Funérailles de Navalny Sa veuve Ioulia Navalnaïa: «Je ne sais pas comment je vais vivre sans toi»

AFP

1.3.2024

L'opposant russe Alexeï Navalny a été enterré vendredi dans un cimetière de Moscou en présence de milliers de ses partisans venu rendre un dernier hommage au principal détracteur du Kremlin, mort dans des circonstances troubles dans une prison de l'Arctique. Sa veuve Ioulia Navalnaïa a remercié son mari pour «ces 26 années de bonheur absolu».

Le corps du leader de l'opposition russe Alexei Navalny reposera au cimetière Borissovo, dans le sud-est de la capitale russe.
Le corps du leader de l'opposition russe Alexei Navalny reposera au cimetière Borissovo, dans le sud-est de la capitale russe.
AFP

AFP

Venus en nombre avec des fleurs, pour certains en pleurs ou avec les larmes aux yeux, les soutiens de Navalny présents ont scandé «Non à la guerre!», «Nous ne t'oublierons pas !» ou encore «Nous ne pardonnerons pas».

Venus en nombre avec des fleurs, les soutiens de Navalny présents ont scandé «Non à la guerre!»
Venus en nombre avec des fleurs, les soutiens de Navalny présents ont scandé «Non à la guerre!»
AFP

Après une courte cérémonie dans une église en présence notamment de ses parents, lors de laquelle la dépouille d'Alexeï Navalny a été exposée à cercueil ouvert selon le rite orthodoxe, l'opposant à été mis en terre au cimetière de Borissovo, dans le sud-est de la capitale, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Au moment de l'enterrement a retenti la bande son du film «Terminator 2», qui selon l'opposant le «meilleur film jamais réalisé», a expliqué sa porte-parole Kira Iarmych.

Dans l'église, son corps a été montré pour la première fois au public, couvert de dizaines de fleurs rouges et blanches, tandis que les personnes présentes tenaient des cierges, a constaté une journaliste de l'AFP.

Des proches de Navalny lui rendant un dernier hommage dans une église à Moscou, en Russie.
Des proches de Navalny lui rendant un dernier hommage dans une église à Moscou, en Russie.
KEYSTONE

Ceux ayant réussi à entrer dans la petite église ont pu voir le visage blême et aux traits déformés d'Alexeï Navalny. Le corbillard transportant son cercueil était arrivé quelques instants plus tôt, sous les applaudissements de la foule.

A l'extérieur de l'église, une importante foule de plusieurs milliers de personnes s'est rassemblée, formant une très longue queue. La police anti-émeute était présente en nombre et a parsemé la zone de barrières.

«C'est douloureux, des gens comme lui ne devraient pas mourir, des gens honnêtes, avec des principes, prêts à se sacrifier», témoigne Anna Stepanova, en soulignant aussi «le sens de l'humour» de l'opposant. «Même en souffrant, il faisait des blagues».

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui averti de potentielles sanctions en cas de participation à toute manifestation «non autorisée» à l'occasion de ces funérailles. Lors de sa conférence de presse quotidienne, M. Peskov a aussi affirmé qu'il n'avait «rien à dire» à la famille du défunt.

«Vivre sans toi»

Sa veuve Ioulia Navalnaïa a remercié son mari pour «ces 26 années de bonheur absolu», dans un message d'adieu posté sur les réseaux sociaux.

«Je ne sais pas comment je vais vivre sans toi, mais je vais faire de mon mieux pour que là-haut tu sois heureux et fier de moi», a-t-elle dit. «Je t'aime pour toujours.»

Détracteur du Kremlin et charismatique militant anticorruption, Alexeï Navalny est mort le 16 février à l'âge de 47 ans dans une colonie pénitentiaire russe de l'Arctique dans des circonstances qui restent obscures. Ses collaborateurs, Ioulia Navalnaïa et les Occidentaux ont accusé Vladimir Poutine d'être responsable de sa mort, ce que le Kremlin nie.

Après avoir tardé à remettre la dépouille de M. Navalny à ses proches, les autorités russes s'y sont finalement résolues le week-end dernier, permettant des funérailles.

L'ambassadrice américaine et les ambassadeurs français et allemand se sont rendus sur place, ainsi que trois figures de l'opposition encore en liberté: Evguéni Roïzman, Boris Nadejdine et Ekaterina Dountsova.

Selon Maxime, un informaticien de 43 ans venu rendre hommage à l'opposant requérant l'anonymat, Alexeï Navalny a «montré la liberté».

Denis, 26 ans, bénévole dans une association caritative, salue lui un homme grâce auquel il s'est «intéressé à la politique», dans un régime de plus en plus autoritaire où le désintérêt des jeunes pour les questions politiques est très fort.

Depuis la remise du corps d'Alexeï Navalny à sa mère samedi, l'équipe de l'opposant cherchait un lieu pour un «adieu public» mais se voyait «rejeter» toute demande, accusant les autorités de faire pression sur les gérants.

«Le Kremlin l'a tué»

Son équipe avait malgré tout appelé les Moscovites à venir faire leurs adieux à Alexeï Navalny, et ses soutiens dans les autres villes et à l'étranger à se rassembler devant des mémoriaux pour honorer sa mémoire. Des rassemblements gênants pour le pouvoir, deux semaines avant l'élection présidentielle (15-17 mars) censée prolonger le règne de Vladimir Poutine au pouvoir.

Près de 400 personnes ont été arrêtées par la police dans les jours qui ont suivi la mort de l'opposant, lors de rassemblements improvisés en sa mémoire.

Ioulia Navalnaïa a regretté mercredi qu'aucune cérémonie civile n'ait été autorisée pour permettre l'exposition du corps de son mari à un plus large public, comme c'est souvent le cas après le décès de grandes personnalités en Russie.

«Les gens au Kremlin l'ont tué, puis ont bafoué son corps, puis ont bafoué sa mère et maintenant bafouent sa mémoire», a-t-elle fustigé, accusant Vladimir Poutine et le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, d'être responsables de cette situation.

Avant son empoisonnement en 2020, auquel il avait survécu de justesse et pour lequel il accusait Vladimir Poutine, puis son arrestation et sa condamnation à 19 ans de prison pour «extrémisme», Alexeï Navalny parvenait à mobiliser des foules, en particulier dans la capitale russe.

Son mouvement, qui s'appuyait sur des enquêtes dénonçant la corruption des élites russes, a été méthodiquement démantelé au cours des dernières années, envoyant nombre de ses collaborateurs derrière les barreaux ou en exil.

Après la mort de son mari, Ioulia Navalnaïa a promis de poursuivre son combat.