Tensions au Moyen-OrientAppels au calme entre Téhéran et Washington
ATS
6.1.2020 - 22:44
Les appels à la désescalade se sont multiplié lundi, sur fond d'affrontement verbal entre Washington et Téhéran. Une marée humaine en deuil y a exigé de venger le général Qassem Soleimani, tué par un raid américain à Bagdad.
Alors que le président américain Donald Trump a menacé samedi de viser 52 cibles iraniennes, son homologue iranien Hassan Rohani l'a sommé lundi de ne «jamais menacer la nation iranienne». Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, après une réunion extraordinaire, a appelé Téhéran à éviter «davantage de violence et de provocations».
«La voie de la pondération»
La France a estimé que l'Iran devait «renoncer à des représailles» contre Washington. Les chefs de la diplomatie de l'UE doivent eux tenir vendredi une réunion sur la crise entre les deux pays ennemis, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les ayant appelés à suivre «la voie de la pondération».
Sur un autre front, l'Iran a annoncé une nouvelle réduction de ses engagements contenus dans l'accord international conclu en 2015 pour garantir la nature purement civile des activités nucléaires iraniennes. Ce pacte est désormais presque vidé de sa substance.
«L'Iran n'aura jamais d'arme nucléaire!«, a rétorqué sur Twitter M. Trump, dont le pays s'est retiré unilatéralement en 2018 de l'accord. Encore parties au pacte, les Européens ont dit «regretter profondément» l'annonce iranienne sur la levée de toute limite sur l'enrichissement d'uranium.
Rues noires de monde
A Téhéran, les rues étaient noires de monde pour honorer Qassem Soleimani. Figure charismatique et très populaire en Iran, ce général a été tué vendredi avec son lieutenant irakien et huit autres personnes près de l'aéroport de Bagdad.
Retenant difficilement ses larmes, le guide suprême Ali Khamenei a présidé une prière des morts devant les cercueils contenant les restes de Soleimani, d'Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi (paramilitaires irakiens pro-Iran) et de quatre Iraniens.
«La dernière fois que je me souviens d'une telle foule, c'était aux funérailles il y a 30 ans de l'imam Khomeiny», fondateur de la République islamique d'Iran, a déclaré à l'AFP Maziar Khosravi, l'ex-chef du service politique du quotidien réformateur Charq.
Estimée à «plusieurs millions» par la télévision d'Etat, la foule a alterné entre recueillement et tristesse. Elle a parfois explosé de colère aux cris de «Mort à l'Amérique», «Mort à Israël».
Riposte «dévastatrice»
Des drapeaux américains et israéliens ont été brûlés, tandis que la foule appelait à venger Soleimani, chef de la Force Qods, chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution et architecte de la stratégie de l'Iran au Moyen-Orient. «Stupide Trump (...) ne pense pas qu'avec le martyr de mon père, tout est fini», a lancé sa fille, Zeinab. «Notre riposte doit être dévastatrice», a renchéri un Iranien de 61 ans, dans la foule.
Le cercueil de Soleimani a ensuite été transféré vers la ville sainte chiite de Qom pour une cérémonie, et sera mis en terre mardi à Kerman (sud-est), sa ville natale. L'Iran officiel a promis une «riposte militaire», une «dure vengeance» qui frappera «au bon endroit et au bon moment».
Donald Trump ne fait rien pour apaiser les inquiétudes internationales. Si l'Iran fait «quoi que ce soit, il y aura des représailles majeures», y compris contre des «sites culturels» iraniens, a-t-il encore menacé dimanche. Lundi, l'Unesco a rappelé que Washington a ratifié deux conventions protégeant les biens culturels en cas de conflit.
Lettre envoyée par erreur
M. Trump a aussi évoqué la possibilité d'imposer des sanctions «très fortes» à son allié irakien après le vote dimanche par le Parlement à Bagdad d'une résolution demandant le départ des quelque 5200 militaires américains d'Irak. L'armée américaine a annoncé lundi «respecter (cette) décision souveraine» et «repositionner» les forces de la coalition antidjihadistes dans le but d'«un retrait de l'Irak de manière sécurisée et efficace».
Cette information a toutefois été rapidement démentie par le chef du Pentagone Mark Esper. Le document est authentique mais a été envoyée par erreur. «Aucune décision n'a été prise de quitter l'Irak. Point», a déclaré à la presse le ministre américain de la Défense. «Cette lettre ne correspond pas à notre état d'esprit aujourd'hui».
L'assassinat de Soleimani est survenu après une attaque inédite de l'ambassade américaine à Bagdad par des pro-Hachd pour protester contre un raid américain visant ces paramilitaires. Cette frappe ripostait à des tirs de roquettes sur des installations en Irak abritant des Américains, dont un a péri fin décembre.
A Bagdad, des officiels irakiens et responsables du Hachd défilaient lundi dans une mosquée en hommage à Soleimani et Mouhandis. Une petite foule piétinait à l'entrée un portrait de M. Trump. Et le leader chiite irakien Moqtada Sadr a menacé le président américain d'un nouveau «Vietnam», dans un tweet.
La crise entre Washington et Téhéran a dopé les cours du pétrole et fait trembler les Bourses mondiales. L'or, traditionnelle valeur refuge, est monté à des niveaux jamais vus depuis 2013.
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