Sam Davies «J'adore tellement le Vendée que ça me fait presque peur que ça se termine»

AFP

16.1.2025

«Charlie et Yoann sont des marins exceptionnels». L'équateur dépassé, la navigatrice Sam Davies (Initiatives Coeur) a rendu un hommage appuyé aux deux premiers du 10e Vendée Globe, arrivés mardi et mercredi aux Sables-d'Olonne (Vendée), dans son nouveau carnet de bord pour l’AFP.

AFP

«J'ai retrouvé les alizés ! L’Atlantique donne toujours un peu l'impression de sortir de l'enfer des mers du Sud, mais en même temps, il y a une certaine tristesse. Les mers du Sud, c’est une énorme aventure. Après un mois dans ces eaux rudes, où il fait super froid et où les conditions sont éprouvantes, on retrouve un climat plus clément.

Quand il fait beau et qu’il y a du soleil, on a tout de suite moins peur. Dans les mers du Sud, ce n’est pas seulement le froid qui pèse, mais aussi le bruit, la mer énorme, l'isolement. Tout cela rend l’expérience mentalement difficile, mais incroyable.

La première fois que le ciel se dégage, qu’on voit le soleil en remontant, on se sent fière. C’est comme un retour à la vie normale des êtres humains, loin du monde sauvage. On enlève quelques couches de vêtements, on prend une douche, avec un peu d’eau de mer.

J’ai regardé les arrivées de Charlie et Yoann, et c’est vraiment impressionnant. Personne n’imaginait que le record serait battu avec un tel écart. 64 jours, c’est fou. Certes, ils ont eu des moments où ils ont pu aller très vite, mais Charlie et Yoann sont des marins exceptionnels, avec des bateaux incroyables. Ils sont aussi bien entourés, avec des équipes au top. Tout était réuni pour cette performance.

Charlie Dalin remporte le Vendée Globe !

Charlie Dalin remporte le Vendée Globe !

Charlie Dalin remporte le Vendée Globe 24-25, battant le record de 2017. Parti le 10 novembre 2024, il a dominé la course, franchissant en tête les caps de Bonne-Espérance (29 novembre), Leeuwin (9 décembre) et le point Nemo (20 décembre)

14.01.2025

Après, il faut aussi une bonne étoile, une bonne gestion du bateau et une confiance totale. Ils ont tous les deux réalisé une course presque parfaite. Charlie m'a particulièrement impressionné par son engagement dans une dépression dans l’océan Indien. Savoir qu’il pouvait rester devant cette dépression, alors qu’un moindre ralentissement aurait été catastrophique, c’est remarquable.

«Frustrée»

Je m’entraîne et je navigue souvent avec eux. Yoann avait un bateau particulièrement adapté aux mers du Sud, et cela a bien fonctionné dans des conditions difficiles. Le temps qu’ils ont réalisé, ainsi que l’écart avec les autres, est impressionnant. Ce n'est pas seulement une question de vitesse pure, mais aussi de stratégie et de navigation.

Le fait qu’ils soient passés ensemble au Cap Horn a dû être très motivant pour eux. Ils se sont poussés à fond. Pour ma part, je suis un peu frustrée d’être beaucoup plus loin qu’eux. Je n’ai pas pu jouer avec la tête de course, mais l’année dernière, j’avais terminé devant Charlie sur une course, et devant Yoann sur une autre. Cela me fait plaisir. Je sais que je suis capable de rivaliser sur une transat... mais c’est autre chose de tenir leur cadence sur un Vendée Globe entier.

Dans l’océan Indien, j’ai eu des journées compliquées à cause de problèmes électroniques qui m’ont ralentie. Mais j’ai donné le maximum. Voir leur joie aux Sables-d’Olonne m’a fait tellement plaisir. Le Vendée Globe, c’est une grande aventure, et on est tous là, ensemble, du premier au dernier. Mentalement, je n’ai aucun problème à les regarder arriver. Au contraire, c’est un bonheur de partager leur bonheur. Cela donne envie, cela pousse à se dépêcher pour arriver à son tour.

Et en même temps, je me dis, pour eux c’est fini... J’adore tellement le Vendée Globe que cela me fait presque peur que ça se termine. D’un côté, c’est une course, et j’ai envie de battre les autres. Mais d’un autre, le retour à terre n’est jamais facile. Alors, je vais vraiment profiter de ces derniers jours, car bientôt, moi aussi, je mettrai le pied sur le ponton !»