Déboires en séries Les vignerons français tirent la sonnette d’alarme

AFP

30.11.2023

Entre les aléas climatiques, la hausse des coûts de l'énergie ou des bouteilles et la baisse continue de la consommation de vin, les déboires s'accumulent pour certains vignerons.

Les déboires s'accumulent pour certains vignerons.
Les déboires s'accumulent pour certains vignerons.
imago images/PanoramiC

AFP

Alors que le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau se rend jeudi au salon spécialisé Sitevi à Montpellier, le secteur appelle le gouvernement à l'aide.

Une succession de coups durs

«Quelle que soit la zone géographique, la notoriété ou la couleur», l'ensemble de la viticulture française est «percutée» par une série de difficultés depuis 2019, explique Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendants.

Pour commencer, les taxes imposées aux Etats-Unis sur certains vins européens sous la présidence Trump, dans le cadre d'un long différend sur les aides publiques à l'aéronautique, sont venues «déstabiliser notre performance économique sur les Etats-Unis», rappelle-t-il.

Le Covid et ses restrictions sanitaires en 2020 ont ensuite temporairement coupé de nombreux débouchés, comme la restauration ou les ventes directes dans les domaines.

Plusieurs aléas climatiques ont affecté la production: du gel en 2021, de la grêle et un début de sécheresse sur le pourtour méditerranéen en 2022, un nouvel épisode de sécheresse et la propagation du mildiou dans certaines régions en 2023.

Energie, transport, mais aussi matières sèches comme le verre et le carton, les viticulteurs ont parallèlement dû faire face à la hausse de leurs coûts, conséquence des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement liées à la pandémie ainsi que de la guerre en Ukraine.

L'inflation a aussi effrité le pouvoir d'achat des ménages partout dans le monde, pesant particulièrement depuis le début d'année sur les exportations.

Des vignobles plus ou moins touchés

Dans son ensemble, «la performance commerciale de nos entreprises ne se dément pas», affirme Jean-Marie Fabre. Mais leurs marges ayant été grignotées par l'inflation et les divers coups durs, leur trésorerie a fondu.

Certaines zones de production, comme la Champagne, les crus du nord de la vallée du Rhône, ou une partie de la Bourgogne, dégagent suffisamment de marges pour «faire le dos rond». «Mais 70% à 80% du vignoble français, l'Alsace, la Loire, la grande région Aquitaine, toute l'Occitanie, la zone PACA et le sud de la vallée du Rhône», est confronté à des problèmes de trésorerie, assure le responsable.

La situation se complique encore plus «dans les bassins de production de rouge: les Bordeaux, l'Occitanie et une partie de la vallée du Rhône», remarque Jérôme Despey, président du conseil spécialisé vin de l'établissement public FranceAgriMer.

La consommation de vin en France a déjà baissé d'environ 70% en 60 ans, pour atteindre 45 litres par an et par habitant, selon FranceAgriMer.

Cette tendance s'est accentuée ces dernières années pour le rouge, dont la consommation a encore reculé de 15% au premier semestre cette année en grande distribution, contre seulement 4% pour le rosé ou le blanc, indique Jérôme Despey. Les amateurs se tournent plus volontiers vers des vins moins alcoolisés, plus frais, ou d'autres alcools comme la bière.

Appel à des aides supplémentaires

Plusieurs dispositifs ont déjà été mis en place, à commencer par une enveloppe de 200 millions d'euros pour «la distillation de crise», destinée à détruire trois millions d'hectolitres d'excédents.

L'Etat va aussi consacrer 30 millions d'euros, voire 38 millions si besoin, à un plan d'arrachage sanitaire de la vigne dans le Bordelais.

Un fonds d'urgence de 20 millions d'euros en faveur des viticulteurs faisant face à des difficultés de trésorerie a par ailleurs été annoncé début novembre.

La filière prépare un plan stratégique pour se relancer mais pour Jérôme Despey, il faut rapidement «aller plus loin» avec un programme d'arrachage des cépages qui sont moins adaptés aux attentes des consommateurs, à remplacer par des variétés plus en phase avec le marché.

Pour les difficultés immédiates, il appelle à passer le fonds d'urgence de 20 à 60 millions d'euros.

Jérôme Despey comme Jean-Marie Fabre plaident aussi pour une «année blanche bancaire» permettant de décaler dans le temps les annuités dues en 2024, via un prêt de six à huit ans, les intérêts étant pris en charge par l'Etat.

Jean-Marie Fabre aimerait par ailleurs que le gouvernement aide les investissements de long terme permettant d'adapter la vigne aux aléas climatiques de plus en plus fréquents.