Ukraine Un an de guerre et le spectre de la guerre nucléaire

ATS

15.2.2023 - 10:01

Des décennies durant, les enfants aux Etats-Unis et en URSS ont été entraînés à comment réagir à une attaque nucléaire. Un an après l'invasion russe en Ukraine, ce danger est-il de retour pour les nouvelles générations?

Moscou préoccupe le monde en n'écartant pas la possibilité d'un recours à l'arme ultime. (image d'illustration)
Moscou préoccupe le monde en n'écartant pas la possibilité d'un recours à l'arme ultime. (image d'illustration)
KEYSTONE

Dans le sillage de son offensive, Vladimir Poutine annonçait la mise en alerte de la «force de dissuasion» nucléaire de son armée. Une annonce «dangereuse», «irresponsable» et une escalade «inacceptable», martelait en réponse Washington, en prévenant Moscou des «conséquences catastrophiques» que cette déclaration pouvait avoir.

Mais Moscou a par la suite répété ces menaces, inquiétant le monde en n'écartant pas la possibilité d'un recours à l'arme ultime. Pour la première fois depuis la crise des missiles cubains en 1962, le monde court le risque d'une apocalypse, alertait en octobre le président américain Joe Biden.

«Il n'y avait pas eu d'annonce publique de la Russie au sujet d'une menace nucléaire renforcée depuis les années 60», a constaté Avril Haines, directrice du renseignement national américain.

Horloge de l'apocalypse avancée

Les responsables russes ont voulu par la suite clarifier leurs propos, précisant qu'ils n'utiliseraient les armes nucléaires que face à une «menace existentielle», sans préciser s'ils incluaient dans ce concept une attaque visant les quatre régions ukrainiennes annexées en septembre par Moscou.

Même s'il n'y a pas eu de signes d'une mobilisation nucléaire russe, un groupe de scientifiques a annoncé en janvier dans le «Bulletin of the Atomic Scientists» que l'horloge de l'apocalypse affichait désormais 90 secondes avant minuit, se rapprochant de l'heure fatidique que les scientifiques espèrent ne jamais voir atteinte.

«Les menaces à peine voilées de la Russie sur un usage d'armes nucléaires rappellent au monde qu'une escalade du conflit – accidentellement, délibérément ou par erreur – est un risque terrible. La possibilité que le conflit puisse échapper à tout contrôle reste élevée», ont-ils indiqué.

Traités en berne

Cette situation n'est pas seulement le fait de l'invasion de l'Ukraine par la Russie mais aussi de la panne ou de la mort des traités limitant les armes stratégiques qui avaient notamment apaisé les tensions pendant la guerre froide.

Le traité ABM (1972) interdisant les missiles anti-balistiques, qui a longtemps constitué la clef de voûte de l'équilibre nucléaire entre les Etats-Unis et l'URSS, est caduc depuis 2002. Celui sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), signé en 1987, a expiré en 2019 après les retraits américain puis russe.

Et au cours de l'année écoulée, le traité New Start de réduction des armes stratégiques (2011) conclu entre les États-Unis et la Russie limitant les ogives nucléaires a été mis à rude épreuve, Washington accusant à nouveau Moscou de ne pas s'y conformer.

Des armes «obsolètes»

Selon le chercheur spécialisé dans les armes de destruction massive Pavel Podvig, les menaces de la Russie pourraient paradoxalement avoir rendu le monde un peu plus sûr, en rappelant aux nouvelles générations l'existence du danger que représente l'arme atomique.

Il note que la Russie espérait sans doute pouvoir conclure rapidement son offensive en Ukraine parce qu'elle disposait de l'arme nucléaire. Mais à la place, Moscou s'est heurté au soutien que l'Otan, également dotée de l'arme nucléaire, a apporté à Kiev. La guerre a peut-être permis de comprendre que les armes nucléaires étaient «obsolètes», conclut M. Podvig. Comme la Russie a pu le constater, «elles ne vous donnent pas la sécurité», a-t-il ajouté.

Un rejet global

Le chercheur insiste aussi sur la forte réaction de rejet des dirigeants mondiaux aux déclarations sur le nucléaire de Moscou, notamment celle des alliés de la Russie, l'Inde et la Chine. Ces réponses ont conforté l'idée que les menaces nucléaires étaient taboues.

En septembre, le Premier ministre indien Narendra Modi en a fait part directement à Vladimir Poutine. En novembre, le G20 a déclaré à la fin de son sommet à Bali, en Indonésie, – auquel la Russie a assisté – que le recours ou la menace de recourir à l'arme nucléaire étaient «inadmissibles».

Encore plus révélatrice, selon M. Podvig, la déclaration commune de M. Biden et du dirigeant chinois Xi Jinping à Bali. Les deux dirigeants ont convenu «qu'une guerre nucléaire ne devrait jamais être menée et ne pouvait jamais être gagnée» et ont souligné leur opposition à l'utilisation ou à la menace d'utilisation d'armes nucléaires en Ukraine, selon leur déclaration.

Washington a de son côté atténué son propre discours, s'abstenant de répéter que l'utilisation d'armes nucléaires aurait des «conséquences catastrophiques».

ATS