Syrie Au moins 33 soldats turcs tués en Syrie

ATS

28.2.2020 - 06:28

Des soldats turcs et des rebelles syriens ont repris jeudi aux forces du régime de Bachar al-Assad la ville stratégique de Saraqeb, dans la province d'Idleb. Vingt-neuf militaires turcs ont été tués par des frappes aériennes syriennes, selon Ankara.
Des soldats turcs et des rebelles syriens ont repris jeudi aux forces du régime de Bachar al-Assad la ville stratégique de Saraqeb, dans la province d'Idleb. Vingt-neuf militaires turcs ont été tués par des frappes aériennes syriennes, selon Ankara.
Source: Keystone/AP/GHAITH ALSAYED

Au moins 33 soldats turcs ont été tués jeudi par des frappes aériennes dans la région d'Idleb, au nord-ouest de la Syrie, selon les autorités turques. En représailles, Ankara a bombardé dans la nuit des positions du régime de Bachar al-Assad.

Outre les 33 morts, au moins 36 militaires blessés ont été rapatriés et hospitalisés à Hatay, a indiqué le gouverneur de cette province turque frontalière de la Syrie dans une allocution télévisée, attribuant les frappes au régime syrien.

Le chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan a convoqué dans la soirée un conseil de sécurité extraordinaire à Ankara, en présence du ministre de la Défense, du chef de l'armée et du patron des services secrets. Peu après, la présidence a déclaré que la Turquie lançait des frappes aériennes sur des positions du régime syrien.

«Toutes les positions connues du régime (syrien) ont été prises sous le feu de nos unités terrestres et aériennes», a affirmé le directeur de la communication de la présidence Fahrettin Altun dans un communiqué. «Nos valeureux soldats seront vengés», a déclaré M. Altun. M. Erdogan menaçait depuis des jours de déloger par la force les unités du régime syrien de certaines positions.

Réactions internationales

Fahrettin Altun a par ailleurs exhorté la communauté internationale, y compris la Russie et l'Iran, parrains de Damas, à «prendre leurs responsabilités» pour «faire cesser les crimes contre l'humanité que commet le régime».

Un peu plus tard dans la soirée, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a condamné «les frappes aériennes aveugles du régime syrien et de son allié russe», appelant à la désescalade. Il venait de s'entretenir par téléphone avec le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu, dont le pays est membre de l'Alliance. M. Stoltenberg a appelé Damas et Moscou à «cesser leur offensive».

«A défaut d'agir rapidement, le risque d'une escalade encore plus grande augmente d'heure en heure», a dit le porte-parole des Nations unies Stephane Dujarric, qui a appelé «à un cessez-le-feu immédiat». «Nous soutenons notre allié de l'Otan, la Turquie, et continuons d'appeler à un arrêt immédiat de cette offensive odieuse», a déclaré pour sa part un porte-parole du département d'Etat américain.

Les lourdes pertes essuyées par Ankara jeudi interviennent après des semaines d'escalade à Idleb entre les forces turques et celles du régime de Bachar al-Assad, qui se sont affrontées à plusieurs reprises. Ces pertes, qui portent à au moins 53 le nombre de militaires turcs tués à Idleb en février, risquent de creuser un fossé entre Ankara et Moscou, principal parrain du régime syrien.

Prise de Saraqeb

Avec le soutien de l'aviation de Moscou, Damas a déclenché en décembre une offensive pour reprendre le dernier bastion rebelle et djihadiste d'Idleb. Le régime et son allié russe ont mis les bouchées doubles ces dernières semaines et repris plusieurs localités dans cette province frontalière de la Turquie.

Cependant, les groupes rebelles et les «djihadistes», dont certains sont appuyés par Ankara, ont contre-attaqué et repris jeudi la ville stratégique de Saraqeb, selon l'OSDH. Ils ont infligé un revers au régime de Bachar al-Assad dans son offensive contre cette région du nord-ouest du pays qui a de nouveau tué sept civils, dont trois enfants, lors de bombardements.

Saraqeb, qui avait été reconquise le 8 février par le régime, se trouve à la jonction de deux autoroutes que le pouvoir veut sécuriser pour consolider son emprise dans le nord du pays. En reprenant la ville, djihadistes et rebelles coupent l'autoroute M5 reliant la capitale Damas à la métropole d'Alep (nord).

Les insurgés se sont déployés en grand nombre dans les rues de la ville en ruines et totalement vidée de ses habitants. Toutefois, malgré cette contre-attaque, les forces du régime, soutenues par la Russie, ont repris 20 localités et villages ailleurs dans la province, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Depuis décembre, plus de 400 civils ont été tués dans l'assaut selon l'OSDH et plus de 948'000 personnes, dont plus d'un demi-million d'enfants, ont été déplacées d'après l'ONU.

Accusations de Moscou

Alors que des discussions sur la Syrie se poursuivaient jeudi à Ankara entre militaires et diplomates russes et turques, Moscou a accusé la Turquie de violer un accord en soutenant militairement des rebelles. Ce nouveau round de pourparlers entre Russes et Turcs visant à trouver une issue à la crise d'Idleb s'est ainsi achevé sans annonce de résultat concluant.

«En violation des accords de Sotchi, la partie turque continue de soutenir des groupes armés illégaux dans la zone de désescalade d'Idleb par des tirs d'artillerie», a déclaré le ministère russe de la Défense. MM. Erdogan et Poutine avaient conclu en 2018 à Sotchi un accord instaurant une «zone démilitarisée» à Idleb censée séparer les positions du régime de celles des rebelles et des djihadistes.

Si la Turquie s'intéresse d'aussi près à Idleb, c'est notamment parce qu'elle redoute un nouvel afflux de réfugiés sur son sol, où quelque 3,6 millions de Syriens vivent déjà.

Désaccord à l'ONU

A l'ONU, le désaccord reste total entre les pays occidentaux et la Russie. «Le déplacement de près d'un million de personnes en seulement trois mois, le meurtre de centaines de civils, la souffrance quotidienne de centaines de milliers d'enfants doivent cesser», ont souligné dans une déclaration conjointe le vice-Premier ministre belge, Alexander De Croo, et le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.

L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a jugé pour sa part que «la seule solution à long terme, c'est de chasser les terroristes du pays». Le Comité international de Secours a estimé jeudi que «les parties en conflit doivent ressentir la pression pour mettre fin à cet assaut contre les civils».

Déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques, la guerre en Syrie a fait plus de 380'000 morts.

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