Visite ultra-sensible Visite ultra-sensible : l'enquête en Chine sur l'origine de la pandémie entravée

ATS

6.1.2021 - 11:08

Pékin a indiqué mercredi que les négociations se poursuivaient avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cela alors qu'une équipe qui devait enquêter sur l'origine de la pandémie ne dispose toujours pas de tous les visas nécessaires.

Le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
KEYSTONE/FABRICE COFFRINI

«Aujourd'hui, nous avons appris que les responsables chinois n'ont pas encore finalisé les autorisations nécessaires à l'arrivée de l'équipe en Chine», a déclaré le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus mardi aux journalistes à Genève.

«Je suis très déçu de cette nouvelle, étant donné que deux membres avaient déjà commencé leur voyage et d'autres n'ont pas pu voyager à la dernière minute», a-t-il ajouté.

A ses côtés, le responsable des situations d'urgence sanitaire à l'OMS, Michael Ryan, a dit espérer qu'il s'agisse «simplement d'un problème logistique et bureaucratique que nous pouvons résoudre rapidement». Il a expliqué que l'un des deux experts avait dû rebrousser chemin tandis que l'autre attendait dans un pays tiers.

Modalités en discussion

«La pandémie dans le monde est encore très grave, et la Chine fait tout son possible pour la prévenir et la maîtriser», a affirmé mercredi devant la presse une porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hua Chunying. Il ne s'agit «pas seulement d'une question de visa», a assuré Mme Hua.

La porte-parole a précisé que la Chine et l'OMS poursuivaient les discussions à propos de «la date précise et des modalités de la visite du groupe d'experts».

Ecarter une responsabilité chinoise

La visite de dix experts de l'OMS est ultra-sensible pour le régime chinois, soucieux d'écarter toute responsabilité dans l'épidémie qui a fait plus de 1,8 million de morts dans le monde.

S'il est officiellement parvenu à pratiquement éradiquer la maladie sur son sol, Pékin n'a pas pu empêcher que le président américain Donald Trump l'accuse d'avoir répandu «le virus chinois» sur la planète – voire de l'avoir laissé s'échapper d'un laboratoire de virologie de Wuhan, la ville du centre du pays où le virus est apparu.

Signe de nervosité, le pouvoir communiste a fait condamner la semaine dernière à quatre ans de prison une journaliste citoyenne, Zhang Zhan, qui avait couvert la mise en quarantaine de Wuhan.

Les autorités ne manquent pas une occasion d'émettre des doutes sur l'origine chinoise du virus, alors qu'elles avaient dans un premier temps incriminé un marché de Wuhan où sont vendus des animaux vivants.

Quarantaine de 2 semaines

Epidémie oblige, les experts devront se soumettre à une quarantaine de deux semaines à leur arrivée. Il leur restera trois à quatre semaines pour enquêter.

Ils pourraient ainsi se rendre à Wuhan vers le 20 janvier, un an tout juste après la mise en quarantaine de cette métropole de 11 millions d'habitants.

Le 20 janvier est également la date à laquelle Donald Trump doit quitter la Maison Blanche. Certains observateurs supposent que Pékin a pu vouloir attendre son départ avant le début effectif de l'enquête, pour ne pas donner l'impression de céder aux exigences du président républicain.

Traces difficiles à trouver

Le délai imposé par la Chine pour accepter une enquête indépendante signifie que les premières traces de l'infection vont être compliquées à retrouver pour les chercheurs. «Je ne suis pas optimiste. Ils vont arriver après la bataille», s'alarme l'infectiologue Gregory Gray, de l'Université Duke aux Etats-Unis.

«Ce sera incroyablement difficile de trouver l'origine du virus», abonde Ilona Kickbusch, de l'Institut de hautes études internationales et du développement à Genève.

Pour l'organisation, accusée par l'administration Trump de tendances pro chinoises, il ne fait pas de doute que ses experts pourront enquêter librement, même si Pékin n'a toujours pas confirmé que Wuhan était bien au programme de la visite.

«Eviter que ça se reproduise»

La mission est composée de dix scientifiques (Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas, Australie, Russie, Vietnam, Allemagne, Etats-Unis, Qatar et Japon) reconnus dans leurs différents domaines de compétence.

«L'objectif n'est pas de désigner un pays ou une autorité coupables», a déclaré l'un des membres de l'équipe, Fabian Leendertz, de l'Institut Robert Koch en Allemagne. «Il est de comprendre ce qui s'est passé pour éviter que ça se reproduise».

Si l'enquête devait être entravée par les autorités, «cela aurait un impact négatif sur la réputation politique et scientifique de la Chine», avertit le professeur Gray.

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