Mis à l'écart après leur inculpation pour viol aggravé en Argentine, Hugo Auradou et Oscar Jegou vont retrouver les Bleus pour préparer le Tournoi de six nations, un retour rapide qui suscite l'incompréhension, les deux joueurs n'étant pas encore totalement tirés d'affaire.
Auradou et Jegou font partie de la liste élargie de 42 joueurs retenus par le sélectionneur du XV de France Fabien Galthié qui les considère «sélectionnables» après l'abandon des poursuites en première instance par la justice argentine en décembre.
Mais le deuxième ligne et le flanker, âgés de 21 ans, n'en ont pour autant pas fini avec la justice, la plaignante, rencontrée en boîte de nuit lors de la tournée en Argentine, ayant décidé de faire appel.
L'arrestation puis la détention des deux joueurs en juillet à Mendoza ont provoqué l'effroi et une remise en question dans le monde du rugby, mais fédération, clubs, supporteurs et coéquipiers ont toujours soutenu les deux joueurs.
Tout en respectant «l'écoute» de la plaignante, la Fédération ne les avait pas sanctionnés pour la soirée alcoolisée estimant qu'il n'y avait pas le cadre nécessaire pour le faire. Ce cadre a été instauré en novembre et prévoit notamment l'interdiction de l'alcool dans les «lieux de performance».
La présence dans cette liste des deux joueurs alors que la justice doit commencer à examiner le recours de la plaignante en plein milieu du Tournoi, les 10 et 11 février prochains, suscite des oppositions, comme lors de leur retour en club, Pau pour Auradou et La Rochelle pour Jegou.
«Question de morale»
«Le club de La Rochelle est une institution ici, leur parole a un rôle d'exemplarité», explique à l'AFP une des porte-paroles d'Osez le féminisme 17 (Charentes-Maritimes), Sophie Burlier.
«Le temps de la justice est essentiel, mais d'une part il y a un appel en cours et d'autre part, cela ne dispense pas d'être attentif à ce que les plaignantes disent», poursuit-elle.
Pour Maëlle Noir, militante du collectif #NousToutes, «il ne s'agit pas d'une question de justice mais de morale», mettant en avant que «la justice ne condamne pas suffisamment les agresseurs» dans les affaires sexistes et sexuelles.
A l'inverse, de nombreuses figures du monde du rugby se rangent derrière la seule dimension judiciaire, comme Fabien Galthié. «Aujourd'hui, il y a un non-lieu qui était évident et qui est clair. Donc à partir du moment où il y a un non-lieu, on considère qu'ils sont innocents», a-t-il déclaré sur RMC lundi.
Dès la mi-juillet dans un entretien au Midi Olympique, le sélectionneur avait assuré que Jegou et Auradou faisaient «toujours partie de nos pépites.»
Les deux rugbymen avaient été interpellés et placés en détention provisoire début juillet à Mendoza, accusés par une femme de l'avoir violée dans une chambre d'hôtel lors d'une soirée alcoolisée, ce qu'ils ont toujours nié, affirmant que la relation était consentie.
«Eduquer nos joueurs»
A leur retour en France, en septembre, Auradou et Jegou ont été réintégrés dans leur club et progressivement relancés sur les terrains. Auradou a été le premier à rejouer en match officiel, en octobre à Perpignan, dans une certaine indifférence du public catalan.
Jegou a lui repris en novembre à Marcel-Deflandre, acclamé par la majeure partie du public rochelais, venu en nombre faire des photos avec le joueur après la rencontre.
«C'est l'avenir de notre club et il faut qu'on garde des joueurs comme ça», soulignait auprès de l'AFP début janvier le pilier international de La Rochelle Uini Atonio (63 sélections).
«Je vais toujours garder un œil sur lui et être hyper vigilant car il est très jeune et il a besoin d'être protégé et d'apprendre comme les autres. (...) C'est trop important pour moi comme adulte, comme coach et comme parent d'éduquer nos joueurs», avait dit quelques jours après le non-lieu son entraîneur à La Rochelle, l'Irlandais Ronan O'Gara.
Brillant avec les Bleuets, Jegou avait été contrôlé positif à la cocaïne en août 2023, quelques semaines après son titre de champion du monde U20. Suspendu un mois, il avait été déjà soutenu par son club une fois sa sanction purgée.
«On est très content de lui, on espère que tous ses problèmes, c'est du passé», a déclaré début janvier à l'AFP l'adjoint de la Rochelle en charge des avants Donnacha Ryan.