«Qui va vouloir gouverner?» France: début des tractations post-électorales pour une majorité

ATS

8.7.2024 - 07:24

Après la surprise, le temps des tractations: la classe politique française entamait lundi des discussions pour bâtir une improbable majorité et désigner un Premier ministre au lendemain de législatives qui ont accouché d'une Assemblée fragmentée en trois blocs.

La France insoumise (gauche radicale) cristallise les tensions et son chef charismatique et provocateur, Jean-Luc Mélenchon, est considéré comme un repoussoir par beaucoup dans son propre camp.
La France insoumise (gauche radicale) cristallise les tensions et son chef charismatique et provocateur, Jean-Luc Mélenchon, est considéré comme un repoussoir par beaucoup dans son propre camp.
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L'extrême droite était attendue en tête, elle n'est que la troisième force politique du pays, sacrifiée sur l'autel du «front républicain» dressé par la gauche et le centre entre les deux tours pour la priver du pouvoir, mais forte d'une progression spectaculaire.

Sans majorité absolue, avec en tête une fragile alliance de gauche qui devra relever le défi de l'unité, et le camp du président Macron qui «sauve les meubles», mais ne peut exister seul, la France se réveille dans une atmosphère aussi inédite qu'incertaine.

Le Nouveau Front populaire (NFP) a défié les prédictions, devenant le premier contingent de l'Assemblée nationale, avec de 189 députés, devançant le camp macroniste. Si elle reste loin de la majorité absolue (289 députés), l'alliance de gauche peut se rendre incontournable.

Mais son premier parti, La France insoumise (gauche radicale) cristallise les tensions et son chef charismatique et provocateur, Jean-Luc Mélenchon, est considéré comme un repoussoir par beaucoup dans son propre camp.

La députée LFI Clémentine Autain a appelé les députés du NFP à se réunir dès lundi «en assemblée plénière» pour proposer au président, à l'issue d'un vote, un Premier ministre qui ne sera «ni (l'ancien président socialiste, élu député) François Hollande, ni Jean-Luc Mélenchon».

«Qui va vouloir gouverner?»

Elle a émis le souhait que «le Front populaire, dans sa diversité, soit en capacité de dire quel est le point d'équilibre qui permet de gouverner».

Le député François Ruffin, qui a acté son divorce d'avec LFI, a appelé pour sa part à gouverner «avec tendresse pour les Français», une critique à peine voilée de Jean-Luc Mélenchon, triple candidat à la présidentielle, partisan du «bruit et de la fureur».

Christelle Craplet (institut de sondage BVA) pointe à cet égard «un certain nombre d'incertitudes. Est-ce qu'il y a une domination de LFI? Est-ce qu'il y a un rééquilibrage avec les socialistes? Qui va vouloir gouverner, et sur quel programme», pose-t-elle.

Deuxième force nationale, au prix d'une résilience que nul ne lui prêtait après le premier tour, la majorité présidentielle s'en sort mieux que prévu (168 élus).

Emmanuel Macron, qui n'a pas pris la parole, attendra de connaître la «structuration» de la nouvelle chambre pour décider qui il appellera au poste de Premier ministre, a annoncé dimanche soir l'Elysée.

Son Premier ministre sortant Gabriel Attal a indiqué qu'il lui remettrait lundi sa démission, mais qu'il était prêt à rester à son poste «aussi longtemps que le devoir l'exigera», notamment dans le contexte des Jeux Olympiques. «Aucune majorité absolue ne peut être conduite par les extrêmes», s'est-il réjoui.

La majorité sortante présentera des «conditions préalables à toute discussion» en vue d'une majorité, a prévenu le patron de Renaissance et ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, citant la laïcité, la construction européenne et le soutien à l'Ukraine.

Et concluant, lui aussi, que «Jean-Luc Mélenchon et un certain nombre de ses alliés ne (pouvaient) gouverner la France».

«Victoire différée»

Quant au RN, il progresse comme jamais au Parlement, mais finit bien loin de la majorité relative promise, plus encore de la majorité absolue rêvée.

«Notre victoire n'est que différée», a réagi la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen, quand le candidat à Matignon Jordan Bardella fustigeait «l'alliance du déshonneur» du front républicain formé contre son camp.

Le RN est la seule force assurée lundi d'être dans l'opposition, mais avec une voix plus forte que dans l'assemblée sortante. Et Marine Le Pen continue de viser la présidentielle de 2027.

Mais pour l'heure, elle doit accepter qu'une majorité de Français ne veuille pas de l'extrême-droite aux affaires et que le plafond de verre qu'elle espérait casser a été plus solide que prévu.

Dimanche soir, des milliers de personnes se sont réunies place de la République, à Paris, pour fêter sa défaite dans une ambiance joyeuse de feux d'artifice, clameurs et explosions de joie, certains entonnant l'hymne nationale «La Marseillaise».

Sur une autre place de l'est parisien, sympathisants et militants de gauche ont laissé éclater leur soulagement, certains en larmes.

«Je suis encore ému, c'est incroyable. On est soulagés, il y a beaucoup d'espoir dans le future de la France. C'est historique ce qui se passe (...), c'est une libération», déclarait Dalil Diab, travaillant dans le transport logistique, à un rassemblement de LFI.

ATS