Guerre en Ukraine La Hongrie pro-Orban loue sa «neutralité» 

ATS

1.4.2022 - 09:10

À Kisvarda, une ville hongroise proche de la frontière ukrainienne, Viktor Orban n'a pas de souci à se faire: les habitants plébiscitent sa gestion, et surtout sa décision de se tenir à l'écart du conflit.

Viktor Orban, qui s'était rapproché ces dernières années de Vladimir Poutine, a adopté une position neutre, refusant d'envoyer de l'aide militaire en Ukraine au nom de la «sécurité» des Hongrois. (archives)
Viktor Orban, qui s'était rapproché ces dernières années de Vladimir Poutine, a adopté une position neutre, refusant d'envoyer de l'aide militaire en Ukraine au nom de la «sécurité» des Hongrois. (archives)
KEYSTONE

Dimanche, le Premier ministre souverainiste se prépare à des élections serrées mais il peut compter sur une victoire dans ce bastion.

«Pourquoi voterions-nous pour l'opposition, qui veut envoyer de jeunes gens comme mon petit-fils au front? Ce n'est pas notre guerre», insiste Ilona, croisée par l'AFP dans une rue piétonne. «Gardons les conservateurs» du Fidesz, le parti au pouvoir, ajoute cette retraitée de 68 ans, refusant de décliner son identité «par crainte d'attaque des gauchistes».

Peu après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les médias pro-Orban ont multiplié les mises en garde contre le chef de file de l'opposition, affirmant qu'il serait prêt à déployer des soldats. Des propos déformés, assure l'intéressé Peter Marki-Zay, mais le mal était fait: son soutien ferme à la politique de l'Otan a aussitôt été qualifié de «dangereux».

Le mot s'écrit désormais en lettres capitales rouges sur des affiches placardées à travers la Hongrie sous une photo du candidat mine revêche.

Cadeaux fiscaux

À l'inverse, Viktor Orban, qui s'était rapproché ces dernières années de Vladimir Poutine, a adopté une position neutre, refusant d'envoyer de l'aide militaire en Ukraine au nom de la «sécurité» des Hongrois. La stratégie semble payer dans cette commune de 16'000 habitants, qui a vu passer des milliers de réfugiés.

«Les jeunes ne veulent pas se retrouver mêlés sans raison à la guerre», témoigne Rajmund Olah, 18 ans, rencontré sur la place principale avec des amis issus comme lui de l'importante communauté Rom. «Nous allons tous voter Fidesz!», lance son camarade David Vadasz, qui n'hésitera pas avant de glisser, pour la première fois, son bulletin dans l'urne.

Dans ce groupe, la plupart ont participé à des programmes dits de «travail public», mis en place après le retour en 2010 de Viktor Orban à la tête de ce pays de l'Union européenne de 9,7 millions d'habitants. Financés par l'Etat et gérés par les municipalités, ils consistent souvent en des travaux d'intérêt général: donner un coup de main à l'hôpital ou à l'école, s'occuper des jardins ou nettoyer les trottoirs...

Le dirigeant hongrois, qui a parallèlement sabré les allocations chômage, vante ces créations d'emplois mais d'autres, y compris à Kisvarda, déplorent des postes au rabais. «Ce n'est pas un vrai travail, et ne débouche généralement pas sur un emploi à part entière», commente Marika Jonas en sortant d'une boutique, sa petite-fille dans les bras.

Cette entrepreneuse de 55 ans apprécie en revanche les mesures pour les familles, citant les réductions d'impôts ou encore les parcs et crèches rénovés, sur fond de politique nataliste volontariste. Des parcs à thème ont aussi fleuri dans la région, avec l'apport de fonds de l'UE. Elle salue l'action de l'élu local sortant, Miklos Sesztak, dont les posters électoraux de promotion parsèment la ville.

«Propagande»

Le responsable, qui n'a pas répondu à une demande d'interview de l'AFP, a aussi donné un coup de neuf au stade municipal grâce au généreux soutien de M. Orban au ballon rond, son sport favori. L'équipe locale s'est même hissée en première ligue.

«Les choses ici se sont vraiment améliorées, il n'y a aucune raison de changer», renchérit Katalin Poncsak, 62 ans, patronne d'une pâtisserie familiale.

Mais d'autres électeurs laissent percer leurs inquiétudes quant à la corruption des autorités, en écho aux critiques de Bruxelles. «Quand on demande aux gens du Fidesz où va l'argent de l'UE, ils sont bien embarrassés pour répondre», raconte Robert Raduly, 22 ans, également préoccupé par l'inflation galopante.

Encore indécis pour le vote dimanche, il dit ne pas aimer la «propagande» du Fidesz, «et la façon dont ils coupent 10 secondes d'un discours de Peter Marki-Zay pour le détourner et faire un bourrage de crâne à la télévision et sur internet, partout».

«Beaucoup sont mal informés et c'est pour cela que Viktor Orban se maintient au pouvoir», déplore un retraité, Imruska, 72 ans. Il préfère taire son nom. «Je suis trop vieux pour m'attirer des ennuis», souffle-t-il.

ATS