On ne l'y reprendra plus. Trois fois 4e lors des Européens 2022 en grand bassin à Rome, Roman Mityukov ne veut plus avoir à encaisser un tel échec. «J'ai transformé la déception en force», lâche-t-il.
«Cela n'était pas facile à digérer sur le coup. L'ambition était de gagner une voire plusieurs médailles, en individuel et avec le relais», rappelle le Genevois de 22 ans, qui avait terminé à la pire des places au Foro Italico sur 100 et sur 200 m dos ainsi qu'avec le relais 4x200 m libre.
«Mais j'en ai fait une force. J'ai ça dans ma tête à chaque série difficile: je sais que je ne veux plus jamais vivre une 4e place», tonne-t-il. «Il avait fallu en discuter», glisse pour sa part son coach Clément Bailly. «Mais c'est très vite devenu avant tout une source de motivation», confirme-t-il.
«Faire trois fois 4e, ça n'est clairement pas cool. Mais c'est là-dessus que l'on construit maintenant ses succès futurs. Roman a toujours eu d'immenses ressources. Mais il sait encore mieux qu'avant pourquoi il se lève tous les matins», souligne-t-il.
Douche froide
Le technicien français a pris Roman Mityukov sous son aile en 2019, alors que ce dernier avait à peine 19 ans. Le duo a connu rapidement le succès, le Genevois se parant de bronze sur 200 m dos lors des Championnats d'Europe de 2020 en grand bassin.
Une première finale mondiale dans sa discipline fétiche fin juin 2022 à Budapest (7e place) avait encore aiguisé son appétit. Ce fut d'autant plus la douche froide six semaines plus tard à Rome où le podium s'est refusé à lui malgré une avalanche de records de Suisse.
«Je me suis demandé si mes chronos allaient atténuer ma déception. Mais avec du recul, je pense que j'aurais préféré obtenir une médaille sans avoir battu le moindre record de Suisse dans ces joutes», souffle Roman Mityukov, qui s'est longuement confié à Keystone-ATS en marge des championnats de Suisse aux Vernets.
Une spécialisation nécessaire
Une certaine spécialisation sur le 200 m dos s'est naturellement imposée. «C'est là où j'ai le plus de chances de briller. Déjà cette saison, toute la préparation est axée sur cette course», explique-t-il. «Une spécialisation est nécessaire pour le challenge que constituent les JO 2024», ajoute Clément Bailly.
«Cette saison, je l'invite encore à faire d'autres courses. Et le compétiteur qu'il est voudra tout faire pour transformer l'essai dès cette année», glisse le Français. «Le reste est mis de côté, mais entre guillemets seulement», lâche quant à lui Roman Mityukov. «Même en compétition je dispute d'autres épreuves, car ça m'aide aussi à déconnecter», souligne le Genevois.
Recordman de Suisse du 100 m libre, Roman Miytukov rêve ainsi aussi de briller avec l'ambitieux relais 4x200 m. La 6e place obtenue aux JO de Tokyo 2021 avec Noè Ponti, Antonio Djakovic et Nils Liess leur autorise tous les espoirs. Mais c'est bien sur 200 m dos que Roman Mityukov espère avant tout s'illustrer.
Pas de limite dans le temps
Dès les championnats du monde prévus fin juillet à Fukuoka? «Une médaille mondiale, cela reste un de mes objectifs, mais pas nécessairement pour cette saison déjà», tempère Roman Mityukov. «Je ne me fixe pas de limite dans le temps, je veux juste tout entreprendre pour y parvenir», lâche-t-il.
Ces championnats du monde constituent d'ailleurs le seul objectif de sa saison. «On avait pris l'habitude d'avoir deux grands championnats par an (Européens et JO en 2021, Mondiaux et Européens en 2022). D'un côté, c'est positif de pouvoir mettre le focus sur un seul événement», se réjouit le Genevois. «Mais de l'autre, j'aime avoir plusieurs possibilités de me frotter à l'élite mondiale.»
Si le nageur ni son coach n'aime verbaliser les objectifs, ceux-ci n'en demeurent pas moins élevés. «L'ambition de Roman n'a fait que grandir depuis que je le connais. Il est de plus en plus mature, notamment en dehors du sport, et ose de plus en plus s'affirmer», note néanmoins Clément Bailly.
«Joker»
Si les Mondiaux de Fukuoka constituent le grand objectif de cette saison estivale, les regards sont néanmoins déjà tournés vers Paris, qui accueillera les Jeux olympiques l'an prochain. A 24 ans, Roman Mityukov sera-t-il alors déjà mûr pour cueillir une médaille olympique? «Joker», répond Clément Bailly le sourire en coin.
«Je lui répète simplement qu'il ne doit jamais se mettre de limite, qu'il ne doit surtout pas s'empêcher de rêver», souligne le coach du Genève Natation 1885. «Le jour où la grosse perf devra sortir, elle viendra», conclut-il.