Patrick Fischer «Il aurait été irréaliste qu'il n'y ait pas de critiques»

sfy, ats

7.5.2024 - 11:54

Patrick Fischer s'apprête à disputer son huitième championnat du monde en tant que sélectionneur national. Dans un entretien accordé à Keystone-ATS, il évoque l'effectif helvétique, la mentalité suisse et Wayne Gretzky. «Je crois en nos capacités en tant qu'équipe», lâche-t-il.

Patrick Fischer s'apprête à disputer son 8e Mondial en tant que sélectionneur national.
Patrick Fischer s'apprête à disputer son 8e Mondial en tant que sélectionneur national.
KEYSTONE

7.5.2024 - 11:54

Patrick Fischer, pendant les quatre semaines de préparation, il s'agissait de trouver la meilleure équipe possible. A quoi faites-vous particulièrement attention dans sa composition ?

«Nous construisons une équipe basée sur le caractère, car nous ne pouvons réussir qu'ensemble. Il est impératif que nos habitudes et nos vertus soient appliquées, que l'on travaille dur sur et en dehors de la glace. Ensuite, il s'agit de remplir les différents rôles. Nous devons trouver le meilleur homme pour chaque rôle, nous ne pouvons par exemple pas aligner quatre centres de première ligne.»

Il existe aujourd'hui de très nombreuses statistiques, dans quelle mesure les prenez-vous en compte dans vos décisions ?

«Je les trouve passionnantes. Pendant très longtemps, le hockey sur glace a été insuffisamment analysé, il y avait peu de données chez nous en Europe. Les 'Advanced Stats' et autres statistiques nous aident. Notre objectif en tant qu'équipe est de nous créer plus de possibilités que l'adversaire en cas d'égalité numérique. C'est ce que nous pouvons influencer. De ce point de vue, l'une des statistiques les plus importantes pour nous dans le coaching staff est de savoir qui crée des occasions et qui permet à l'adversaire d'en créer en commettant des erreurs. Ainsi, nous voyons qui est le plus performant lors de situations serrées.»

Vous êtes entraîneur national depuis fin 2015, vous travaillez depuis longtemps avec certains joueurs, à quel point est-il difficile d'être alors toujours objectif ?

«Il est tout à fait possible d'avoir certaines sympathies pour un type de joueur, et les succès communs peuvent aussi avoir une influence. Lorsque j'ai dû annoncer à Raphael Diaz qu'il ne serait plus là il y a deux ans, cela a été une décision très difficile à prendre. Mais je ne suis pas seul, nous regardons cela ensemble avec le staff. Nous essayons d'être aussi objectifs que possible.»

Dans quel domaine avez-vous le plus évolué depuis votre prise de fonction ?

«Au début, j'ai dû m'améliorer dans les domaines tactiques, dans tout le travail de détail. J'étais un joueur de hockey sur glace très intuitif, c'est comme ça que je coachais au début. L'intuition reste une partie importante, mais maintenant, grâce aussi aux assistants-coaches, il y a encore plus de structure. De plus, au début, la charge d'entraînement était peut-être trop élevée de temps en temps, entre-temps nous arrivons à mettre l'équipe plus rapidement au point lorsque nous sommes ensemble pendant deux ou trois semaines. Nous savons maintenant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Et comme j'ai maintenant déjà vécu beaucoup de choses, j'ai grandi de manière générale.»

En parlant d'être ensemble pendant deux ou trois semaines, votre équipe a souvent un peu de mal à se mettre en route. Pourquoi, selon vous, est-ce le cas alors que le niveau de la National League a augmenté avec l'arrivée des six étrangers ?

«Notre système est relativement complexe. Nous avons quatre variantes de forechecking et nous jouons aussi un peu différemment que d'habitude dans la zone défensive. Pendant la saison, avec le peu d'entraînements, il n'est pas du tout possible de tout répéter. En fin de compte, les joueurs ne doivent pas être surmenés. C'est pourquoi nous apprécions quand nous les avons avec nous plus longtemps, comme avant le championnat du monde. On voit alors des différences marquées.»

Votre équipe a perdu 13 matches de suite sur l'ensemble de la saison, n'avez-vous jamais eu de doutes ?

«J'aurais vraiment eu des doutes si nous n'avions pas eu de chance à dix reprises, mais ce n'était pas le cas. Nous aurions pu gagner tout juste la moitié des matches de l'Euro Hockey Tour, mais nous avons manqué d'efficacité offensive. Bien sûr, les défaites ne peuvent pas être vendues de manière positive et il aurait été irréaliste qu'il n'y ait pas de critiques. Mais en interne, nous savions que le processus était bon. Pour moi, c'était très agréable de voir que nous étions tous restés calmes, y compris dans l'équipe. Il n'y a jamais eu d'agitation. Sentir la confiance tout autour à l'interne m'a fait du bien. Notre CEO Patrick Bloch ainsi que notre directeur sportif Lars Weibel m'ont toujours soutenu. Finalement, c'est dans les situations difficiles que l'on grandit. Nous sommes heureux de pouvoir repartir à l'assaut après la phase difficile de l'année dernière. Nous serons prêts pour le début du Mondial.»

Vous avez joué autrefois en NHL et ce n'est autre que la légende Wayne Gretzky qui vous a fait venir aux Coyotes de Phoenix en 2006. Une aura particulière l'entourait-elle aussi en dehors de la glace ?

«Wayne est une personne plutôt calme, incroyablement terre à terre et humble. J'avais un lien spécial avec lui. Il m'a toujours soutenu, même lorsque ce n'était pas bien parti pour moi. C'était une expérience formidable. Je suis encore en contact avec lui aujourd'hui, il m'a déjà rendu visite en Suisse.»

Revenons à l'équipe nationale. Lors des trois derniers championnats du monde, votre équipe a toujours été favorite en quart de finale et a échoué à trois reprises. Dans d'autres sports d'équipe aussi, les Suisses perdent souvent des matches décisifs. Est-ce lié à la mentalité helvétique ?

«Nous vivons ici dans un pays de cocagne, notre zone de confort est immense. A mon avis, dans d'autres cultures, ils ont beaucoup moins peur que nous, ce n'est pas pour rien que nous assurons tout. Notre attitude peut être un obstacle, surtout lorsque nous sommes dans le rôle du favori. Ainsi, chez nous, on dit toujours 'fais attention', alors que le Nord-Américain dit 'fais-le'. Là-bas, ils aiment les histoires de héros, chez nous, c'est le contraire. Nous n'aimons pas avoir des héros, je ne sais pas à quoi cela est dû. Cela ne me rend pas triste, mais me fait réfléchir. D'autres pays nous admirent, disent wow, alors que nous avons presque un peu honte de réussir.»

Qu'est-ce qui vous rend optimiste pour atteindre cette fois le week-end de la finale ?

«Rien ne me rend optimiste, je l'ai toujours été depuis que je suis capable de penser. Je vois le bon côté des choses, je crois en nos capacités en tant qu'équipe. Nous avons évolué ces dernières années. Je reçois tellement de compliments de la part d'autres nations sur la manière dont nous jouons. Dans mon propre pays, c'est en partie dans l'autre sens, mais ce n'est pas grave. Je suis convaincu que nous allons à nouveau montrer un excellent Mondial.»

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