociaux. Fin juin, aux sélections américaines, il a devancé et pointé du doigt en pleine course le jeune prodige Erriyon Knighton, médaillé de bronze jeudi, qui avait quitté la piste furieux.
Séjours à l'hôpital enfant
Chambrer, plaire et courir très vite, la vie de Noah Lyles n'a pourtant pas toujours été si simple.
Né à Gainesville en Floride le 18 juillet 1997, enfant, il passe beaucoup de temps à l'hôpital pour traiter son asthme, avant d'être soulagé par une opération des amygdales et des végétations à l'âge de six ans.
Ses parents, tous les deux anciens athlètes, divorcent lorsqu'il a 13 ans: avec son cadet Josephus, sélectionné avec les Etats-Unis pour le relais 4 x 100 m des Mondiaux, ils partent vivre avec leur mère, et leur grande soeur Abby avec leur père.
Dyslexique et victime de troubles de l'attention, il a du mal à l'école où il redouble son «first grade «, l'équivalent du cours préparatoire.
Mais il se révèle en diamant brut sur la piste d'athlétisme, un sport débuté à 12 ans avec son frère.
Devenu professionnel directement après le lycée, sans passer par la case université comme c'est la norme aux Etats-Unis, Lyles manque à 19 ans la qualification pour les Jeux de Rio en 2016 pour 9 centièmes de secondes.
Il explose en 2018 où il devient presque imbattable en Ligue de diamant (15 victoires) avant d'être titré une première fois aux Mondiaux de 2019.
«Epreuve»
Mais la pandémie mondiale de Covid-19 affecte son moral, et, aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, il doit se contenter de la médaille de bronze.
«Tokyo a été une épreuve pour ma santé mentale, que j'ai surmontée. Ce qui rend également ce jour extraordinaire, puisque j'ai montré que je pouvais être plongé dans une tempête d'idées sombres et m'en sortir», a-t-il savouré jeudi.
Cette saison, il retrouve des couleurs et irradie lors de ces Mondiaux, devant son public et ses proches.
«Ici, je me sens moi-même pour la première fois depuis des années. Je ne m'étais pas autant amusé depuis 2018. Même en 2019 j'étais épuisé par une longue saison (les Mondiaux avaient eu lieu en octobre au Qatar), alors que là je déborde d'énergie», avait-il expliqué après les séries du 200 m lundi.
Cette nouvelle mentalité, «c'est le résultat de beaucoup de travail, en thérapie, d'avoir ouvert les yeux sur certaines de mes relations, de me retrouver en fait, de savoir pourquoi je cours».
«On parle beaucoup avec ma psy, au moins deux fois par jour», a-t-il dit: «Et de toute façon je suis un showman. J'aime faire plaisir aux gens. Ca a été impossible pendant deux ans. Ca m'a affecté. J'en ai parlé à ma psy qui m'a dit: +tu es un showman, sans la foule tes courses seront moyennes+. Je pense qu'elle a raison.»
ATS