Débat enflammé «Cela peut agir comme un poison lent» - Attal désarçonne Bardella

AFP

24.5.2024

Alors que sa liste caracole en tête des sondages, Jordan Bardella a été, pour la première fois de la campagne, mis à l'épreuve sur le fond du programme du Rassemblement national à l'occasion de son débat avec Gabriel Attal.

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«Les slogans de Bardella se sont vidés comme une baudruche». A l'instar de Clément Beaune sur Sud radio, le camp majoritaire se réjouissait vendredi du déroulé la veille du face-à-face sur France 2, suivi par plus de 3,6 millions de téléspectateurs.

Motif de leur satisfaction, la difficulté de Jordan Bardella à répondre à Gabriel Attal sur les conséquences de plusieurs propositions du RN, notamment sur l'économie et l'immigration.

«Il avait une difficulté manifeste à répondre à des arguments chiffrés autrement que par des principes et des généralités», note Brice Teinturier, président délégué d'Ipsos. Des punchlines que la tête de liste Renaissance Valérie Hayer n'avait pas réussi à percer lors de son débat avec le leader RN début mai.

«Carences»

«Il n'y a pas eu de KO d'Attal, mais Bardella a montré des carences sur la maîtrise des dossiers», renchérit le directeur de l'Ifop Frédéric Dabi, s'étonnant que le leader d'extrême droite se soit «souvent réfugié dans une posture morale».

Pour les deux politologues, cela «s'est révélé flagrant» sur l'économie, notamment la «priorité́nationale» que veut instaurer le RN dans les marchés publics.

Jordan Bardella «a paru désarçonné», souligne M. Dabi, quand Gabriel Attal lui a fait remarquer que «les autres pays européens allaient faire la même chose» et que «80% de nos PME exportent dans un pays européen».

Même sur l'immigration, le marqueur de crédibilité du vote du Rassemblement national, M. Bardella a été à la peine pour expliquer sa proposition de «double frontière» - exclure de la libre circulation dans l'espace Schengen les non-Européens disposant pourtant d'un titre de séjour.

«Comment vous faites pour contrôler tout le monde aux frontières terrestres ?», l'a interrogé Gabriel Attal, faisant valoir la situation des 500.000 travailleurs frontaliers français.

«Le Pen-Macron»

M. Bardella a répondu que ce serait par «un renforcement des contrôles aléatoires». «En quelques secondes, on est passé d'une double frontière où tout le monde va être contrôlé à +on augmente un peu les contrôles aléatoires+», a alors ironisé M. Attal.

Cette difficulté «à contre-argumenter» a rappelé à M. Teinturier «les débats Le Pen-Macron», souvenir traumatisant pour le parti d'extrême droite. «Cela peut réveiller une petite fêlure sur la compétence économique du Rassemblement national», estime M. Teinturier. «Cela peut agir comme un poison lent, à moyen terme, réactiver le doute sur +le RN est-il au niveau ?+», approuve M. Dabi.

Peu de chances cependant que cette confrontation suffise à inverser les courbes des sondages: à un peu plus de deux semaines du scrutin, la liste Hayer, avec 15 à 16% des intentions de vote, fait moitié moins que le RN.

«Traditionnellement les débats déplacent rarement des voix», d'autant que «pour de nombreux électeurs, l'aisance et les bonnes punchlines affichées par Jordan Bardella suffisent à lui donner de la crédibilité», souligne M. Teinturier.

Coup de gueule de Bellamy

Mais ce débat pourra peut-être au moins enrayer la baisse lente mais continue de la liste macroniste dans les sondages, désormais menacée par celle du parti socialiste menée par Raphaël Glucksmann.

«Il y a toujours un enjeu de remobilisation pour Renaissance car pour l'instant la liste Hayer n'attire que 55% des électeurs ayant voté Macron au premier tour de 2022», rappelle M. Dabi.

Un autre candidat inattendu pourrait sortir gagnant de la séquence, la tête de liste LR François-Xavier Bellamy. Furieux de n'avoir été convié par France 2 qu'à un débriefing du débat, M. Bellamy a poussé un coup de gueule en direct contre «la mise en scène» du service public qui est devenu viral sur X.

«François-Xavier Bellamy a raison. L’organisation de ce débat sur le service public à 15 jours du vote est un déni de démocratie», a renchéri M. Glucksmann qui avait lui aussi protesté auprès de l'Arcom, le régulateur audiovisuel.