Roman Mityukov a savouré comme il se devait le bronze olympique conquis le 1er août à Paris sur 200 m dos. Mais «je me suis tout de suite remotivé», lâche-t-il dans un entretien téléphonique accordé à Keystone-ATS quelques jours avant les Mondiaux en petit bassin de Budapest (10-15 décembre).
Quatre mois plus tard, son Bachelor de droit en poche, le Genevois de 24 ans ne réalise toujours pas la portée de son exploit. «Je ne me rends toujours pas compte que je suis un médaillé olympique. C'est trop bizarre. Je pensais depuis un an qu'une médaille était possible, je m'y attendais d'une certaine façon», glisse-t-il.
«Et une fois que je l'ai obtenue, j'ai senti que la vie continuait. Et je me suis donc tout de suite remotivé», poursuit le double médaillé mondial du 200 m dos (bronze en 2023, argent en 2024), qui n'en espérait pas tant: «J'appréhendais d'avoir l'impression que ma carrière serait terminée avec un podium olympique.»
S'il n'a pas eu de problème à retrouver toute sa motivation, Roman Mityukov n'en a pas moins éprouvé le besoin de couper. «J'attendais cette pause depuis Fukuoka» où il avait conquis le bronze mondial en juillet 2023. «J'en avais besoin, physiquement et mentalement. Et j'ai largement profité de ce break», glisse-t-il malicieusement.
Après quasiment deux mois sans nage, le Genevois a repris le chemin de l'entraînement à la fin septembre, en même temps qu'il a retrouvé les bancs de l'université notamment pour préparer son mémoire. «Ce n'est pas mon genre de savourer longtemps. J'avais besoin de me fixer de nouveaux objectifs», explique-t-il.
6-7 kilos en plus
La natation ne lui a-t-elle pas manqué pendant cette pause ? «Ca m'a manqué au bout d'un mois», concède-t-il. «Je me suis aussi rendu compte que je perdais des jours d'entraînement par rapport à mes rivaux. Mais ce break était nécessaire pour ne pas péter un câble trop vite», assure-t-il.
«Le nouveau cycle olympique dure quatre ans» contre trois pour le précédent, report de douze mois des JO de Tokyo oblige. Pas question donc de brûler les étapes. «J'ai repris l'entraînement de manière progressive. En faisant au début pas mal de sports collectifs pour leur côté ludique, et pour ne pas faire que nager», précise-t-il.
«C'était très dur dans l'eau au début, comme à chaque reprise d'ailleurs. Je me sentais lourd», à juste titre puisqu'il avoue avoir pris 6-7 kilos dans la foulée des Jeux de Paris. «C'était compliqué, car les sensations sont primordiales dans l'eau. Mais j'ai très rapidement perdu ces kilos en trop», souligne-t-il.
«Là, je m'entraîne normalement, et je me sens vraiment bien depuis un mois», se réjouit Roman Mityukov, qui s'est certainement rassuré lors de son retour aux affaires à l'occasion des championnats de Suisse en petit bassin mi-novembre. Il a notamment réalisé 1'52''53 sur 200 dos, pas si loin que cela de son record de Suisse (1'51''46).
S'il est rassuré sur son état de forme, le Genevois ne se voile pas la face avant les Mondiaux de Budapest. D'une part il n'est pas un habitué des courses en bassin de 25 mètres, et d'autre part «je ne suis pas à 100% de mes moyens. Mais cela reste des Mondiaux. C'est une opportunité de nager vite en petit bain», souligne-t-il.
«Je ne me mets aucune pression avant ces Mondiaux», enchaîne Roman Mityukov, qui s'alignera sur 100 m dos, 200 m dos, 100 m libre et 4x100 m 4 nages à Budapest. Avec pour ambition première de se hisser en finale dans les courses de dos, et pourquoi pas de signer l'exploit avec le relais 4 nages.
Une année à fond avant LA 2028
Ces joutes hongroises ne sont cependant rien de plus qu'une première étape sur la longue route menant aux JO de Los Angeles 2028, la suivante étant programmée l'été prochain avec les Mondiaux en grand bassin de Singapour. D'ici 2028, il continuera d'enchaîner les kilomètres mais sans négliger ses études.
«Mes études m'offrent une stabilité pour le futur, mais aussi pour le présent. J'ai besoin de cet équilibre même si c'est parfois compliqué, comme en ce moment avec mon mémoire à rendre le 10 janvier. Et je n'ai pas le choix si je veux devenir avocat», se marre Roman Mityukov, qui prévoit de terminer son Master en 2027.
Il aura alors un an pour préparer à fond les Jeux de 2028, où il visera un nouveau podium. D'ici là, il peut poursuivre sereinement sa progression, finalement loin des projecteurs. Sa médaille olympique n'a ainsi pas changé grand-chose pour lui, même si «on me regarde d'un autre oeil dans la rue», souligne-t-il.
«J'ai un peu plus de demandes des médias, mais je n'ai pas senti une grande différence. Tant mieux, car je peux continuer ma vie tranquille», lâche le Genevois, qui regrette en revanche que son exploit parisien n'ait pas attiré les sponsors. «La natation reste un sport peu médiatique», où une médaille a aussi ses revers.