«La réalité de la dette»Après la censure du gouvernement, la France dans l'incertitude
ATS
5.12.2024 - 11:54
Après la censure du gouvernement, le Premier ministre français Michel Barnier a présenté jeudi sa démission au président Emmanuel Macron, qui va s'adresser à la nation pour tenter de fixer un cap dans une période de grande incertitude, doublée d'une crise budgétaire.
Keystone-SDA
05.12.2024, 11:54
05.12.2024, 13:28
ATS
Cette tempête politique pourrait se doubler d'une tempête sociale. Des enseignants aux contrôleurs aériens, la journée de jeudi sera marquée par une mobilisation et un mouvement de grève dans la fonction publique, avec des dizaines de rassemblements prévus dans tout le pays, et l'aviation civile a demandé aux compagnies aériennes de réduire leurs programmes de vols.
Ancien commissaire européen, M. Barnier, issu de la droite, est arrivé à 10h00 au palais de l'Elysée et en est reparti une heure plus tard, sans faire de déclaration. L'annonce officielle de la démission de son gouvernement est attendue.
Le chef de l'Etat s'adressera de son côté aux Français à 20h00, a indiqué son entourage.
Une intervention nécessaire tant la crise politique est profonde depuis la dissolution surprise de l'Assemblée nationale en juin voulue par M. Macron, après la déroute de son camp aux européennes face à l'extrême droite.
Les législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à la formation d'une Assemblée nationale fracturée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité absolue. Après 50 jours de tractations, un gouvernement de droite et du centre avait finalement été nommé début septembre.
Trois mois plus tard, celui-ci se retrouve donc balayé par l'Assemblée. Une première en France depuis 1962. Mais aussi un triste record pour l'exécutif sortant: jamais un gouvernement n'avait été aussi éphémère durant la Ve République française, proclamée en 1958.
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a demandé jeudi matin à M. Macron de nommer «rapidement» un Premier ministre pour «ne pas laisser s'installer le flottement».
Elle sera reçue par le chef de l'Etat à 12h15 et son homologue au Sénat, Gérard Larcher, à 15h00.
«Temps inconnus»
L'entourage du chef de l'Etat, au plus bas dans les sondages, ne fournit à ce stade aucun calendrier, mais plusieurs de ses familiers ont confié qu'il entendait agir vite. Dès jeudi soir? «Il n'a pas le choix», s'avance un de ses proches.
Mais tant la gauche que le centre ou la droite paraissent désunis pour s'entendre sur un nouveau gouvernement de coalition.
La cheffe des députés du parti de gauche radicale La France insoumise (LFI) a d'ores et déjà prévenu jeudi que sa formation censurerait «bien sûr» à l'Assemblée tout Premier ministre qui n'est pas issu de l'alliance de gauche, le Nouveau Front Populaire (NFP), qui réunit écologistes, socialistes, communistes et gauche radicale.
Le coup est d'autant plus rude pour le pouvoir que la censure a été votée largement, après trois heures et demie de débats très agités dans un hémicycle comble, par 331 voix, quand 288 étaient requises.
Les parlementaires de gauche et du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN), ainsi que ses alliés, ont voté ensemble pour censurer le gouvernement sur des questions budgétaires, alors que la France est très fortement endettée.
La gauche radicale a aussitôt réclamé la démission du chef de l'Etat et une «présidentielle anticipée».
La cheffe de l'extrême droite française Marine Le Pen a semblé plus mesurée dans sa première réaction, assurant qu'elle laisserait «travailler» le futur chef du gouvernement pour «co-construire un budget acceptable pour tous». «Je ne demande pas la démission d'Emmanuel Macron», a-t-elle dit.
Elu en 2017 et réélu en 2022, le chef de l'Etat, dont le mandat court jusqu'en 2027, a par avance qualifié de «politique fiction» les appels à sa démission. Il a affirmé mardi qu'il comptait servir son mandat «jusqu'à la dernière seconde».
«La réalité de la dette»
Si la chute de Michel Barnier était perçue comme une «mort annoncée», la presse française s'inquiète jeudi des «temps inconnus qui se profilent».
«Quelles suites après la chute de Barnier?», titrent les Dernières nouvelles d'Alsace. «Et maintenant?», s'interroge l'Est Eclair. Même son de cloche du quotidien Le Parisien, qui martèle: «Après la censure le grand flou».
La situation laisse les Français partagés: 53% approuvent la décision des députés, mais 82% sont inquiets de ses conséquences, selon un sondage Toluna Harris Interactive pour RTL.
«Flou», «impasse», «cercle vicieux»: du nord au sud du pays, l'inquiétude et la lassitude étaient manifestes chez les Français interrogés par l'AFP.
La situation budgétaire de la deuxième économie de la zone euro requiert un exécutif rapidement. Attendu à 6,1% du PIB en 2024, le déficit public ratera son objectif de 5% en l'absence de budget.
La France consacre 60 milliards d'euros par an à payer les intérêts de sa dette, soit plus que pour sa défense ou son enseignement supérieur, a rappelé M. Barnier mercredi. Et d'avertir: «On peut dire ce qu'on veut, c'est la réalité».
L'agence de notation Moody's a estimé dans une note publiée dans la nuit que la chute du gouvernement «rédui(sait) la probabilité d'une consolidation des finances publiques» de la France.
Les marchés restaient néanmoins calmes. Après avoir ouvert en petite baisse (-0,28%) jeudi, la Bourse de Paris évoluait en petite hausse à la mi-journée (+0,29%). Et loin de s'envoler, le taux auquel la France emprunte sur les marchés était même orienté à la baisse.