Malgré l'absence de preuves scientifiques Cancer: les coupeurs de feu très sollicités lors des radiothérapies

Relax

1.10.2024 - 08:33

(AFP) – Avant d'entamer une radiothérapie contre son cancer du sein, Sonia Noël a immédiatement pensé à solliciter un coupeur de feu pour apaiser les effets secondaires. Cette pratique, dont l'efficacité reste à prouver, est plébiscitée par nombre de malades, et ne choque plus forcément les médecins.

Aujourd'hui, certains hôpitaux comme la Timone à Marseille ou l'Institut Bergonié à Bordeaux ont même des listes de coupeurs de feu à proposer aux patients qui en font la demande.
Aujourd'hui, certains hôpitaux comme la Timone à Marseille ou l'Institut Bergonié à Bordeaux ont même des listes de coupeurs de feu à proposer aux patients qui en font la demande.
IMAGO/YAY Images

En Vendée, où elle habite, Sonia Noël, 51 ans assure que «tout le monde connaît un coupeur de feu», ces personnes assurant avoir le don de maîtriser les brûlures. Celui qu'elle a sollicité pratique son «art» gratuitement. Après un premier contact téléphonique, elle le prévenait avant chaque séance de radiothérapie, pour qu'il «pense à elle».

Bilan: elle a traversé «20 séances sans douleur atroce, à peine une sensation d'inconfort».

Même sentiment pour Brigitte Le Lay, qui a consulté un coupeur de feu à deux reprises, quand son cancer du sein a été diagnostiqué en 2013, et quand il a récidivé cette année. «Après ma première radiothérapie, j'ai eu le sein gauche +crâmé+, et depuis que j'appelle le coupeur de feu, plus rien», assure cette sexagénaire de la région de Nantes, qui se dit pourtant «cartésienne».

En 10 ans, elle a remarqué un changement d'attitude des soignants face à cette pratique ancestrale: «en 2013, ils n'étaient pas très ouverts sur la question, aujourd'hui, beaucoup plus, même s'ils soulignent bien que le coupeur de feu ne va pas guérir le cancer».

Dans le cas de Sonia Noël, c'est même l'oncologue qui lui en a parlé la première, avant d'entamer le protocole, en lui disant que «certaines patientes trouvaient un réel +plus+ avec cette pratique». Au sein de Rose up, une association qui informe, accompagne et défend les droits des femmes touchées par tout type de cancer, Sonia Noël a rencontré beaucoup de femmes dans son cas.

Aujourd'hui, certains hôpitaux comme la Timone à Marseille ou l'Institut Bergonié à Bordeaux ont même des listes de coupeurs de feu à proposer aux patients qui en font la demande.

- Eviter les «charlatans» -

Eric Dudoit, psychologue en oncologie à la Timone, raconte avoir pris cette initiative en 2005 afin d'accompagner au mieux une demande pressante de patients, de «leur présenter une liste de gens fiables, qui ne prennent pas d'argent pour leurs séances, et de leur éviter de tomber sur des charlatans».

«La médecine n'est pas toute puissante, et doit être à l'écoute de patients qui ne demandent qu'à être soulagés dans leurs angoisses et leur douleur», plaide-t-il.

Une étude réalisée à l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth (Loire) a montré que 58% des patientes suivies pour un cancer du sein avaient recours à un coupeur de feu.

Elle conclut que le taux d'effets secondaires induits par la radiothérapie était le même chez les patients ayant eu recours à un coupeur de feu que chez les autres.

Coauteur de cette étude et radiothérapeute à l'Institut Bergonié, le professeur Nicolas Magné en tire une conclusion ambivalente: «les patients étaient contents d'avoir eu recours à un coupeur de feu, mais il n'y avait pas de différence en termes d'effets secondaires, si ce n'est que ceux qui avaient eu recours au coupeur étaient plus fatigués, sans qu'on comprenne pourquoi».

Il estime que «tant que le coupeur de feu n'entrave pas la médecine académique» et prodigue gratuitement ses soins, son recours peut aider certaines personnes atteintes d'un cancer.

Brigitte Le Lay le reconnaît: «je ne sais pas ce qui me fait du bien, si ce sont ses soins ou sa présence, mais ces séances calment mes angoisses».

Le Pr Norbert Ifrah, président de l'Institut national du cancer (Inca), rappelle bien que ces méthodes «ne sont pas interdites dès lors que le patient en retire un effet bénéfique (bien-être moral, amélioration de sa qualité de vie)» et qu'elles ne contreviennent pas à son traitement.

Mais elles «n'ont pas de preuves scientifiques qui prouvent leur efficacité», rappelle-t-il.

Sans porter de «jugement de valeur», la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) estime que «tout risque de dérive ne peut pas être écarté». Un risque caractérisé par «une déstabilisation mentale, des coûts de prestation démesurés, des ruptures familiales et des atteintes à l'intégrité physique des personnes».

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