«Mark Zuckerberg russe»Milliardaire, père de 100 enfants: qui est Pavel Durov, le fondateur de Telegram arrêté à Paris?
AFP
25.8.2024
Interpellé samedi à sa descente d'avion à l'aéroport du Bourget près de Paris, le milliardaire franco-russe Pavel Durov est un libertarien revendiqué, chantre de la confidentialité d'internet mais controversé pour son refus de toute modération sur la messagerie Telegram, qu'il a cofondée.
AFP
25.08.2024, 18:13
25.08.2024, 19:14
Marc Schaller
Pavel Durov, 39 ans, faisait l'objet d'un mandat de recherche pour des infractions allant de l'escroquerie au trafic de stupéfiants, au cyberharcèlement et à la criminalité organisée en passant par l'apologie du terrorisme et la fraude.
Des investigations ont été confiées à l'unité cyber de la gendarmerie et à l'office national antifraude, dans les locaux duquel le milliardaire était toujours en garde à vue dimanche, selon deux sources proches du dossier.
Il quitte la Russie en 2014 et s'installe à Dubaï
C'est en 2006, tout juste diplômé de l'université de Saint-Pétersbourg (Russie), la ville où il est né le 10 octobre 1984, que Pavel Durov se fait connaître en lançant le réseau social VKontakte (VK), devenu rapidement le premier de Russie devant Facebook et lui valant le surnom de «Mark Zuckerberg russe».
Mais le succès de VK provoque des frictions et Durov, après avoir vendu la plateforme - reprise en main par des proches du pouvoir -, quitte la Russie en 2014. Il est alors en délicatesse avec le Kremlin pour avoir refusé de remettre aux services de sécurité russes (FSB) les données personnelles d'utilisateurs, notamment de militants pro-européens ukrainiens.
Développant avec son frère Nikolaï la messagerie Telegram - lancée en 2013 - tout en voyageant de pays en pays, il s'installe à Dubaï et obtient la citoyenneté de l'île caribéenne Saint-Kitts-et-Nevis puis, en août 2021, la nationalité française grâce à une procédure rare sur laquelle Paris reste très discret.
Entre temps, Telegram enregistre un succès fulgurant, se posant en champion des libertés individuelles, du refus de la «censure» et de la confidentialité de ses utilisateurs.
Cela gêne: en 2018, un tribunal moscovite ordonne le blocage de l'application. C'est un fiasco et trois jours plus tard, des manifestants bombardent ironiquement le siège du FSB d'avions en papier, le symbole de Telegram.
Depuis, la Russie a abandonné ses efforts et la messagerie est utilisée par le pouvoir comme par l'opposition, certaines «chaînes» comptant plusieurs centaines de milliers d'abonnés.
Telegram joue aussi un rôle essentiel dans la guerre en Ukraine, documentée par les blogueurs des deux camps qui y postent leurs analyses et d'innombrables vidéos des combats.
Le père biologique de plus de 100 enfants
«Je pense que nous faisons du bon travail avec Telegram, avec 900 millions d'utilisateurs qui dépasseront probablement le milliard d'utilisateurs mensuels actifs d'ici un an», déclarait Durov en avril dans une rare interview au journaliste ultra-conservateur américain Tucker Carlson.
Absent des médias traditionnels, Pavel Durov n'hésite pourtant pas à se mettre en scène sur sa page Telegram, revendiquant mener une vie solitaire, s'abstenant de viande et d'alcool. Toujours vêtu du noir, il cultive sa ressemblance avec l'acteur Keanu Reeves dans le film «Matrix».
En juillet, il se vantait d'être le père biologique de plus de 100 enfants grâce à ses dons de sperme dans une dizaine de pays. Un «devoir civique», disait-il, le rapprochant de la mouvance pro-nataliste à laquelle adhère Elon Musk et plusieurs milliardaires de la tech.
Selon le magazine Forbes, la fortune de Pavel Durov est estimée en 2024 à 15,5 milliards de dollars (13,38 milliards d'euros) mais le toncoin, la cryptomonnaie qu'il a créée, a dévissé de plus de 15% depuis l'annonce de son arrestation.
Propagation des théories complotistes, appels au meurtre, plateforme de vente de drogue: depuis des années, Telegram est dans le viseur des autorités judiciaires européennes. Pavel Durov, pourtant, assure répondre à chaque demande de suppression de contenu appelant à la violence ou au meurtre.
Nombre d'experts restent par ailleurs dubitatifs quand à la réelle sécurité offerte par Telegram. Si la plateforme se dit «plus sûre que les messageries de masse comme WhatsApp», elle ne crypte pas les messages par défaut, à la différence de la filiale de Facebook.
Et la plateforme a régulièrement collaboré avec les autorités judiciaires: en 2022, menacé de blocage par la cour suprême du Brésil, Telegram avait accepté de fermer des comptes accusé de désinformation. La même année, l'Allemagne avait salué les discussions «constructives» avec la messagerie, prisée par les militants d'extrême droite ou antivax locaux.