Macron bousculé«S’il a si peur du chaos, pourquoi ne démissionne-t-il pas ?»
ATS
27.6.2024 - 08:05
En l'absence possible de majorité claire à l'assemblée nationale française au soir du 7 juillet après les élections législatives anticipées, la France risque de basculer dans une période d'incertitude politique, avec la recherche d'une coalition. Cette «reparlementarisation» pourrait aussi se solder par un blocage institutionnel.
27.06.2024, 08:05
ATS
Depuis la dissolution parlementaire prononcée le 9 juin par le président français Emmanuel Macron, la plupart des projections des sondages vont dans le même sens: un hémicycle sans majorité absolue pour l'un des trois blocs – Rassemblement national (extrême droite), Nouveau Front populaire (gauche, en partie radicale) ou camp présidentiel.
Retour du parlementarisme
Chargé constitutionnellement de nommer son premier ministre, le président de la République aura alors devant lui un certain dilemme: désigner le chef du parti vainqueur pour le siège ou tenter de dégager une option alternative rassemblant une partie des deux autres blocs.
«Nécessairement, quel que soit le camp qui sera élu, il y aura un avant et un après. Cela nous rapproche, quelque part, un peu des régimes parlementaires» comme l'Allemagne, l'Italie ou les Pays-Bas, a remarqué ces derniers jours le premier ministre Gabriel Attal, qui se sait sur la sellette, mais espère continuer l'aventure.
«Les frontières des partis vont encore bouger de manière considérable après le 7 juillet. Avec autant d'incertitudes, toutes les conjectures peuvent être immédiatement caduques», résume auprès de l'AFP Camille Bedock, chercheuse du CNRS au centre Emile Durckheim à Bordeaux.
L'hypothèse d'une cohabitation avec le RN, en tête des sondages, est néanmoins atténuée ces derniers jours depuis que son président Jordan Bardella a prévenu qu'il refuserait d'être premier ministre s'il ne disposait pas de majorité absolue à l'assemblée nationale.
Coalition alternative
En effet, même avec un peu moins des 289 sièges nécessaires à celle-ci, le risque d'être renversé par une motion de censure votée par tous les autres groupes de l'hémicycle serait sérieux pour le patron de ce parti.
Dans la majorité du président Macron, on entend plutôt ouvrir des négociations en vue d'une coalition d'un nouveau genre, dans le sens d'une «fédération de projets» prônée par M. Macron après la dissolution.
«Les modérés – on verra leur champ – ont la responsabilité de tenter quelque chose ensemble quand même», glisse un député sortant du camp Macron, favorable à «un gouvernement de responsabilité», quitte à faire des concessions à la gauche si celle-ci termine deuxième.
Mais les disparités entre Républicains (droite traditionnelle) et La France insoumise (gauche radicale) risquent fort d'être irréconciliables aux yeux de nombreux observateurs. «Le risque, c'est une situation où personne n'est en mesure de gouverner», affirme Camille Bedock.
Pour la politologue, s'ouvrirait alors une «période de reparlementarisation», comme celle vécue aux Pays-Bas ces derniers mois ou en Belgique, restée sans gouvernement pendant de longues périodes en 2007-2008 puis 2010-2011.
Le président de la République pourrait alors opter pour «un gouvernement intérimaire chargé d'expédier les affaires courantes pendant un an», délai constitutionnel avant de pouvoir dissoudre à nouveau l'assemblée nationale, avec un potentiel statu quo maintenant l'équipe en place, hypothèse favorisée par l'ouverture quasiment immédiate des jeux Olympiques.
Autre option, «une solution technique, un gouvernement apolitique», reprend Camille Bedock, citant l'exemple italien de Mario Draghi (2021-2022). Celui-ci avait obtenu le soutien de la quasi-totalité du Parlement, «les partis y trouvant l'avantage de voir menées des réformes impopulaires sans en prendre la responsabilité politique».
L'hypothèse du gouvernement technique est envisagée dans le camp Macron. «Le président devra faire preuve de beaucoup d'ingéniosité», pointe un de ses soutiens historiques, qui avoue «redouter le scénario du vide, du chaos, sans majorité absolue». Il faudrait à Matignon «une personnalité connue, respectée, sans marquage politique», reprend un autre cadre de la coalition présidentielle Ensemble.
Mais le RN ou la gauche avaliseraient-ils un tel choix d'Emmanuel Macron, lui-même souvent étiqueté comme «technocrate»? Les oppositions préfèrent à ce stade agiter le spectre de la démission.
Il ne lui «restera que la démission pour sortir potentiellement d'une crise politique», a insisté Marine Le Pen (RN) ces derniers jours, assurant néanmoins qu'elle n'appellera pas elle-même le président Macron à s'en aller.
«Ce président de la République, s'il a si peur du chaos, pourquoi ne démissionne-t-il pas», a également interrogé mardi l'eurodéputée de la gauche radicale, Manon Aubry.
Jusque-là, le chef de l'Etat a toujours évacué catégoriquement cette hypothèse. Il a promis encore lundi «d'agir jusqu'en mai 2027 comme président», dans une lettre aux Français publiée dans la presse régionale.
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