Syrie/Turquie Migrants libres de traverser la Turquie

ATS

28.2.2020 - 20:38

Le président turc se trouvait vendredi dos au mur en Syrie après la mort de 33 soldats turcs dans la province d'Idleb. Pour tenter d'obtenir davantage de soutien de l'UE face au puissant allié russe de Damas, Recep Tayyip Erdogan va jouer la carte des réfugiés.

La Turquie a annoncé vendredi qu'elle ne stopperait plus les migrants qui cherchent à se rendre en Europe depuis la Turquie, réveillant le spectre de la grave crise migratoire de 2015. Dans une gare routière à Istanbul, des dizaines de personnes, notamment afghanes, s'entassaient dans des bus et taxis à destination de la frontière grecque, où l'on pouvait voir des migrants marcher en file indienne au bord des routes, selon l'AFP.

«La Turquie n'a ni les moyens militaires, ni les ressources humaines pour poursuivre l'escalade en cours a Idleb», estime Jana Jabbour, experte de la Turquie à Sciences Po Paris. Outre l'aspect militaire, M. Erdogan doit, selon l'analyste, tenir compte de l'opinion publique en Turquie, «qui risque de se retourner contre lui si le nombre de soldats turcs tués en Syrie augmente».

«La menace d'ouvrir les frontières de l'Europe aux migrants est un moyen très efficace pour mettre la pression sur l'UE pour qui un afflux supplémentaire de réfugiés représente un scénario cauchemardesque», ajoute-t-elle.

Turquie et Russie dos à dos

La récente escalade à Idleb, dernier bastion contrôlé par des rebelles pro-turcs et des djihadistes en Syrie, a fait voler en éclats l'entente entre Ankara et Moscou qui coopéraient étroitement depuis 2016 pour faire cesser les combats en Syrie en dépit de leurs intérêts divergents.

Des bombardements de représailles menés par l'armée turque ont tué 31 combattants du régime syrien dans le nord-ouest de la Syrie, a rapporté vendredi une ONG.

Cette poussée de fièvre risque d'aggraver la situation humanitaire déjà critique à Idleb, où près d'un million de personnes ont été déplacées ces derniers mois par l'offensive qu'y mène depuis décembre le régime de Damas. Face à cette situation volatile, les Nations Unies ont appelé à un cessez-le-feu immédiat et l'Union européenne s'est inquiétée d'un «risque de confrontation militaire internationale majeure» en Syrie.

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) s'est dit très préoccupé par l’escalade militaire dans le nord-ouest de la Syrie. Les services d'Ignazio Cassis appellent toutes les parties au conflit à respecter strictement le droit international, en particulier le droit international humanitaire, et à retourner à la table des négociations pour faire cesser immédiatement les combats.

Conseil de sécurité réuni

Le Conseil de sécurité de l'ONU devait tenir vendredi une réunion d'urgence sur les derniers développements en Syrie. De leur côté, MM. Erdogan et Poutine ont eu vendredi matin un entretien téléphonique au cours duquel ils ont exprimé leur «sérieuse inquiétude» de la situation à Idleb et décidé d'étudier la «possibilité de tenir prochainement un sommet», selon le Kremlin.

Après avoir demandé, jusqu'ici en vain, le déploiement sur son sol de systèmes de défense américains Patriot, la Turquie a appelé vendredi la communauté internationale à mettre en place une zone d'exclusion aérienne dans le nord-ouest de la Syrie pour empêcher les avions du régime syrien et de son allié russe de mener des frappes.

Les représentants des pays membres de l'OTAN se sont réunis en urgence vendredi, à la demande de Turquie, en vertu de l'article 4 du traité pouvant être invoqué par un allié «qui estime que son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité est menacée». Mais à l'issue de la réunion, les membres de l'Alliance n'ont annoncé aucune mesure concrète, se bornant à exprimer leur solidarité avec Ankara.

Arrangement avec Moscou?

Selon Sinan Ulgen, directeur du centre de réflexion Edam à Istanbul, la Turquie a peu de chances d'obtenir un soutien militaire de l'OTAN, surtout après se l'être mise à dos en se rapprochant de Moscou et en achetant le système de défense antiaérienne russe S-400.

Isolée, la Turquie pourrait, selon M. Ulgen, être contrainte d'accepter un arrangement avec la Russie pour garder seulement le contrôle d'une «petite zone le long de la frontière turque dans laquelle s'entasseront les troupes turques et près d'un million de déplacés syriens».

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