«Je croise les doigts»Orban et Trump, une «bromance» politique prête à déboucher le champagne?
AFP
2.11.2024
Quand on aime, on ne compte pas: la Hongrie dépense beaucoup d'argent pour vanter son «modèle illibéral» aux Etats-Unis, sur fond de bromance entre Viktor Orban et Donald Trump. Et se prépare à déboucher le champagne.
AFP
02.11.2024, 08:38
Marc Schaller
Avec un homme clé, chargé de faire la jonction entre la «révolution conservatrice» magyare et le mouvement MAGA: l'intellectuel américain chrétien Rod Dreher, recruté par le Premier ministre hongrois nationaliste.
Il a décidé de poser ses valises à Budapest en 2022 et officie au sein du Danube Institute, un groupe de réflexion proche du gouvernement.
Dans des articles et sur les réseaux sociaux, il loue la méthode Orban, qui va «bientôt toucher le jackpot» avec la victoire du candidat républicain à la présidentielle américaine mardi, prédit-il.
«Il aura alors un allié puissant dans sa lutte éternelle contre les brutes de Bruxelles», lance à l'AFP ce rare immigré américain dans un ancien pays communiste d'Europe centrale, qui malgré sa petite taille se rêve en laboratoire mondial de l'extrême droite.
«Un homme fort, un homme dur»
Selon le site d'investigation Atlatszo, au moins 1,64 million de dollars (1,5 million d'euros) de fonds publics ont été consacrés ces trois dernières années au financement des activités de l'institut, organisateur notamment de colloques.
Il a établi un partenariat avec la Heritage Foundation, un think tank américain ayant fait parler de lui pour son «Projet 2025», un programme de mesures radicales en cas de retour du milliardaire à la Maison Blanche.
«Ce document rappelle les pratiques du gouvernement hongrois, qui consistent à maintenir la façade des structures démocratiques tout en plaçant sous contrôle politique les médias, la justice et l'éducation», décrypte l'analyste Mate Kalo.
Donald Trump a pris ses distances avec le texte, mais pas avec Viktor Orban: il n'a que son nom à la bouche lorsqu'il s'agit de citer des dirigeants étrangers exemplaires, saluant «un homme fort, un homme dur». Il l'a déjà reçu cette année deux fois à Mar-a-Lago, sa luxueuse villa en Floride, et l'a encore pris au téléphone jeudi.
«Je lui ai souhaité bonne chance. Je croise les doigts», a écrit sur X le Premier ministre hongrois, qui a promis «d'ouvrir plein de bouteilles de champagne» si l'ex-président est élu.
L'admiration remonte à loin: M. Orban est le premier dirigeant occidental à lui avoir apporté son soutien en 2016 dans sa bataille face à Hillary Clinton. Les deux hommes sont unis par le même mépris des élites, la même haine de l'immigration et le même langage outrancier.
«Culte de la personnalité»
«Un front uni» d'idées qui s'exhibe chaque printemps lors de la conférence CPAC de Budapest, déclinaison de la grand-messe conservatrice organisée aux Etats-Unis. Donald Trump n'est jamais venu en personne mais a envoyé des vidéos pré-enregistrées.
En 2023, Viktor Orban y avait dénoncé «le virus du wokisme» propagé par les libéraux, se vantant d'avoir «l'antidote» en Hongrie.
Toutefois, pour Mate Kalo, il ne faut pas surestimer l'influence du responsable européen de l'autre côté de l'Atlantique.
Car les liens demeurent «superficiels» et les «désaccords» en matière de politique étrangère nombreux.
Si les deux politiciens s'entendent sur l'urgence d'instaurer la paix en Ukraine, sans expliquer comment, et partagent des affinités avec Vladimir Poutine, certains Républicains s'inquiètent de voir la Hongrie, pourtant membre de l'Otan, «s'acoquiner» avec la Chine et d'autres régimes autoritaires.
Le chef du parti au Sénat, Mitch McConnell, a même reproché à ses collègues d'ignorer cette «tendance alarmante» et d'avoir formé un «culte de la personnalité» autour d'Orban.
Malgré ces divergences, le pays d'Europe centrale n'a «rien à perdre en étant 100% derrière Trump», estime Rod Dreher.
Car ses relations sont très tendues avec l'administration démocrate qui dénonce le recul de l'Etat de droit sous Viktor Orban, au pouvoir depuis 14 ans.
Grâce à Trump, Budapest espère «échapper aux critiques», souligne Zsuzsanna Vegh, analyste du German Marshall Fund. Avec le souhait d'un ambassadeur plus amical que David Pressman, diplomate ouvertement gay qui critique fréquemment le gouvernement hongrois, notamment au sujet de la restriction des droits LGBT+.
Et face à ses partenaires européens, qu'il reçoit les 7 et 8 novembre à Budapest, un succès du candidat républicain - vu d'un mauvais oeil par l'UE - sonnerait comme une revanche personnelle.