Ecole inclusive en Valais Aides à la vie scolaire: «C'est comme si on ne valait rien» 

Valérie Passello

23.10.2024

Devenir aide à la vie scolaire (AVS) pour accompagner des enfants aux besoins particuliers pendant les heures de classe: beaucoup sont séduits par l'idée d'exercer cet emploi en plein essor dans le cadre de l'école inclusive. Mais si la profession offre certains avantages, la médaille a aussi son revers. Précarité de l'emploi, salaires fluctuants et manque de reconnaissance: deux AVS témoignent pour blue News.

Les aides à la vie scolaire sont désormais indispensables dans le cadre de l'école inclusive. (image d'illustration)
Les aides à la vie scolaire sont désormais indispensables dans le cadre de l'école inclusive. (image d'illustration)
IMAGO/HalfPoint Images

Valérie Passello

Lorsqu'elles parlent de leur emploi en tant qu'aides à la vie scolaire (AVS) en Valais, Maryline* et Solange* relatent une réalité difficile à vivre au quotidien. C'est manifeste: elles ressentent un cruel manque de reconnaissance pour une activité pourtant devenue indispensable dans le cadre de l'école inclusive.   

La grogne aussi sur Vaud

En septembre dernier, un collectif d'aides à l'intégration (ndlr: c'est le terme utilisé dans le canton de Vaud) s'est formé pour demander au canton une meilleure rémunération. Le collectif a annoncé avoir saisi l'Organe de conciliation et d'arbitrage en cas de conflit collectif de travail, avec l'appui du syndicat Sud. En cause: «une organisation et un temps de travail qui ne permettent pas d'atteindre un revenu suffisant pour vivre». 

«Nous avons de grosses responsabilités et pourtant, c'est comme si on ne valait rien. Comme n'importe qui peut devenir AVS, c'est un peu comme si nous exercions un sous-métier», relate Maryline. «Et si on ose se plaindre, on nous fait comprendre que l'on n'a qu'à partir, parce qu'il y a bien assez d'autres personnes qui attendent de prendre notre place», renchérit Solange.

En Valais, cette profession ne nécessite pas de diplôme reconnu préalable. Une volonté réaffirmée par le canton, qui souhaite qu'elle reste accessible à tous. Beaucoup de mères au foyer, par exemple, reprennent une activité en tant qu'AVS, car les horaires scolaires leur permettent d'être disponibles pour leurs enfants. À ce jour, les AVS sont environ 200 en Valais, employés par les communes, à des taux divers. 

«À la rentrée, je tremble toujours»

Mais la rémunération est aussi une pierre d'achoppement: «Comme notre salaire dépend des périodes effectuées avec l'enfant que nous accompagnons, nous recevons une somme différente chaque mois. Et en cas de vacances ou d'absence prolongée de l'enfant, les écarts sont parfois très importants», explique Maryline.

Sur ce point, le chef de l'Office valaisan de l'enseignement spécialisé, Guy Dayer, relève: «Ce travail est rémunéré à l'heure et ce qui est compliqué, c'est le taux d'emploi que les écoles peuvent fournir. Selon nos projections, les AVS ne peuvent travailler qu'à un maximum de 57%.»

Dans les faits, certains d'entre eux parviennent à cumuler un nombre de périodes scolaires équivalant à un 100% pour un enseignant – soit 32 périodes – mais leur salaire est largement au-dessous d'un revenu à plein temps annualisé. 

Guy Dayer souligne qu'une amélioration a été amenée en 2019: désormais, les déplacements sont défrayés et les trois premiers jours de l'absence d'un enfants sont rémunérés. «Nous encourageons les AVS à compléter leurs revenus en travaillant avec des associations ou des institutions, mais je reconnais que ce n'est pas évident», ajoute-t-il.

«Aujourd'hui, j'ai un compagnon et c'est plus facile, mais avant, je travaillais pendant toutes les vacances pour avoir un salaire décent. Je ne m'arrêtais jamais», témoigne Solange.

Bien que Maryline soit mariée, elle et son époux comptent sur l'activité de cette dernière pour tourner, avec leurs trois enfants à charge: «Quand on n'a pas de salaire pendant les deux mois d'été, ça fait un trou, alors que les factures continuent d'arriver. Et à la rentrée, je tremble toujours, car c'est là qu'on sait combien de périodes nous sont attribuées pour l'année à venir. La commune pourrait décider de réduire mon taux, sans que j'aie mon mot à dire.» Toutes deux réclament «des salaires décents annualisés».

Vers une meilleure formation?

Le 15 décembre 2023, un postulat a été déposé au Parlement valaisan pour demander au Conseil d'Etat de «réévaluer les critères d'engagement des aides à la vie scolaire»  et de «redéfinir les modalités de rétribuer» ces derniers. Une réponse devrait être donnée au Grand conseil en décembre prochain ou en janvier.

«Le canton a préparé un dossier de valorisation des AVS, notamment pour fidéliser ces personnes. Mais les communes ont souhaité qu'on le mette en attente», note Guy Dayer. 

«Au fil du temps, on acquiert de l'expérience, mais ils ne profitent pas de notre savoir et ne font rien pour nous retenir», s'agace Maryline. Quant à la formation, elle est clairement insuffisante, selon Solange: «On nous propose deux après-midis à Sion, pour suivre des cours sur l'autisme. Et ce sont toujours les mêmes d'année en année».

Guy Dayer abonde: «L'idéal serait de mettre sur pied une formation de base et une formation continue. Pour l'instant, les AVS peuvent regarder du côté du catalogue HEP (Haute École Pédagogique), mais il y a peu d'inscriptions».

Maryline soupire toutefois: «Bien sûr que si on nous offrait des cours HEP je serais preneuse, mais ils coûtent très cher et je n'ai pas les moyens de me les payer!»

En ce qui concerne la formation, néanmoins, les choses pourraient bientôt bouger. Fin 2023, le canton a demandé à la HEP de lui faire des propositions: «Nous les avons reçues et nous les étudions actuellement», relate le chef de l'Office de l'enseignement spécialisé.

Entre débrouillardise et dépit

En principe, l'école ou les Centres pédagogiques spécialisés devraient fournir aux enfants à besoins particuliers le matériel nécessaire à leur cursus au sein de l'école: des budgets existent pour cela.

Mais Maryline et Solange décrivent une autre réalité. «J'ai accompagné un enfant qui faisait de violentes crises. Il a fallu attendre des mois avant que j'obtienne le matériel que je demandais, adapté à ce cas», raconte la première. Sa collègue confirme: «Je ne compte plus les fois où il faut changer des enfants par terre dans des endroits non prévus à cet effet, faute de locaux, ou trouver des solutions de déplacement pour des enfants à mobilité réduite, par manque d'équipement.»

De guerre lasse, Maryline est même allée jusqu'à investir son propre argent pour acheter du matériel destiné à occuper l'une de ses petites protégées: «Pour finir, on se débrouille toujours, mais ce ne devrait pas être à nous de le faire.»

L'école inclusive? L'idée les avait séduites... au début.«J'ai commencé en y croyant, j'y crois moins aujourd'hui. Mais les enfants sont là, ils sont en souffrance, tout comme leurs enseignants d'ailleurs. Alors on les aide malgré tout», conclut Maryline.

*Noms connus de la rédaction