Les 23 joueuses de l'équipe nationale d'Espagne, sacrée championne du monde dimanche en Australie, ont annoncé qu'elles refusaient de rejouer pour la sélection sous la direction actuelle de la fédération, menée par Luis Rubiales, au coeur de l'affaire du baiser forcé.
Ce qui est déjà surnommé le «#MeToo du football espagnol», après le baiser forcé de Luis Rubiales à la no 10 Jenni Hermoso dimanche soir lors de la remise des médailles à Sydney, a connu un ultime rebondissement vendredi soir avec l'annonce d'une grève de l'équipe nationale féminine.
Les 23 joueuses de l'équipe nationale d'Espagne, sacrée championne du monde dimanche en Australie, ont annoncé dans un communiqué du syndicat Futpro qu'elles refusaient de rejouer avec la Roja «si les dirigeants actuels [étaient] maintenus». Le texte, déjà signé par 81 joueuses, reste ouvert à d'autres signatures, a précisé le syndicat.
Dans le même communiqué, Jenni Hermoso a indiqué qu'elle n'avait «à aucun moment consenti à ce baiser»: «Je ne tolère pas qu'on mette en doute ma parole et encore moins que l'on invente des propos que je n'ai pas dits».
De quoi démonter totalement la défense de Luis Rubiales, qui a refusé de démissionner de son poste quelques heures plus tôt devant l'assemblée générale extraordinaire de la Fédération royale espagnole de football (RFEF) réunie près de Madrid.
En poste depuis 2018, l'ancien défenseur s'est lancé dans une contre-attaque, affirmant que le baiser était, selon lui, «réciproque» et «consenti» et qu'il avait obtenu la permission de le faire, tout en fustigeant le «faux féminisme».
«Ca suffit !»
Père de trois filles, M. Rubiales a en revanche demandé «pardon à la reine» Letizia pour son geste sur le balcon du stade de Sydney, lorsqu'il avait empoigné ses parties génitales, alors qu'il se trouvait à moins de deux mètres d'elle.
«Ce que nous avons vu aujourd'hui à l'Assemblée de la fédération est inacceptable (...). C'en est fini de l'impunité des actes machistes. Rubiales ne peut rester à son poste», a réagi immédiatement Mme Díaz sur X (ex-Twitter), exigeant des «mesures urgentes» du gouvernement.
Depuis cette annonce fracassante, de nombreuses voix s'élèvent pour condamner l'attitude de M. Rubiales, à l'instar de la footballeuse du FC Barcelone Alexia Putellas, double Ballon d'Or.
«C'est inacceptable. Finissons-en. Je suis avec toi chère Jenni Hermoso», a-t-elle déclaré sur X.
Mondial 2030
D'autres joueuses espagnoles sont sorties du silence, dénonçant un comportement «intolérable» et apportant leur soutien à Hermoso, tandis que le hashtag «#SeAcabo» (C'est terminé) commençait à émerger sur les réseaux.
«Par respect pour le football. Ca suffit ! Il est temps que ça change pour de bon», a écrit sur X la ligue de football professionnelle féminine.
Pour sa part, l'ancien gardien du Real Madrid et de la «Roja» Iker Casillas a parlé de «honte totale» à propos de Rubiales tandis que l'attaquant du Betis Borja Iglesias a annoncé qu'il ne porterait plus le maillot de l'équipe nationale.
Même certains clubs se sont indignés, comme l'Espanyol Barcelone qui a dit attendre «des mesures» de la part de la fédération ou encore le Séville FC qui estime «ne pas se sentir représenté» par le patron du foot espagnol et demande sa démission.
Le Barça, ancien club d'Hermoso, a lancé une condamnation en demi-teinte, déplorant des «faits regrettables» et injustifiables. Le club catalan note cependant que «M. Rubiales lui-même a reconnu une erreur et s'en est excusé».
L'affaire a éclaté alors que l'Espagne est candidate, avec le Portugal et le Maroc, à l'organisation du Mondial masculin de 2030, qui sera attribuée à la fin de l'année prochaine.
Tribunal administratif
M. Rubiales avait été filmé pendant la célébration de la victoire de la «Roja» féminine sur l'Angleterre lors de la finale du Mondial, embrassant sur la bouche par surprise Jenni Hermoso.
Il avait présenté lundi des excuses, expliquant qu'il s'agissait d'un geste «sans aucune mauvaise intention».
Mais les condamnations de la classe politique espagnole, dont le Premier ministre Pedro Sánchez, et des milieux du football, dont la célèbre joueuse américaine Megan Rapinoe, n'ont fait que s'amplifier.
L'affaire est finalement remontée jusqu'à la Fifa, qui a lancé jeudi une procédure disciplinaire à l'encontre de M. Rubiales.
Le président de LaLiga, Javier Tebas, a sévèrement attaqué son homologue vendredi: «La liste des femmes et des hommes offensés ces dernières années par Luis Rubiales est trop longue, cela doit cesser».
Le Conseil supérieur des Sports, un organisme gouvernemental, a annoncé qu'il allait porter l'affaire devant le Tribunal administratif des Sports dans les prochains jours.
Si le tribunal concluait que ce baiser est une faute selon le code du sport professionnel, le Conseil supérieur des sports, un organisme d'Etat, pourrait alors suspendre M. Rubiales de ses fonctions.
Embrasser quelqu'un sans son consentement est considéré en Espagne comme une agression sexuelle.