C'était l'une des grandes inconnues du Dakar 2023 et l'objet de bien des supputations: la puissance des voitures, celle des Audi hybrides en particulier. Leur réajustement en pleine course a fini d'électriser le rallye-raid.
Cinq jours après que le Dakar a commencé à faire voler la poussière saoudienne, une décision a ému le bivouac: selon des données collectées lors des étapes 1, 2 et 3, les Audi et leur motorisation hybride étaient en deçà des autres en termes de puissance, selon l'organisateur et la Fédération internationale de l'automobile (FIA).
«Comme ils n'ont pas tous les mêmes voitures, les mêmes moteurs, on veut les mettre sur la même ligne», explique David Castera, patron du Dakar. La puissance des Audi a donc été augmentée de 8 kW, l'équivalent de 10 chevaux. Ce qui a fait bondir les concurrents, notamment le clan Toyota emmené par le tenant du titre Nasser Al-Attiyah.
Nouveau cadre réglementaire
Ces nouvelles règles, semblables à celles des 24 heures du Mans, découlent de l'adhésion l'an passé du rallye-raid, en quête d'un nouvel élan, au label championnat du monde décerné par la FIA. L'opération a permis d'attirer Audi pour la première fois de l'histoire du Dakar.
L'arrivée des prototypes RS Q e-tron allemands a amené ASO et la FIA, en concertation avec les constructeurs, à dessiner l'EOT (pour «équilibre des technologies"), un nouveau cadre réglementaire. Il s'agit d'"homogénéiser un peu la performance, pour que ça soit un peu équitable et qu'il n'y ait pas une voiture ou une technologie qui domine les autres», décrypte Thierry Viardot, responsable technique chez ASO.
Les évaluations ne sont «pas au doigt mouillé. C'est très pointu», abonde David Castera. Concrètement, les accélérations entre 70 et 150 km/h sont passées au crible pour chaque famille de moteur. Des milliers de données sont collectées chaque jour en tenant compte entre autres de la quantité d'essence au départ, de la nature des sols et de la position de la pédale.
Ne pas se faire berner
«On a tous les éléments pour ne pas se faire berner par quelqu'un qui en garderait sous la pédale pour qu'on lui redonne 20 chevaux et qu'il aille plein pot le lendemain», garantit M. Viardot. Une réévaluation est faite au bout de trois jours de collectes de données et l'application des modifications éventuelles intervient le 5e jour, et ainsi de suite jusqu'à l'arrivée à Dammam le 15 janvier.
«Ce que je trouve bizarre, c'est qu'ils ont pris comme valeur de référence une accélération de 70 à 150 alors que l'accélération aujourd'hui ça se joue au démarrage et donc plutôt entre 0 et 70 km/h», commente Mathieu Baumel, copilote d'Al-Attiyah. «C'est peut-être là où dans le futur il faudra revoir la manière de calculer», avance-t-il.
Du côté d'Audi, le changement est «juste», estime Sven Quandt, responsable de l'équipe chargée d'engager les bolides hybrides sur le Dakar, «car de toute évidence, Audi a un désavantage dans les accélérations, parce qu'on est 100 kg plus lourd que les autres». Ce surpoids s'explique par les quatre moteurs électriques issus de la Formule électrique, auxquels s'ajoute un moteur turbo-essence pour recharger les 370 kilos de batteries.
300 kg de moins
Audi a beaucoup travaillé sur ce point et réussi à alléger ses voitures de 300 kg, ce qui a fait trembler ses rivaux. En se basant sur les résultats du Dakar 2022, «nous avons vu que la performance était le sujet principal et que nous pouvions gagner sur ce terrain-là en allégeant la voiture», explique Arnau Niubo-Bosch, chef de projet opération piste.
Pour cela, l'un des axes de travail a été l'optimisation de la consommation d'énergie. «Pourquoi veut-on réduire la consommation d'énergie? Car au final on reporte cela sur la consommation de carburant. Si vous réduisez toutes les consommations de la voiture (le poids, l'aérodynamique, les ventilateurs, les pompes hydrauliques, etc), elle utilise moins de carburant et donc pèse moins», dit M. Niubo-Bosch.