Crise politique, budgétaire...Que se passera-t-il si le gouvernement tombe en France?
AFP
2.12.2024
Risque sur les taux d'emprunt, crise budgétaire, situation politique inconnue... Un renversement du gouvernement minoritaire de centre-droit de Michel Barnier, qui pourrait intervenir dès mercredi, ouvrirait une période d'incertitudes multiples en France.
AFP
02.12.2024, 18:30
Marc Schaller
L'extrême droite a annoncé lundi qu'elle voterait la censure sur des questions budgétaires, ce qui, avec les voix de la gauche, devrait signer la fin du gouvernement Barnier, formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique.
La France est lourdement endettée et le gouvernement, qui veut faire voter de nombreuses et très critiquées mesures d'économies, a engagé lundi sa responsabilité sur le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale.
Si le gouvernement Barnier tombe, constitutionnellement, le président Emmanuel Macron doit nommer un nouveau Premier ministre. Plusieurs options s'offrent à lui, toutes hasardeuses. Après avoir dissous l'Assemblée en juin, il ne peut convoquer de nouvelles élections législatives avant juillet 2025.
Avec une Assemblée nationale très polarisée et divisée en trois grands camps, gauche, centre-droite et extrême droite, qui ne parviennent pas à trouver de compromis entre eux, le risque d'une nouvelle censure est très important.
Emmanuel Macron pourrait décider de renommer Michel Barnier, prêt à faire des concessions pour amadouer le Rassemblement national. La rumeur d'une nomination de l'ancien Premier ministre et ex-ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, de gauche mais anti-Nouveau Front populaire (coalition de gauche rassemblant la gauche radicale, les socialistes et les écologistes), demeure, de même que celle de la formation d'un gouvernement technique.
Les conséquences budgétaires
Il faudra quoiqu'il en soit faire passer des mesures budgétaires pour 2025.
Un «shutdown», paralysie administrative à l'américaine, où par exemple les fonctionnaires ne seraient plus payés, est très improbable grâce aux ressorts multiples de la Constitution.
Cette dernière prévoit que si le Parlement ne s'est pas «prononcé» dans certains délais sur le budget, le gouvernement peut recourir aux ordonnances avec des dates butoirs respectivement fixées cette année au 5 et au 21 décembre, selon un document de l'Assemblée. Mais cette solution s'accompagne toutefois de questions juridiques qui pourraient entraver le recours aux ordonnances.
Le gouvernement peut aussi demander à l'Assemblée de voter avant le 11 décembre les seules «recettes» du budget, ou déposer avant le 19 décembre une loi spéciale pour prélever les impôts. Avant d'engager des dépenses strictement nécessaires pour faire tourner l'Etat, sur la bases de celles du budget 2024. La France a connu des précédents en 1963 et 1980.
Quelle que soit la voie, une question se poserait: est-ce qu'un gouvernement censuré, censé expédier les affaires courantes, peut manœuvrer la machine budgétaire?
Les inquiétudes sur les marchés
La deuxième économie de la zone euro derrière l’Allemagne est actuellement notée «AA-» avec une perspective stable par l'agence de notation S&P, qui a offert vendredi un sursis à la France en ne rétrogradant pas cette note.
Une éventuelle chute du gouvernement Barnier inquiète les investisseurs: immédiatement après que le Premier ministre français a engagé la responsabilité du gouvernement, l'écart entre les taux d'intérêt d'emprunt de la France et de l'Allemagne a fortement augmenté sur les marchés.
L'écart entre ces deux taux, appelé «spread», et baromètre de la confiance des investisseurs vis-à-vis de la signature de la France, s'élevait à 0,88 point de pourcentage, un niveau comparable à 2012.
Si un abaissement à négative de la perspective de la note souveraine française aurait peu d'impact sur les coûts d'emprunt de la France, une relégation de sa note dans une catégorie inférieure, couplée à la chute du gouvernement sans budget, risquerait d'accroître les tensions.
Michel Barnier a d'ailleurs mis en garde contre «des turbulences graves sur les marchés financiers» alors que les taux de la France sont supérieurs à ceux de l'Espagne et du Portugal, et avoisinent ceux de la Grèce, pourtant moins bien notés.