Viols de Mazan «Les agresseurs sexuels ont trois types de motivations...»: une experte se penche sur le cas Dominique Pelicot

AFP

21.9.2024

Le principal accusé dans le procès hors norme pour viols en France, un mari qui droguait sa femme pour la soumettre sexuellement à des inconnus, a détaillé un mode opératoire «basé sur la domination», selon une psychologue spécialisée en victimologie et criminologie.

Dominique Pelicot a reconnu avoir administré de puissants anxiolytiques à sa femme, l'avoir violée et fait violer par des dizaines d'hommes pendant dix ans.
Dominique Pelicot a reconnu avoir administré de puissants anxiolytiques à sa femme, l'avoir violée et fait violer par des dizaines d'hommes pendant dix ans.
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Dominique Pelicot s'est exprimé cette semaine pour la première fois devant la cour criminelle du Vaucluse (sud-est de la France), reconnaissant avoir administré de puissants anxiolytiques à sa femme, l'avoir violée et fait violer par des dizaines d'hommes pendant dix ans.

Mais il tient aussi à ne pas apparaître comme le seul coupable, souligne Joanna Smith, enseignante à l'Université Paris-Descartes et auteure de «Protéger son enfant des violences sexuelles».

«Trois types de motivations»

Question: Comment tenter d'expliquer les motivations du principal accusé?

Réponse: "Les agresseurs sexuels ont trois types de motivations, qui peuvent se cumuler: contrôle-domination de la victime, violence-hostilité et une motivation sexuelle, l'excitation liée au fait de forcer la victime.

Le fait de l'immobiliser, de la rendre inconsciente, de lui imposer des faits +à son insu+, qui plus est en passant par d'autres hommes, est un mode opératoire basé sur le contrôle et la domination. L'archivage des images avec tous les détails est aussi souvent un signe de plaisir lié au contrôle".

Q: Malgré une première interpellation en octobre 2021 après avoir filmé sous les jupes de clientes d'un supermarché, Dominique Pelicot a continué ses méfaits. Pourquoi alors que le risque était flagrant?

R: «Dans un certain nombre de cas, le fait de +flirter+ avec le risque judiciaire augmente l'excitation liée à la transgression et au sentiment de contrôle et de toute-puissance. Ici, on note le contrôle de la victime, le contrôle à travers des indications et consignes données aux autres agresseurs, le contrôle des informations qui peuvent les compromettre (films, numéros de téléphone, identité...)».

Q: Il a justifié ses agissements en raison de son «addiction» au sexe. Est-ce un argument recevable ?

R: "Il est possible qu'une part d'addiction existe dans de tels comportements très répétés. Néanmoins, cet argument est souvent amené par le mis en cause comme pour se dédouaner sur le mode +c'est une souffrance, c'est compulsif, j'ai voulu arrêter mais je n'ai pas pu+, voire pour atténuer sa responsabilité.

On peut envisager un aspect addictif au niveau de la crise, mais pas pendant 10 ans (...). Cela ne colle pas avec l'addiction qui est impulsive et non aussi planifiée".

Q: L'accusé a certes présenté ses excuses mais a-t-il réellement réalisé sa responsabilité ?

R: «La plupart des agresseurs sexuels présentent un égocentrisme très important, manquent d'empathie, minimisent la gravité des faits ou leur responsabilité afin de préserver une bonne image d'eux-mêmes. Un homme ayant commis et/ou fait commettre de multiples viols, lorsqu'il se rend compte de la gravité des faits, des conséquences et de sa responsabilité, s'effondre, généralement avec des idées suicidaires et un désir profond de réparer. Ce n'est visiblement pas son cas. Il reste manipulateur et peu sincère».

Q: Même s'il a dû être confronté à des preuves matérielles, il a justement reconnu les faits. Est-ce courant ?

R: "Il est rarissime qu'un agresseur reconnaisse les faits d'emblée auprès de la justice, à moins d'être mis devant des preuves tenaces. Le plus souvent, il nie au moins une partie des faits et banalise ceux qu'il reconnaît en attribuant la responsabilité à la victime et en alléguant le consentement de celle-ci.

Dans le cas présent, au niveau juridique, c'est sans doute dans son intérêt de dire que tous les mis en cause étaient au courant de la contrainte. J'imagine que son avocat et lui espèrent faire porter une partie de sa responsabilité sur les autres prévenus. Et peut-être racheter sa propre image, à ses yeux..."