Plus tranchante, plus verticale et emmenée par ses jeunes talents Pedri, Lamine Yamal et Nico Williams, l'Espagne a montré un nouveau visage convaincant lors de ce début d'Euro 2024. La Roja semble avoir tiré les leçons de ses échecs passés.
L'Espagne a-t-elle abandonné son «tiki-taka», son jeu collectif flamboyant inspiré du FC Barcelone du légendaire Johan Cruyff ? Pas tout à fait. Elle l'a juste modernisé.
Déjà séduisante même en cédant la possession à son adversaire, la Croatie (3-0), pour la première fois depuis 2008 en compétition internationale, cette Roja rajeunie et renouvelée a confirmé sa mue en étouffant l'Italie, tenante du titre, même si le score (1-0) ne reflète pas sa domination.
«Adieux aux matches avec 1000 passes, bonjour au football vertigineux de Lamine (Yamal) et Nico (Williams) et à un pressing qui contient les adversaires», résume le quotidien Marca dans une chronique.
«Si un jour, comme contre la Croatie, on doit moins avoir le ballon que l'adversaire, ce n'est pas grave. L'idée est claire: voler le ballon et ressortir rapidement et verticalement», ajoute le journal. Et ensuite, «la qualité de nos joueurs s'occupe du reste», estime le sélectionneur Luis de la Fuente, grand artisan du renouveau espagnol et instaurateur de cette nouvelle idée de jeu.
Yamal et Williams, la jeunesse au pouvoir
Sous les ordres de l'ancien défenseur de l'Athletic Bilbao, méconnu du grand public et qui a passé des années à la tête des équipes de jeunes, la Roja a retrouvé des couleurs et une vertu essentielle: l'adaptation à son adversaire et aux qualités de ses joueurs.
De la Fuente, surnommé «Luis le tranquille», en opposition au tempérament volcanique de son prédécesseur Luis Enrique, a pris les rênes d'une sélection en lambeaux, humiliée par le Japon (2-1) et éliminée dès les 8es de finale de la Coupe du monde 2022 par le Maroc aux tirs au but, au terme d'une rencontre caricaturale (77% de possession, 1 tir cadré).
Et il l'a formidablement relancée, en incorporant petit à petit les nouveaux éléments qui ont donné un autre visage à la sélection espagnole et font d'elle l'une des favorites de la compétition: Lamine Yamal, 16 ans, et Nico Williams, 21 ans.
Véloces, insouciants et percutants, les deux ailiers du FC Barcelone et de l'Athletic Bilbao offrent plus de profondeur et de dynamisme au triple champion d'Europe, et sont constamment recherchés par leurs partenaires pour faire la différence. Yamal et Williams, qui ont brillé face à la Croatie et l'Italie en donnant le tournis à leur adversaire direct, sont d'ailleurs les deux joueurs ayant réussi le plus de dribbles depuis le début de la compétition.
Entre les lignes, le meneur de jeu du Barça Pedri, 21 ans également, rappelle, après trois années de galère, pourquoi il était considéré comme l'un des plus grands espoirs du football mondial et comparé à son ainé Andrés Iniesta, avec une vision du jeu et une fluidité technique hors du commun.
Une oeuvre d'art
Assez pour ramener l'Espagne à sa place parmi les meilleures nations européennes? En attendant d'affronter une équipe peut-être mieux dotée et plus efficace en 8es, le sélectionneur espagnol estime qu'«aucune équipe n'est meilleure que nous (dans ce tournoi)», appelant néanmoins à «garder les pieds sur terre».
La presse ibérique, elle, s'enflamme déjà: «En jouant ainsi, impossible de ne pas classer l'Espagne comme favorite», titre ainsi le directeur adjoint de Marca. «Nous ne sommes ni un petit peu en-dessous de la France et l'Allemagne, ni sur la deuxième ligne de l'Angleterre. L'Espagne est meilleure», assure-t-il. «Cette Espagne est une oeuvre d'art», écrit son concurrent AS.