«On n’aime pas Le Pen» Jordan Bardella fait un retour fracassant

AFP

24.10.2024

Trois mois et demi après sa défaite aux législatives et une remarquable discrétion estivale, Jordan Bardella reprend l'offensive avec la sortie d'un livre et une tournée de meetings, au moment où Marine Le Pen joue son avenir politique au tribunal.

Jordan Bardella reprend l'offensive avec la sortie d'un livre et une tournée de meetings.
Jordan Bardella reprend l'offensive avec la sortie d'un livre et une tournée de meetings.
IMAGO/IP3press

Gregoire Galley

Les cheveux gominés, le col de la chemise blanche ouvert, visage de trois-quarts et regard tourné à droite toute, celui qui a fêté en septembre ses 29 ans s'affiche en couverture d'un ouvrage signé de son nom, barré d'un titre plus ou moins énigmatique, «Ce que je cherche».

La sortie de l'ouvrage, annoncée la semaine dernière par un sobre communiqué de Fayard, a clos une année de supputations. Le texte, qui n'a pas été éventé, doit mêler éléments autobiographiques et réflexions politiques sur 216 pages tirées à 155.000 exemplaires - une mise en place rarissime pour un premier livre, traditionnellement réservée aux stars de la littérature.

Elle entérine en tout cas l'arrimage du président du Rassemblement national à l'empire de Vincent Bolloré, nouveau propriétaire de la maison d'édition. C'est d'ailleurs sur les antennes du magnat que doit s'articuler un intense plan de communication - lundi, la première interview matinale de M. Bardella depuis des semaines a été donnée sur Europe 1 et CNews, au lendemain d'un article laudateur dans le JDD, les trois vaisseaux amiraux médiatiques de l'industriel breton.

Tout un symbole: lors de la campagne présidentielle de 2022, Marine Le Pen et les siens s'estimaient fort mal traités par les chaînes du groupe Canal+, accusées de rouler pour leur ancien chroniqueur vedette Eric Zemmour, nourrissant une méfiance, voire une rancœur mutuelle jamais véritablement purgée.

«Chez Bolloré, on n'aime pas Le Pen parce qu'on ne veut pas voter comme sa femme de ménage», résume un proche de la triple candidate malheureuse à l'Elysée, pointant un décalage entre le milliardaire et le socle électoral populaire de la cheffe des députés RN.

«Et s'ils peuvent choisir entre Marine et Jordan Bardella, ils choisissent Bardella», poursuit le même, l'intéressé ne s'étant pour sa part pas fait prier. Un député RN tente de justifier: «Vous n'allez pas dire merde à quelqu'un qui vient vous aider».

Inéligibilité de Le Pen

Le choix de la date de sortie de l'ouvrage, le 9 novembre? L'anniversaire de la mort de Charles de Gaulle et celle de la chute du mur de Berlin, martèle l'entourage de la tête de liste victorieuse des dernières élections européennes, qui doit tenir le lendemain un meeting dans le Lot-et-Garonne. Fait notable: Marine Le Pen n'y sera pas, officiellement retenue aux commémorations du 11-Novembre dans sa circonspection d'élection du Pas-de-Calais.

La soirée de lancement de «Ce que je cherche», promise en grande pompe, doit ensuite avoir lieu le 12 novembre... c'est-à-dire la veille des réquisitions du procureur au procès des assistants d'eurodéputés RN, pour lequel Marine Le Pen encourt une peine d'emprisonnement, d'amende et, surtout, d'inéligibilité. Coïncidence, jure-t-on dans les rangs du parti à la flamme, en estimant qu'"il y a suffisamment d'espace pour tout le monde".

En privé, Marine Le Pen répète qu'elle n'a «pas encore lu» la prose de son poulain, lequel n'est «pas sous tutelle» mais «libre d'écrire ce qu'il veut». «J'ai une confiance totale, il a une liberté totale», ajoute-t-elle, saluant au passage une «excellente nouvelle que d'être publié dans une grande maison d'édition», fût-elle sous pavillon Bolloré. La rentrée promise tonitruante de Jordan Bardella doit en outre permettre à l'aspirant Premier ministre de faire entendre ses nuances.

Dans une tribune publiée dimanche dans Le Figaro, il a pointé un «débat budgétaire actuel focalisé quasi exclusivement sur l'augmentation et la création de taxes», alors que, selon lui «la véritable grande oubliée, c'est la croissance».

Un discours toujours plus ancré économiquement à droite - loin du «ni droite, ni gauche» prôné par Marine Le Pen - et au libéralisme assumé. Le vingtenaire s'est même autorisé dans sa diatribe à s'appuyer sur un chiffrage d'un lobby ultralibéral, l'Ifrap.

En 2022, ce même groupe d'influence s'était pourtant montré sévère à l'endroit du RN: il avait relevé que le programme présidentiel de Marine Le Pen «augmenterait énormément la dette publique, de cinq points de PIB, quasiment autant que Jean-Luc Mélenchon».

Jordan Bardella succède à Marine Le Pen à la tête du Rassemblement national

Jordan Bardella succède à Marine Le Pen à la tête du Rassemblement national

Jordan Bardella est élu président du Rassemblement national avec près de 85% des voix contre Louis Aliot, annonce la dirigeante sortante Marine Le Pen lors d'un congrès du parti à Paris.

05.11.2022